Il me semble avoir entendu dans votre propos plus de points de convergence que de désaccord, madame la présidente.
L'objectif de Lisbonne visait à ce que l'effort de recherche et développement atteigne 3 % du PIB en 2010. Aujourd'hui, l'Allemagne parvient à 2,89 %, mais la France plafonne depuis dix ans à environ 2,24 %. L'effort public est pourtant le même dans les deux pays, soit environ 1,7 %, mais le financement privé est beaucoup moins élevé chez nous. Pour autant, on ne peut en conclure que les entreprises françaises investissent insuffisamment dans la recherche et le développement. En réalité, l'Allemagne ayant conservé un appareil productif plus important, ses investissements privés dans l'industrie sont restés élevés. Rapporté à la taille de l'appareil productif, l'effort du secteur privé est en réalité à peu près équivalent dans les deux pays, mais nous souffrons justement de la perte de capacité de notre appareil productif.
On en revient toujours là : l'industrie, pourtant si décriée, est au coeur de l'innovation – d'où l'importance de la relance industrielle et du pacte de croissance. Les emplois de production ne représentent d'ailleurs que la moitié des emplois industriels, le reste étant des emplois de services. Or si notre industrie a davantage souffert de la crise, des délocalisations et de la mise en place durable de nouveaux équilibres, c'est parce que nos produits et nos services se situent dans le bas du moyen de gamme, alors que l'Allemagne privilégie le haut de gamme et le haut du moyen de gamme. L'automobile en est un bon exemple.
Il est vrai que notre voisin a une culture industrielle plus forte que la nôtre : on n'y considère pas, contrairement à ce qui se passe en France, que l'académique et l'abstraction doivent dominer la technologie. En outre, l'Allemagne bénéficie de la présence de 90 Fraunhofer-Instituts, ces plateformes qui permettent de transférer les technologies de la recherche vers les entreprises. Cela explique aussi que ces fameuses entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui forment le Mittelstand industriel allemand, y soient trois fois plus nombreuses qu'en France.
Nous ne progresserons donc que si nous arrivons à maintenir et relancer nos emplois industriels, et surtout à créer de nouvelles filières. Pour cela, nous disposons de domaines d'expertise. Ainsi, l'expertise nucléaire peut s'appliquer aux énergies renouvelables. La direction de la recherche technologique du CEA gère d'ailleurs, à Grenoble, un laboratoire entièrement consacré aux énergies nouvelles, le Laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (LITEN). On y travaille sur les batteries, le stockage de l'énergie, l'efficacité énergétique, les réseaux intelligents, etc.
Nous devons apprendre à décloisonner, à être plus souples, et nous battre pour défendre notre industrie. C'est seulement ainsi que nous atteindrons l'objectif de 3 % du PIB consacré à la recherche et au développement. La Corée du Sud, pour sa part, atteint 5 % et voudrait porter ce taux à 6,5 %. Nous n'avons pas intérêt à nous endormir, car la concurrence mondiale est rude !
Nous avons de l'avance dans certains domaines, mais nous ne pouvons pas exceller partout : c'est pour cela que j'ai voulu établir un agenda stratégique. Lors du dernier séminaire consacré à la compétitivité, le Président de la République nous a appelé à définir des priorités et à arrêter de saupoudrer les subventions.
Les « gazelles », ces entreprises à fort potentiel de croissance repérées par Oséo, font sûrement l'objet d'un programme européen, mais je ne l'ai pas identifié. Je vous répondrai donc par écrit sur ce point. Toutefois, s'agissant de la France, le conseil d'administration de l'ANR a accepté, à ma demande, d'intégrer cent programmes partenariaux spécifiquement destinés à ces PME, afin de leur permettre d'améliorer leurs compétences et d'innover.
Peut-être ai-je évoqué trop rapidement la recherche sur le développement durable, madame la Présidente, mais je rappelle que les thématiques qui vous intéressent – efficacité énergétique, énergies nouvelles, ville et mobilité durable – font partie des axes de la stratégie Horizon 2020, elle-même dotée d'un budget de 70 milliards d'euros. L'orientation de la recherche européenne sur ces sujets est donc extrêmement forte.