Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 27 novembre 2013 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Merci, chers collègues pour vos remarques. J'ai été extrêmement intéressée par vos observations.

Je fais miens les propos de Guy-Michel Chauveau sur la nécessité d'actualiser le papier « Solana » et de bâtir une stratégie européenne de sécurité comportant des priorités. Pour autant, je ne préconise pas de nous lancer dans ce débat dès le mois de décembre, car nous risquerions ainsi de tout noyer. Il faudrait plutôt quelques avancées sur des sujets concrets, afin de relancer la dynamique. Le Conseil européen pourrait donner un mandat pour actualiser la stratégie européenne de sécurité à partir de 2015, une fois qu'une nouvelle Commission aura été mise en place. J'ai eu le sentiment hier, lors du débat sur la loi de programmation militaire, que le ministre de la défense était d'accord avec une telle idée.

Pierre Lellouche a bien fait de rappeler, comme je le fais également dans mon rapport, que nous avons une longue histoire derrière nous en la matière. Il a fallu quarante ans, après l'échec de la CED, pour que l'on aborde de nouveau le sujet, même timidement, dans le traité de Maastricht. Sur cette idée, qui a toujours été française, seul notre pays peut jouer un rôle d'impulsion.

La question est de savoir si l'on préfère s'attarder sur les difficultés, bien réelles, ou bien si l'on veut réellement avancer. Il ne faut pas baisser les bras, parce que les enjeux sont considérables, parce que les contraintes budgétaires actuelles conduisent à une prise de conscience, mais aussi parce que les Etats-Unis s'en vont. Par des mutualisations, par des « petits pas » aussi, nous pourrions éviter le déclassement stratégique que nous redoutons tous.

Je partage les constats pessimistes de Pierre Lellouche sur la situation actuelle. Emma Bonino a d'ailleurs dit ceci, qui me paraît très vrai, lors de la Conférence des ambassadeurs : le peuple américain et le peuple européen veulent-ils être en paix, ou bien plutôt qu'on les laisse en paix ?

S'agissant de la participation des Européens au Mali, il faut distinguer, d'une part, l'opération Serval, dont le relais est progressivement assumé par la MINUSMA, à laquelle participent 350 Hollandais, et d'autre part l'EUTM MALI, mission chargée d'aider l'armée malienne à se reconstruire, ce qui est bien différent. Y participent, par ordre d'importance des contributions : l'Espagne (105 soldats), la Belgique (72), l'Allemagne (55), le Royaume-Uni (36) et la République tchèque (33). La France fournit 109 soldats pour l'EUTM, en plus de l'opération Serval. Nos partenaires ont apporté d'autres contributions, tels que les avions de transport ou encore le renseignement. Ces contributions ne sont certes pas comparables à la nôtre, mais elles n'ont rien d'insignifiant et elles ont aidé au succès de l'opération Serval.

La proposition d'un fonds OPEX me paraît très intéressante mais je crois qu'il faut faire attention au moment où la France la formulerait. L'opération au Mali nous donne une fenêtre, nos partenaires reconnaissent notre rôle en faveur de leur propre sécurité, mais il ne faut pas présenter les choses comme une manière pour la France de se dégager de ses responsabilités quand elle fait face à des difficultés budgétaires. Il ne faut pas que cela se traduise par une baisse de notre crédibilité et le souhait de voir les efforts des autres pays augmenter. Je souhaite que l'on évoque cela dans le rapport sous cet aspect.

Le gouvernement français demande l'extension du mécanisme Athéna, mécanisme de financement des coûts communs des opérations militaires de l'Union. C'est un premier pas, le début du commencement. Il est bien que le sujet soit aujourd'hui sur la table et il faudra veiller à ce qu'il y reste.

Je ne suis pas d'accord avec le pessimisme de Lionnel Luca. L'effort de défense de la France est maintenu au même niveau, soit 32,4 milliards, dans le cadre de la loi de programmation et cela doit être souligné.

Gérard Charasse dit avec raison qu'il faut avancer à petits pas. Ce n'est pas à 28 que l'on peut progresser sur ces sujets ; il faut constituer une avant-garde. En même temps, il faut prendre garde de ne pas donner trop de contenu institutionnel d'entrée de jeu ; proposer de créer une coopération structurée permanente risque d'en rebuter certains, tel le Royaume-Uni. Il vaut mieux faire des choses concrètes puis, dans un deuxième temps, traduire de manière institutionnelle ce qui peut l'être. Par ailleurs, outre la coopération structurée permanente prévue à l'article 46 du traité, il existe aussi l'article 44 qui permet de lancer des missions à plusieurs avec souplesse. Je suis en revanche tout à fait d'accord sur l'idée que la France doit maintenir l'impulsion forte.

Jean-Paul Bacquet a fait référence au rapport du Sénat. Je crois qu'il faut écouter nos partenaires. L'Allemagne, le Royaume-Uni, la Pologne ont des positions et des préoccupations dont il faut tenir compte. Il ne faut pas baisser les bras. Le rapport du Sénat d'ailleurs se termine par un net volontarisme quant à l'Europe de la défense puisqu'il propose la création d'un « Eurogroupe de la défense ». Je suis d'accord avec cette proposition si tant est qu'elle soit réalisable ; là aussi, tout est question de moment.

Pour répondre à la réflexion de Gwenegan Bui sur l'Asie du Sud-Est, j'indique que la France et le Royaume Uni travaillent d'ores et déjà à la mutualisation des moyens, notamment s'agissant de l'harmonisation des périodes de disponibilité des porte-avions. La prochaine mission d'information sur l'Asie du Sud-Est pourra certainement approfondir cette réflexion.

Jean-Pierre Dufau a bien synthétisé notre démarche : il importe d'être très concret pour espérer avancer. La seule façon d'avancer est d'être pragmatique ; il faut être très lucide quant aux grandes difficultés. Nous pouvons partager le même constat sur le passé être d'accord sur le fait que la France a des responsabilités et des possibilités d'entraînement sur ses partenaires. Dans le clivage entre optimistes et pessimistes, je reste personnellement optimiste.

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