Intervention de Michel Cadot

Réunion du 16 mai 2013 à 10h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Michel Cadot, préfet de la région Bretagne, préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest :

Je suis venu avec la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), le commissaire au redressement productif, le chargé de mission qui suit ces dossiers au secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) et auprès de la DIRECCTE, ainsi que le directeur de l'unité territoriale des Côtes d'Armor, qui vous feront également part de leur expertise.

En tant que préfet de région et préfet de l'Ille-et-Vilaine depuis quatre ans, je constate, en ce qui concerne l'anticipation et la remontée d'informations au titre de la mission de veille, qu'il existe dans la région, comme dans d'autres où je suis passé, un assez grand nombre de dispositifs permettant de suivre, au travers de quelques indicateurs révélateurs, l'émergence d'éventuelles difficultés dans les principales entreprises, qu'il s'agisse des données sur l'évolution du chômage partiel, de l'information de la Banque de France et du milieu bancaire, ou de la commission des chefs de services financiers (COCHEF). Nous avons aussi des cadres de travail et de mise en commun de ces informations qui sont assez développés : les comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI), qui se réunissent à peu près tous les deux mois en Ille-et-Vilaine, ou la cellule de veille et d'alerte précoce (CEVAP), dans laquelle sont associés désormais le procureur de la République, qui représente les parquets du département, et l'autorité judiciaire, au travers du tribunal de commerce.

En outre, des synthèses mensuelles sur les remontées de documents permettent aux préfets, aux sous-préfets et aux différents acteurs de l'État de disposer d'un tableau de suivi et de connaître les entreprises fragiles et celles qui présentent les difficultés les plus importantes.

Les élus sont davantage mobilisés pour les dossiers sensibles. Se pose alors le problème du chef d'entreprise qui n'alerte pas rapidement les pouvoirs publics. Si les outils de détection que j'évoquais n'ont pas été actionnés ou n'ont rien révélé – s'il n'y a pas eu par exemple une augmentation significative du chômage partiel ou des retards de paiement traduisant une grande tension de trésorerie –, on peut être confronté au cas où un dossier significatif soulève tout à coup une difficulté. Il en a été ainsi pour le groupe Doux, dont la gravité de la situation n'avait pas été anticipée l'an dernier de manière tout à fait satisfaisante. Le système comporte donc des failles, notamment lorsque le chef d'entreprise ne joue pas le jeu d'une relation constructive avec les pouvoirs publics. En l'occurrence, on est allé très vite, alors que le Gouvernement avait changé et que le groupe avait fait l'objet d'une mesure de redressement judiciaire.

La relation avec les élus et les collectivités territoriales est très bonne en Bretagne. Il existe des liens étroits et constants avec le conseil régional pour analyser les moyens d'action tendant à accompagner l'entreprise et à éviter une difficulté ou une mesure de sauvegarde de l'emploi : cette démarche est systématique pour les dossiers sensibles, que ce soit au niveau du département, avec le conseil général, ou au niveau régional, voire aux deux, selon la nature des sujets. Cela fonctionne très bien.

Quand un dossier a été signalé, la liaison avec le commissaire au redressement productif, les différents services de l'État et ceux actionnés de manière un peu plus lointaine comme la Banque publique d'investissement (BPI) ou d'autres mécanismes tendant à faciliter des solutions administratives ou autres, est bien activée. Il en est de même avec les maisons de l'emploi ou d'autres structures de ce type.

S'agissant du volet curatif, quand il faut gérer des mesures de licenciements, surtout dans des groupes importants – plus de 1 000 salariés – et lorsque ces mesures peuvent avoir un impact substantiel sur le bassin d'emploi, notre dispositif révèle certaines faiblesses pour appliquer les règles régissant le PSE ou le contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Dans le cas d'un redressement judiciaire, la préparation du mécanisme de PSE n'est pas suffisamment prise en charge par les services de l'État et les collectivités territoriales. Une meilleure anticipation serait nécessaire, de façon à essayer de faciliter la coordination entre le volet territorial et le volet emploi. On voit bien que la démarche d'une revitalisation du territoire et celle de l'accompagnement des salariés ne se recoupent pas toujours. Celles-ci ont deux logiques différentes : l'une tend à accompagner l'effet sur un territoire donné d'une fermeture d'entreprise ou de licenciements collectifs ; l'autre consiste à gérer, avec un calendrier juridique, des comités d'entreprise. Il faut par ailleurs articuler les outils du PSE ou du CSP pour la formation, la mobilité ou les conjoints.

On a vu que, dans le comité national de suivi du dossier Doux, qui se tient régulièrement à Rennes – notre région, et au premier chef les départements du Morbihan et du Finistère, étant la plus touchée –, l'administrateur judiciaire mobilisait assez peu les aides du PSE, soit en raison de la lenteur de la remontée des demandes des salariés, soit, surtout, parce que Pôle emploi les traitait dans le cadre du CSP et qu'on ne cherchait pas à optimiser les moyens de financement et à mieux articuler le PSE et le CSP pour trouver la solution la plus favorable au salarié – retour vers l'emploi ou formation.

Dans des cas très difficiles, pendant les 45 jours suivant l'annonce du problème et l'ouverture des négociations internes à l'entreprise, les salariés ont besoin d'un lieu de rencontre – qui n'est plus la cellule de reclassement –, où ils peuvent absorber le choc social que constitue le plan de licenciement. On sent bien – et là encore le cas de Doux est symptomatique, ses salariés ayant été peu formés, et étant depuis longtemps dans l'entreprise – qu'il existe chez certains un obstacle psychologique à se remettre en question. Le fait d'être seul dans cette situation constitue un problème majeur. Il faut donc trouver une formule intermédiaire entre ce qui était autrefois la cellule de reclassement et le dispositif actuel.

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