Intervention de Daniel Cohn-Bendit

Réunion du 13 février 2013 à 16h30
Commission des affaires européennes

Daniel Cohn-Bendit :

Pas du tout ! C'est la même logique ! Il est vrai que techniquement, ce sont les finances publiques nationales qui sont mises à contribution. Mais la question qui se pose ici est exactement la même que pour la BCE, dont les dix-sept pays de la zone euro n'ont pu contester les décisions, étant donné son indépendance, alors même que si elle avait fait faillite, ce sont leurs finances publiques nationales qui en auraient subi toutes les conséquences. Je reconnais que le financement par les budgets nationaux du soutien économique aux États endettés est une erreur et qu'il devrait émaner d'un budget européen. Cette remarque me conduit à évoquer le débat budgétaire européen.

Il est absolument aberrant de discuter d'un cadre financier pluriannuel d'une durée de sept ans, ce qui correspond à deux mandats européens ! Dans de telles conditions, à quoi bon organiser d'ici 2020 le moindre débat politique au Parlement européen puisque tout aura déjà préalablement été décidé par d'autres ? Autre aberration, le TSCG repose, lui aussi, sur des accords intergouvernementaux assortis de financements nationaux contrôlés de manière inéquitable par les gouvernements nationaux, sans la moindre régulation démocratique européenne. On ne peut poursuivre éternellement dans cette logique a-démocratique !

Et contrairement à ce que disait le Président de la République, le compromis budgétaire européen – qui a été décidé de la manière la plus opaque qui soit – est très mauvais, même s'il était sans doute le seul que puissent trouver les gouvernements nationaux. Pour y parvenir le Président du Conseil européen a commencé par négocier avec David Cameron sur le rabais britannique, puis avec François Hollande sur la politique agricole commune (PAC), puis avec le Premier ministre du Danemark, trop riche pour bénéficier de fonds structurels, sans pouvoir être éligible à la PAC non plus, et ainsi de suite avec tous les États membres. C'est ainsi que chaque pays a obtenu son rabais : il existe en effet plus d'une cinquantaine d'exceptions au budget européen. Cette logique financière aberrante est incontrôlable !

Les gouvernements disposent donc désormais d'un budget de 960 milliards d'euros de crédits d'engagement, mais de seulement 910 milliards de crédits de paiement, ce à quoi personne ne comprend rien. L'article 370 du Traité de Lisbonne dispose que le budget européen ne peut être déficitaire ? Peu importe ! Le budget de 2012 l'est de 16 milliards d'euros, si bien que pendant près d'un mois, la Commission européenne a été incapable de payer quoi que ce soit, ce qui n'a pas empêché l'Europe de donner des leçons d'austérité à tout le monde ! Et voilà qu'à présent, on projette un budget déficitaire de 60 à 70 milliards sur sept ans.

Surtout, notre cadre budgétaire pluriannuel est structurellement réactionnaire et conservateur. Il maintient le statu quo, et à l'exception d'ITER, il a réduit de moitié les crédits de tous les investissements d'avenir en faveur de la recherche, de l'éducation et de Connecting Europe ! Les gouvernements ont également refusé d'abandonner le système des contributions nationales pour créer un véritable budget européen doté de ressources propres. Quant au budget de la politique agricole commune, et c'est là l'oeuvre de la France, il prévoit que 20 % des exploitations agricoles touchent 80 % des aides. Car en refusant de plafonner les aides aux grosses installations, on joue le jeu de l'agrobusiness et l'on désertifie les campagnes de ses millions d'exploitants ! Pourquoi n'organise-t-on aucun débat public sur le sujet ? On subventionne largement la Reine d'Angleterre, la Reine de Hollande et le Prince de Monaco ! À l'inverse, 165 000 petites fermes toucheront moins de 5 000 euros par an et 85 000, moins de 1 250 euros. Ce n'est donc pas pour la France que l'on a sauvé la PAC mais pour un millier d'exploitations !

De deux choses l'une : soit le Parlement européen refuse pour la première fois de son histoire ce budget pluriannuel qu'il trouve mauvais, et tous les gouvernements comprendront que l'Europe dispose d'une véritable instance de contrôle démocratique, soit il l'adopte, et les gouvernements continueront à piétiner la démocratie européenne au cours des sept prochaines années, comme ils l'ont fait lors de la décennie qui vient de s'écouler. C'est la gouvernance démocratique de l'Europe qui est en jeu dans cette discussion budgétaire.

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