Intervention de Christophe Léonard

Réunion du 27 février 2013 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Léonard, rapporteur :

Madame la Présidente, mes chers collègues, je souhaite vous faire part des derniers développements sur la question de la délégation aux régions et aux départements de la gestion des fonds de cohésion, dans le cadre du projet de loi dit « décentralisation III ». Alors que la délégation aux collectivités territoriales de la gestion des fonds FSE (Fonds Social Européen), FEDER (Fonds Européen de Développement Régional), FEADER (Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural) est un engagement de campagne du président de la République, un « bras de fer » s'est engagé depuis l'automne dernier entre l'Association des Régions de France (ARF) et les ministères du travail, de la ville et de l'agriculture sur la nécessité dans certains cas de maintenir ou non une cohérence nationale et donc pour l'Etat de rester autorité de gestion. Il convient de noter que toutes les régions ou tous les départements ne sont pas aujourd'hui preneurs de l'autorité de gestion de ces fonds et des contraintes qui en découleront, notamment en terme de responsabilité financière.

La rédaction actuelle de l'article 5 du projet de loi sur la décentralisation III précise à cet égard que : « les collectivités territoriales, lorsqu'elles {assureront} la gestion des programmes européens {supporteront} la charge des corrections et sanctions financières mises à la charge de l'Etat par une décision de la Commission européenne, de la Cour des comptes européennes, par un jugement de première instance de l'Union européenne ou par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, pour les programmes en cause. Ces dépenses seront des dépenses obligatoires inscrites au budget des collectivités concernées. »

Après audition des administrations compétentes, l'état des lieux de la négociation en cours est le suivant. Concernant le FSE, l'arbitrage n'est pas rendu. La position du ministre est que la décentralisation des fonds doit suivre la décentralisation des compétences. Les régions seront donc chef de file de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi. L'Etat conservera l'autorité de gestion pour le volet « emploi ». Pour le FSE « inclusion » de compétence départementale, deux options sont aujourd'hui en concurrence : selon la première option, le FSE « inclusion » serait piloté par les régions avec contractualisation entre régions et départements ; selon la deuxième, le FSE « inclusion » resterait piloté par l'Etat avec contractualisation renforcée avec les départements. Le ministère estime que l'emploi et l'inclusion sont liés. Son objectif est donc de renforcer les liens politiques entre emploi et insertion et de recentrer ce volet du FSE sur les points qu'il juge prioritaires.

L'Assemblée des Départements de France (ADF) n'a pas de position officielle formalisée ce qui explique l'absence d'arbitrage à ce jour. Il faut néanmoins souligner qu'il n'est pas aisé de trouver la bonne articulation entre logiques nationales et logiques par bassins d'emploi.

Concernant le FEDER, il faut noter qu'au niveau européen, l'urbain n'est pas une compétence obligatoire mais est traité via la cohésion. Pour la première fois, 5 % de l'enveloppe FEDER 2014-2020 devra être fléchée sur des stratégies urbaines intégrées, avec la possibilité de déléguer en gestion cette enveloppe aux villes. La Commission européenne souhaite avoir une approche transversale de l'urbain, à croiser avec l'approche transversale de la politique de la ville. L'idée est que la politique de cohésion doit être territorialisée, ce qui relève en France de la politique de la ville. La difficulté provient de ce que les priorités nationales ne sont pas forcément les mêmes que les priorités régionales.

Le ministère de la Ville aurait souhaité fédérer les crédits FEDER et FSE sur les mêmes territoires, les harmoniser et les mobiliser de manière pluriannuelle dans le cadre des futurs contrats de ville et des contrats urbains de cohésion sociale. Rappelons que la politique de la ville n'est pas régionale, mais concerne les villes et les intercommunalités, sans obligation de cofinancement des régions.

L'objectif actuel du ministère est donc de sanctuariser une enveloppe qui serait « fléchée » politique de la ville. Actuellement, la logique qui prévaut est une logique de gestion, c'est-à-dire d'approche par fonds. Le ministère de la ville plaide pour une approche par politique publique et donc approche plurifonds.

Le 13 février dernier, l'ARF et le ministère de la ville ont signé un accord-cadre pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Les régions se sont engagées à définir dans le cadre de leur programme plurifonds un volet politique de la ville qui sera fléché sur des programmes prioritaires : 10 % de l'enveloppe FEDER-FSE seront ainsi obligatoirement fléchés sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville tels qu'ils résulteront de la réforme à venir cette année et des priorités thématiques du ministère (santé, lien social, etc…) qui recouvrent en partie les priorités d'Europe 2020.

Par ailleurs, il faudra dans le cadre du futur programme national d'assistance technique (qui va être élaboré en lien avec l'ARF) un programme urbain qui suive l'engagement de ces 10 %. La DATAR assurera l'autorité de gestion de ce programme avec les régions, et le ministère demeurera vigilant, car l'enjeu de la politique de la ville n'est pas le même en fonction des régions.

Cet engagement de l'ARF n'ayant aucune valeur contraignante, le ministère souhaite par contre que cette contrainte soit inscrite dans le projet de loi « décentralisation III » pour ainsi s'appliquer à chaque région. D'ores et déjà, l'arbitrage interministériel rendu le 25 février 2013 a acté le transfert de l'autorité de gestion aux conseils régionaux pour 22 programmes régionaux.

Concernant le FEADER, l'arbitrage interministériel rendu le 25 février 2013 a retenu un canevas avec 21 programmes régionaux le tout dans un cadre national qui contient les éléments communs aux différents programmes avec la reconduite du schéma actuel pour la Corse.

Le ministère de l'agriculture souligne l'intérêt d'un cadre national, pour certaines politiques, pour lesquelles il s'agit de préserver l'expression de la solidarité nationale ou de conserver une certaine efficacité. Ce sont, par exemple, les indemnités compensatoires de handicap naturel, mais aussi les politiques pour certains types de bénéficiaires, comme l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs, ou les mesures agro-environnementales. L'Etat voudrait pouvoir continuer à négocier avec la Commission européenne le montant de ces primes, avec possibilité offerte aux régions de les adapter.

Pour tout le reste, les régions seront libres, avec une seule contrainte : affecter dans le cadre du FEADER 5 % des crédits à l'axe du programme « LEADER », qui promeut les stratégies locales de développement intégré. L'idée de cette approche « bottom up » est de donner une part de gouvernance aux acteurs locaux, pour qu'ils élaborent une stratégie, la mettent en oeuvre et sélectionnent des projets.

En conclusion, il apparaît que la matière n'est pas encore stabilisée à ce jour. Des arbitrages doivent encore être rendus notamment pour le FSE. Quelle que soit la réalité ou non des transferts d'autorité de gestion, le désengagement de l'Etat ne se fera pas du jour au lendemain, notamment au regard du suivi de la fin de programmation de l'exercice 2007-2013. Une étude d'impact des décisions en cours sur l'efficacité attendue en retour semble indispensable.

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