Intervention de Laurence Abeille

Séance en hémicycle du 23 janvier 2014 à 9h30
Exposition aux ondes électromagnétiques — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille, rapporteure de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, monsieur le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, monsieur le président et madame la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une nouvelle proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques. L’an dernier, lors de la précédente journée d’initiative parlementaire réservée au groupe écologiste, nous avions déjà examiné une proposition de loi relative à l’application du principe de précaution aux risques résultant des ondes électromagnétiques. Comme vous vous en souvenez, ce texte avait été renvoyé en commission, avec l’assurance du Gouvernement et du groupe socialiste que le sujet ne serait pas abandonné.

Nous aboutissons aujourd’hui à l’examen d’un nouveau texte, issu des réflexions menées pendant un an. Ce deuxième texte sur les ondes électromagnétiques est aussi inscrit au sein de la niche annuelle des écologistes. J’espère donc que le Gouvernement et le groupe majoritaire inscriront désormais ce texte à l’ordre du jour, lors de son passage au Sénat et lors des deuxièmes lectures.

La principale raison du renvoi en commission l’an dernier était que des rapports étaient attendus. Ils ont été rendus. Celui sur le principe de sobriété, annoncé par le Gouvernement l’an dernier lors de l’examen tronqué de notre proposition de loi, a été rendu en décembre par MM. Girard, Tourtelier et Le Bouler. Ce rapport recommande l’adoption d’une loi, notamment pour réguler l’implantation des antennes-relais. Même si, selon les termes des rapporteurs, nous sommes dans l’incertitude scientifique, cela ne signifie pas que le législateur n’ait pas à légiférer. Je remercie le président Brottes d’avoir créé un groupe de contact composé de parlementaires de tous les groupes pour suivre l’évolution de cette mission, ce qui nous a permis des échanges réguliers.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a remis au mois d’octobre dernier son rapport actualisé sur les radiofréquences. Comme en 2009, elle insiste sur la nécessité de limiter les expositions, notamment chez les plus jeunes. Le COPIC a également rendu ses conclusions. La principale est qu’il faut mettre en place une procédure d’installation des antennes-relais transparente, qui combine information des riverains et concertation, notamment avec les élus. Nous avons donc désormais toutes les cartes en main pour examiner un texte sur les ondes électromagnétiques.

Je voudrais préciser un point, qui concerne les règles applicables à l’étranger en matière de seuil d’exposition aux ondes électromagnétiques. On entend souvent dire que si la France adoptait un texte protecteur des populations, alle serait le seul pays au monde à agir ainsi. On entend aussi souvent dire que les seuils de 41 à 61 volts par mètre recommandés par l’International commission on non-ionizing radiation protection, l’ICNIRP, en 1998 seraient appliqués dans le monde entier, et qu’il n’y a aucune raison que la France les remette en cause. Or, dans de nombreux pays, les seuils appliqués en matière d’ondes électromagnétiques sont plus restrictifs. L’exemple de la région de Bruxelles est très souvent donné : la valeur limite est de 3 volts par mètre dans les lieux de vie, très loin donc des 61 volts par mètre. En Italie, les seuils sont également plus stricts, avec une limite de 6 volts par mètre dans les lieux de vie et un objectif d’abaissement progressif des seuils. Les seuils sont également plus stricts en Pologne, en Suisse, en Bulgarie, au Luxembourg, au Liechtenstein, en Grèce, en Lituanie, en Slovénie, en Catalogne ou à Paris ! Alors, arrêtons de nous faire peur en considérant la France comme un pays réfractaire aux nouvelles technologies, et qui irait à contre-courant des politiques menées ailleurs.

Dernier point, je tiens à rappeler que le texte qui vous est présenté aujourd’hui est un texte équilibré qui reprend les principales dispositions issues de la concertation menée au sein du COPIC entre les opérateurs, les associations, les élus, le Gouvernement, etc. Équilibre et bon sens, puisque les opérateurs auront un cadre clair pour implanter leurs antennes. Équilibre et bon sens, puisque les élus locaux disposeront des éléments pour mener la concertation locale qu’on remet dans la boucle. Équilibre et bon sens enfin puisque les citoyens seront davantage informés et protégés et pourront limiter leur exposition aux ondes mieux qu’actuellement.

Venons-en aux dispositions du texte et aux travaux des commissions.

L’article 1er est le coeur de ce texte. Il vise à instaurer un objectif de modération de l’exposition aux ondes, notamment lors de l’implantation des antennes-relais. Il instaure un dispositif de recensement et de traitement des points atypiques, notamment avec une prise en compte des établissements dits « sensibles », c’est-à-dire accueillant des personnes plus vulnérables comme les enfants. Cet article a été largement réécrit en commission, avec un amendement de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, Mme Suzanne Tallard, que je remercie pour son attachement à ce texte et sa collaboration. Sur le fond, cette réécriture change peu les dispositions de la proposition de loi initiale, mais elle fait remonter au niveau législatif des dispositions qui étaient renvoyées à un décret en Conseil d’État, notamment afin de les rendre directement opérationnelles.

Cet article 1er s’appuie évidemment sur les conclusions des travaux du COMOP-COPIC, relatifs à l’information du public et à la concertation au niveau local. Il crée une instance de conciliation au niveau national, sous l’égide de l’Agence nationale des fréquences. Il précise les obligations en matière de mesure de champs électromagnétiques avant et après l’implantation. Il redonne un rôle au maire, sans donner une compétence et un pouvoir de décision au niveau local, mais les élus locaux ne seront plus laissés de côté.

L’article 2 a pour objectif final de permettre aux élus et aux citoyens de mieux connaître leur territoire, et d’aboutir à terme à la mise en place d’un cadastre électromagnétique, ou, à tout le moins, à une version plus aboutie du site cartoradio.fr géré par l’Agence nationale des fréquences.

L’article 3 vise à ce que l’ANSES remette périodiquement un rapport sur les radiofréquences. Les nouveaux équipements arrivent très rapidement sur le marché – on le voit avec les tablettes connectées pour enfants qui ont déferlé à Noël –, sans qu’une étude d’impact sanitaire soit menée. Il serait intéressant que l’ANSES engage cette mission plus prospective sur les nouveaux usages ou nouveaux équipements qui pourraient, demain, poser problème sur le plan sanitaire.

L’article 4 encadre plus strictement la multitude d’émetteurs d’ondes qui nous entourent, et notamment les ondes wifi. On nous rétorque souvent que, le wifi, c’est différent, qu’il émet moins. Certes, mais lorsque dans un appartement d’une grande ville, on capte plusieurs dizaines de réseaux wifi différents, jour et nuit, il est du devoir du législateur de se poser des questions, d’anticiper et de légiférer, encore une fois, dans l’incertitude scientifique. Si les études sont moins nombreuses sur le wifi, et les risques moins étayés, c’est peut-être aussi que le wifi existe depuis moins longtemps. On a l’impression de vivre avec elle depuis toujours, mais cette technologie ne se déploie à grande échelle que depuis le milieu de la décennie passée. Rappelons aussi que c’est l’ensemble des radiofréquences que l’OMS a classées comme potentiellement cancérigènes, et le wifi en fait bien partie !

Alors, les dispositions de l’article 4 sont des dispositions de bon sens. Elles prévoient : l’affichage clair du débit d’absorption spécifique, même si cette mesure mériterait d’évoluer ; la possibilité de désactiver facilement le wifi, déjà offerte par une partie des box internet ; l’indication, le cas échéant, qu’un appareil émet des ondes, nos concitoyens pouvant ignorer que certains appareils, comme les ampoules fluo compactes ou ampoules basse consommation, les plaques à induction ou les téléphones fixes sans fil, dits DECT, sont de forts émetteurs ; l’information des habitants lorsqu’on installe chez eux des appareils émettant des ondes, notamment des émetteurs communicants. Sur ce dernier point, je pense, à titre personnel, que personne ne devrait se voir imposer dans son habitation un équipement dont il ne veut pas pour des raisons sanitaires.

L’article 5 vise à réguler la publicité pour les téléphones portables et l’ensemble des terminaux mobiles, comme les tablettes. Puisque les risques liés à l’utilisation d’un téléphone portable à l’oreille sont désormais clairement établis par la littérature scientifique et les agences de santé, il est nécessaire que la publicité transmette ce message de précaution sanitaire, en ne montrant plus ce type de comportement. L’usage à l’oreille du téléphone devrait être l’exception. Il faut avoir le bon réflexe et mettre des oreillettes comme on le fait pour écouter de la musique avec un baladeur !

En ce sens, et c’est l’objet de l’article 6, il est nécessaire de promouvoir d’autres comportements, et de sensibiliser davantage la population et les usagers de ces technologies.

L’article 7 concerne spécifiquement la petite enfance et le wifi. Comme je l’ai dit, certains considèrent le wifi comme relativement inoffensif, ce qui est loin d’être certain. En revanche, nous pouvons tous nous accorder sur un point : le wifi est totalement inutile dans une crèche. Le bilan bénéfices-risques est donc vite fait, et plaide pour une interdiction du wifi dans les établissements fréquentés par les plus jeunes. Pour les écoles maternelles, le wifi est je le pense également inutile. À quoi bon prendre ce risque ? Nous en reparlerons.

Enfin, l’article 8 traite de l’électro-hypersensibilité. Si cette pathologie est encore mal connue, nous savons que des personnes souffrent, et il est du devoir de la puissance publique de considérer leur situation et d’apporter une réponse. Il est même illusoire de croire que les ondes qui nous traversent en permanence n’auraient strictement aucun effet, chez personne. Nous sommes tous électrosensibles, et certains deviennent hyper- électrosensibles du fait de l’accumulation d’ondes qui nous entourent.

Je vous propose donc d’adopter cette proposition de loi.

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