Intervention de Lionnel Luca

Réunion du 27 novembre 2013 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionnel Luca :

Merci Madame la Présidente pour ce rapport, mais je pense malheureusement qu'il ne s'agira que d'un rapport de plus… Comme l'a rappelé un peu plus tôt notre collègue Pierre Lellouche, l'Europe de la défense est surtout une arlésienne, et une arlésienne qui va malheureusement continuer à bien se porter.

L'Europe de la défense n'est qu'un leurre, tout simplement parce que nous sommes bien les seuls à la vouloir et pendant longtemps à nous donner les moyens de la faire. Nos amis européens, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, se sont convaincus que tout ce qui avait un rapport avec la défense, et donc avec la guerre, était un sujet tabou. Ce désarmement moral précède le désarmement général du continent européen. Il faut aussi dire que dans le contexte de la Guerre froide, le parapluie américain était tellement confortable qu'il dispensait de faire des efforts… Il suffit de se souvenir de la crise qui a éclaté lorsque la France a repris sa liberté par rapport à l'OTAN en 1966 en voulant s'affirmer et s'afficher comme une puissance nucléaire et indépendante. La fin de la Guerre froide, en écartant la menace directe, notamment soviétique, a renforcé encore un peu plus ce désarmement moral.

Pourquoi donc vouloir faire une Europe de la défense ? Cela n'a aucun sens et les crises méditerranéennes à répétition que nous vivons depuis quelques mois maintenant n'intéressent absolument pas nos partenaires européens, et en particulier les pays du Nord. Ils concèdent que la France puisse jouer un rôle puisque ses intérêts sont plus directs sur le continent africain et c'est bien l'explication pour laquelle ils nous laissent faire seuls les opérations militaires. Quelque part, c'est nous qui avons remplacé les Américains pour le continent africain.

Si nous voulons changer les choses, je pense que cela pourrait passer par des mesures très concrètes. Pourquoi, dans le traité de Maastricht, n'a-t-on pas neutralisé les budgets de la défense en les sortant de la règle comptable du déficit structurel ? Voilà un élément qui pourrait inciter un certain nombre de nos collègues européens à, peut-être, faire un effort sur leurs budgets. Il est évident que ce problème comptable pèse dans la logique des traités européens qui ont pu être signés.

Mais je le répète : tout ceci n'est qu'un leurre. Les réunions et les discours permettent de sensibiliser un certain nombre d'acteurs mais, dans la pratique, rien ne change. L'Europe de la défense dépend de la volonté politique d'un État : la France. Il n'y aurait pas d'Europe spatiale s'il n'y avait pas eu la volonté politique du gouvernement français de bâtir une puissance spatiale et d'y agréger ensuite ses partenaires. A partir du moment où il n'y a plus non plus de volonté en France de se défendre – et la loi de programmation militaire, catastrophe annoncée, en est un exemple - il n'y a plus de capacité d'entrainement de nos partenaires. L'addition des faiblesses ne fera jamais une force.

Il n'y a pas de volonté politique ni de volonté morale, de même qu'il n'y a pas non plus de volonté budgétaire : l'Europe de la défense se terminera exactement comme s'est terminée la Communauté européenne de défense.

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