– la pacification du continent européen après la tragédie yougoslave a rendu moins pressante la nécessité de constituer une capacité européenne de gestion des crises ;
– la crise irakienne de 2003 a provoqué une rupture européenne profonde ;
– la crise plus générale du projet européen, et la crise économique de 2008 a des conséquences sur l'Europe de la défense, l'Europe se concentrant sur ses problèmes intérieurs.
Je soutiens également dans mon rapport que ces difficultés ne sont pas propres à l'Union européenne. Il n'y a pas d'un côté une Alliance atlantique qui marche et une Europe à la traîne.
Tout d'abord, les interrogations croissantes sur l'opportunité du recours à la force concernent aussi bien les Etats-Unis que l'Europe. Une sorte de brouillard stratégique – selon l'expression de Mme Nicole Gnesotto – s'est levé progressivement depuis la crise irakienne. Cette guerre a ouvert un cycle de défiance croissante à l'égard des interventions extérieures qui a pris de l'ampleur au gré des crises : afghane, libyenne puis syrienne.
L'intervention au Mali constitue une exception, dans la mesure où les objectifs militaires de l'intervention se sont accompagnés d'une stratégie politique et de développement qui a manqué en Libye, par exemple. Beaucoup reste à faire pour une stabilisation durable de ce pays, mais l'intervention de la France a été saluée en Afrique.
Par ailleurs je ne partage pas les jugements sévères de ceux qui estiment que nos partenaires ont manqué de solidarité. Aucun de nos alliés n'a envoyé de troupes au sol, il est vrai, ni même d'avions de chasse. Cependant, l'opération Serval étant à la portée de nos forces, la formation d'une coalition internationale n'était pas indispensable sur le plan militaire ; elle aurait même pu se révéler contre-productive compte tenu de l'urgence et des difficultés de fonctionnement inhérentes à toute coalition. La France n'a d'ailleurs jamais demandé la participation directe de ses alliés. On ne peut donc pas leur reprocher d'avoir manqué de solidarité dans l'opération initiale même si, c'est vrai, on aurait pu espérer plus par la suite.
Je rappelle dans mon rapport que la baisse des budgets de défense en Europe a atteint un seuil critique et conduit à des ruptures capacitaires chez certains de nos partenaires, le Royaume Uni en particulier, lequel n'aurait sans doute pas pu faire Serval.
Enfin, la nouvelle stratégie américaine se caractérise par la fin de la guerre contre le terrorisme, mais aussi par un pivot vers l'Asie et un moindre engagement des Etats-Unis au Proche et Moyen Orient. L'envoi de troupes américaines sur des théâtres extérieurs est devenu plus qu'improbable et les autres formes d'intervention militaire très incertaines. Les Américains demandent en conséquence aux Européens d'assurer davantage leur propre sécurité et celle de leur voisinage.