La concurrence doit ajouter, non retrancher. Or, pour l'instant, elle a entraîné une diminution de la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises, alors que nous ambitionnions une hausse de 25 % en 2025. Il faut dégager des moyens pour les autoroutes ferroviaires et les corridors pour le fret, promouvoir la complémentarité avec les autres modes de transport, notamment par le développement des autoroutes maritimes et par une politique de cabotage routier cohérente.
Le quatrième paquet ferroviaire devra tenir compte des spécificités nationales. Certains pays ont développé un système intégré dont l'efficacité n'a pas été prouvée et souhaiteraient séparer les fonctions de gestionnaire de celles d'exploitant du réseau. L'Allemagne est satisfaite de son organisation intégrée sous forme de holding. La France va engager une réforme apportant de la clarté, des économies d'échelle et de l'efficacité à son système. Ce cadre nouveau reposera sur un pôle unifié autour de l'opérateur historique – ce qui n'entravera pas l'éventuelle ouverture à la concurrence des lignes nationales – et sur une plus grande place des régions qui, à la suite de la nouvelle étape de la décentralisation, pourront devenir des autorités organisatrices de transports. Les réformes européenne et française sont certes découplées, mais le projet porté par le Gouvernement est compatible avec celui de l'UE. Sachons influencer la Commission, et non subir son mode de pensée.
En matière de pêche, monsieur Gilles Savary, nous avons beaucoup progressé. D'abord isolée sur la question de la politique commune de la pêche (PCP), la France a proposé, lors du Conseil européen de juin dernier, une approche fondée sur le respect des avis scientifiques. Dès lors que les stocks et la biomasse présentent une fragilité avérée, il convient de diminuer raisonnablement les quotas ; en cas d'évolution favorable, il est possible de les augmenter ; en cas d'incertitude, il faut les maintenir. L'essentiel est d'imposer des engagements pluriannuels, afin d'en finir avec les changements permanents des objectifs.
L'enjeu de la PCP est de moderniser le fonctionnement de la pêche. C'est dans cette optique que s'inscrit notre nouvelle discussion avec la commissaire Maria Damanaki que je salue pour les efforts qu'elle a réalisés et qu'il est important de reconnaître. Mme Damanaki est d'ailleurs officiellement invitée en France, en février, pour discuter de la politique maritime intégrée. Nous nous sommes opposés aux concessions de pêche transférables – synonymes de la marchandisation de la mer –, obtenant la reconnaissance du principe de subsidiarité. Notre position sur les rejets est, en revanche, minoritaire. La PCP et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) devraient être considérés ensemble, car si l'on interdit le rejet, nous devons disposer de moyens suffisants pour moderniser nos méthodes. Cela dit, afin d'éviter le blocage entre le Parlement et le Conseil, qui pénaliserait l'ensemble des pêcheurs, chacun doit rechercher le compromis.
Enfin, la France s'inscrit pleinement dans la stratégie dessinée par la déclaration de Limassol. Nous devons rechercher des financements intelligents pour les aires marines protégées et parvenir à une définition commune des enjeux qu'elles représentent.
Monsieur Jean-Marie Sermier, la politique de transport sur les lignes à grande vitesse (LGV) a soulevé beaucoup d'espoirs, mais il faut désormais trouver des financements adéquats. Pour importantes qu'elles fussent, les déclarations faites à l'occasion des assises du ferroviaire, en décembre 2011, sont arrivées trop tardivement dans le quinquennat pour permettre de mener une politique ambitieuse. Les revendications des territoires sont légitimes, mais c'est à la commission Mobilité 21 de hiérarchiser les enjeux entre le ferroviaire, l'aérien et l'autoroutier, les projets transnationaux exigeant une approche particulièrement pragmatique. Les LGV doivent être évaluées du point de vue de leur soutenabilité ; or, celle-ci dépend non seulement de l'État, mais également des collectivités territoriales qui doivent cofinancer ces projets à hauteur de 90 milliards d'euros. Pourront-elles toutes honorer leurs engagements ? N'oublions pas non plus que les grands chantiers s'étalent sur le temps long.
Ni la Commission européenne, ni l'Allemagne ne voient aucune ambiguïté dans la position de la France sur le quatrième paquet ferroviaire. Le calendrier n'est pas non plus remis en question : la libéralisation des lignes de TGV n'interviendra pas avant 2019, l'organisation ferroviaire n'y étant pour le moment pas prête.
S'agissant du transport aérien, madame Annick Girardin, nous avons essayé de déplacer la discussion sur les « emission trading schemes » (ETS) au niveau de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Sans renoncer à l'objectif du dispositif, celle-ci devrait l'équilibrer en impliquant les États-Unis, la Chine et la Russie, afin que l'Europe ne soit pas seule à se l'imposer. Il faut également affiner les mesures ; aujourd'hui, en effet, un avion chinois qui n'entre que pour quelques minutes dans l'espace aérien européen est taxé sur l'ensemble du vol jusqu'aux États-Unis. Les discussions sont néanmoins difficiles et menacées de blocage, la Chine ayant promis de boycotter le système.
Pour revenir à la pêche, la question de la civelle mérite en effet réflexion, monsieur Olivier Falorni. La commissaire Damanaki, suivant en cela une demande de la France, a mis en place une aide à l'installation des jeunes pêcheurs, à hauteur de 50 000 euros. Il s'agit d'un signal très positif que les États devraient essayer de relayer. Par ailleurs, si notre position sur les rejets est singulière, c'est en raison de la spécificité de nos modes de pêche : les pays nordiques font souvent de la pêche minotière – qui exclut les rejets puisqu'il s'agit de faire de la farine –, alors que la France pratique la pêche mixte où il est difficile d'isoler les prises accessoires. Ces distinctions exigent d'adopter des dispositifs intelligents.
Il est important de travailler sur les modes de transport du futur, ainsi que sur les carburants du futur, qui permettraient de résoudre bien des difficultés. Il faut, à cet égard, saluer l'initiative de la région de Bretagne qui s'est engagée à développer le navire du futur, dans la perspective du renouvellement de la flotte.
Monsieur Roumegas, nous avons engagé le contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier, en collaboration avec l'Espagne ; actuellement, nous réglons la question de l'homologation du matériel roulant. La mise en place du barreau coûtera cher, mais le débat public est lancé, et les objectifs sont soumis à la Commission Mobilité 21 dont le travail est en cours.
Le Canal Seine-Nord Europe, monsieur Stéphane Demilly, est un enjeu majeur d'aménagement du territoire, dont il aurait fallu prendre conscience plus tôt ; il est dommage de n'avoir demandé de subventions européennes qu'à hauteur de 6 %. D'autres projets avaient été, à l'évidence, privilégiés à l'époque, et votre Gouvernement n'assumera pas les responsabilités qui ne sont pas les siennes. Nous avons, dès le premier jour, demandé à la Commission européenne d'inscrire le canal parmi les priorités de mobilisation des fonds européens. L'enveloppe globale s'élève aujourd'hui à 19 milliards d'euros, et la France a un droit de tirage de l'ordre de 10-15 %.
Par ailleurs, le partenaire privé du projet s'étant défaussé, j'ai dû me tourner vers d'autres entreprises. Le montage financier du projet date de 2008, et malgré la crise, on n'a revu ni les hypothèses financières, ni les capacités du partenaire privé à mobiliser des fonds sur le marché. C'est pourquoi j'ai commandé deux enquêtes auprès de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), qui devront nous livrer des solutions de sortie de crise. Les « project bonds » et le combat du Président de la République au niveau européen permettront sans doute d'avoir des financements nouveaux. Le Gouvernement est décidé à les mobiliser sur des grands chantiers, parmi lesquels nous avons inscrit le canal Seine-Nord Europe. Mais les projets financés doivent être suffisamment solides et achevés ; c'est pourquoi je souhaite un vrai dialogue compétitif avec les entreprises et un véritable partenariat public-privé, le partage de l'expertise technique et des savoir-faire devant nous permettre d'aboutir à des solutions moins coûteuses, plus pragmatiques et plus efficaces. Le pilotage sérieux du projet met toutes les chances de notre côté, et nous sommes prêts à y accorder le temps nécessaire.