Intervention de Estelle Grelier

Réunion du 11 décembre 2012 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEstelle Grelier, rapporteure :

Cette année encore, la Commission propose deux règlements séparés pour la fixation des possibilités de pêche, l'un concernant les stocks internes de l'Union européenne, l'autre les stocks faisant l'objet d'accords internationaux.

Celles-ci, appelées « TAC », totaux admissibles de captures, déterminent les quantités maximales de poissons d'une espèce pouvant être pêchées sur une zone pendant une période donnée. Après leur adoption par le Conseil, ils sont répartis entre les États membres sous forme de quotas en fonction notamment des antériorités de pêche, chaque État gérant ses quotas et en rendant compte à la Commission. Fixés en fonction des engagements internationaux de l'Union européenne, ils sont établis sur la base de l'expertise des instituts nationaux de recherche, des avis du Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) et du Comité scientifique, technique et économique de la pêche de la Commission européenne (CSETP).

Le deuxième texte concerne les stocks de poissons faisant l'objet d'une gestion commune avec des pays tiers, notamment la Norvège, le problème de la pêche étant l'une des causes de la non adhésion de ce pays à l'Union européenne, les Iles Féroé, le Groenland, l'Islande, la Russie, et les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP). Les quotas dépendent dans ces cas de négociations internationales toujours très longues qui ne se concluent généralement que très tard, le plus souvent juste avant la réunion du Conseil.

La France est favorable à une adoption simultanée de l'ensemble des possibilités de pêche afin d'en conserver une vision d'ensemble dans la mesure où notre pays a, du fait de l'étendue de sa façade maritime, des intérêts de pêche dans toutes les zones, cette scission en deux propositions distinctes entraînant, au surplus, des complications administratives.

Le premier texte a trait aux possibilités de pêche « gérées exclusivement par l'Union européenne » et concernent les stocks de l'Atlantique et la mer du Nord à l'exclusion de la Méditerranée.

La Commission a exposé l'approche ayant abouti à ces propositions de TAC pour 2013 dans sa communication du 7 juin 2012.

Selon elle, l'état des stocks s'améliore car il y a, actuellement, 20 stocks non surexploités contre 5 en 2009. Elle considère donc que fixer des TAC est une mesure efficace mais non suffisante pour assurer le caractère durable des ressources. Elle préconise une gestion à long terme ainsi que l'élimination d'un certain nombre de pratiques comme, par exemple, l'interdiction des rejets, qui posent des problèmes difficiles à résoudre aux pêcheurs, et qui seront étudiés à l'occasion de l'examen des textes réformant la politique commune de la pêche.

Elle estime, par contre, que la santé économique du secteur, qui a vu ses effectifs baisser de près de 8 % entre 2005 et 2009, n'est pas bonne pour trois raisons : mauvais état des stocks, mais au terme d'une analyse non confrontée avec celle des pêcheurs, importance des coûts, notamment du carburant, légère baisse des prix du poisson sur les marchés de consommation. Concernant les coûts du carburant, il faut souligner que la France a demandé, à de nombreuses reprises, la majoration des aides de minimis, qui a toujours été refusée par la Direction générale chargée de la concurrence.

Les TAC proposés pour 2013 prévoient une hausse pour 11 stocks, un maintien pour 5 stocks et une baisse pour 47. La Commission semble vouloir accélérer l'atteinte du Rendement Maximal Durable (RMD), (la plus grande quantité de biomasse que l'on peut extraire en moyenne et à long terme d'un stock halieutique dans les conditions environnementales existantes sans affecter le processus de reproduction), pour certains stocks en 2015. De façon générale, la France estime qu'il faut parvenir progressivement au RMD en 2015 seulement là où cela est possible et en 2020, au plus tard, conformément aux engagements pris lors de la Conférence de Nagoya de 2010. Elle est soutenue sur ce point par un certain nombre de pays : Royaume-Uni, Espagne, Portugal, Belgique et Irlande.

Il faut être réservé sur une atteinte du RMD dès 2015 car il faut conserver une certaine progressivité pour limiter l'impact des mesures de gestion sur l'activité de pêche et ménager ainsi des transitions permettant l'adaptation du secteur de la pêche. Ce qui est en jeu dans ce secteur, depuis plusieurs années, est de savoir si l'Union européenne souhaite ou non garder un secteur de la pêche actif et prospère. Car il ne s'agit pas uniquement de la viabilité d'un seul secteur économique. En effet en en jeu la vie, voire la survie, d'un nombre très important de communautés portuaires faisant vivre les littoraux européens qui sans cette activité sont menacés, à terme, de désertification.

D'autres risques doivent être pris en compte. En effet si un marché et les industries de transformation ne sont pas suffisamment alimentés pendant un certain temps, les ressources manquantes seront fournies par des approvisionnements extérieurs, alors qu'actuellement 68 % des poissons consommés dans l'Union européenne sont importés dans des conditions de salubrité parfois douteuses. Ce qui entraînera des parts de marché perdues quand les quotas réaugmenteront.

Il faut également souligner qu'à l'instar de la Politique agricole commune (PAC), la pêche est une des sources de l'alimentation humaine ce qui met en cause l'autonomie alimentaire du pays.

Enfin, on soulignera que dans le projet de cadre financier pluriannuel 2014-2020, les fonds affectés au Fonds européen pour les affaires maritimes (FEAMP) qui finance notamment le renouvellement de la flotte de pêche sont de l'ordre de 100 millions d'euros pour la période, ce qui est très peu. On a l'impression que la pêche est moins défendue que la PAC alors qu'elle est l'origine de nombreux emplois.

La baisse des TAC et quotas ne va pas entraîner une meilleure viabilité du secteur, surtout quand on voit leur incidence sur les petits ports comme Fécamp.

Je vous propose donc de rejeter ces deux propositions de texte.

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