Intervention de Mohamed Oussedik

Réunion du 30 mai 2013 à 9h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mohamed Oussedik, secrétaire confédéral de la CGT :

En matière de gestion des effectifs, le problème majeur des petites entreprises est plutôt de trouver le moyen de préserver leurs compétences et leurs savoir-faire, donc leurs salariés. Celui des grandes entreprises, en revanche, semble plutôt de développer le plus large panel de dispositifs leur permettant de se séparer plus facilement de leurs salariés quand elles traversent des difficultés. Cela va du recours à l'emploi précaire – intérim, contrats à durée déterminée, recours aux stages – jusqu'aux plans de départs volontaires. S'agissant de ces derniers, la situation est paradoxale, puisque, même s'ils sont issus d'un PSE et négociés de manière collective, ces départs sont des décisions individuelles, fruits d'un accord entre l'entreprise et le salarié, donc très peu contrôlables. En outre le salarié volontaire au départ se voit octroyer de fortes indemnités. C'est autant d'argent qui ne va pas aux caisses de la sécurité sociale et aux mesures d'accompagnement des licenciements, notamment aux mesures de reclassement.

Le contrat de sécurisation professionnelle est un bon dispositif, mais il faudrait désormais qu'il passe à une autre dimension. Aujourd'hui, il ne s'applique qu'aux salariés des entreprises de moins de 1 000 salariés et environ 140 000 salariés en bénéficient : il conviendrait de l'étendre aux entreprises de moins de 10 000 salariés. Quant au délai de douze mois, il est insuffisant pour permettre au salarié de se former à un nouvel emploi. Il faudrait donc augmenter les moyens consacrés au CSP et étendre le bénéficie de celui-ci à d'autres catégories de salariés : il faudrait notamment que les salariés en CDD puissent en profiter. Une telle extension fait aujourd'hui l'objet d'une expérimentation, mais celle-ci ne concerne que l'accompagnement. Il faudrait également renforcer l'attractivité du CSP afin d'inciter les salariés à adhérer à ce dispositif.

La véritable question est celle de la création d'emplois, donc de la politique industrielle. Certes, l'État a mis en place un Conseil national de l'industrie et défini une stratégie de filières, avec treize comités stratégiques et des contrats de filières. Mais cette politique manque de cohérence et de lisibilité. On ignore notamment les critères qui ont présidé à la répartition des 800 millions d'euros d'argent public déjà investis dans cette politique.

Surtout, alors que ces filières sont censées être des filières d'avenir, la plupart sont dans une situation très préoccupante sur le plan de l'emploi – je pense notamment à la filière automobile –, et la question qui est au centre des débats est celle de la reconversion de leurs salariés. On mesure l'incohérence de cette approche : soit il s'agit de filières d'avenir, et alors l'objectif des aides publiques devrait être de soutenir leur montée en gamme ; soit on considère que ces filières sont en fin de vie, et dans ce cas il faut mettre en place un vaste plan de formation et d'adaptation aux mutations. Le problème est qu'on reste dans un entre-deux qui interdit tout choix sérieux, alors qu'entre 2008 et 2013, ce sont près de 10 milliards d'euros qui ont été distribués sous diverses formes – prêts, primes, avantages fiscaux, etc. Quant aux aides décidées dans le cadre de la politique de filières, on ne sait pas si elles visent à soutenir l'emploi, l'investissement ou les entreprises. Cet argent est distribué sans que les organisations syndicales soient consultées, alors que nous sommes représentés au sein des comités de filière. Il est temps de donner de la cohérence et de la lisibilité au pilotage de ces politiques et d'évaluer l'utilisation de ces aides publiques.

L'ANI est supposé inciter les entreprises à embaucher en leur permettant de se séparer plus facilement de leurs salariés. Il y a là à mon avis une erreur de diagnostic. Au lieu d'inventer un faux problème, Il aurait fallu s'attaquer aux vrais problèmes des entreprises, notamment en aidant les PME et les PMI, c'est-à-dire les entreprises qui créent de l'emploi, à passer le cap quand elles connaissent des difficultés et à préserver leurs compétences et leurs savoir-faire. Ce problème-là, l'ANI ne permet pas de le traiter, en dépit de quelques avancées, tel le renforcement de la place des salariés dans les conseils d'administration, disposition prise à l'initiative de la CGT.

On ne voit pas bien non plus l'apport de l'ANI s'agissant des accords compétitivité emploi, même pour répondre à des difficultés conjoncturelles, d'autant qu'il était déjà possible de passer de tels accords avant la traduction législative de l'ANI.

S'agissant des licenciements économiques, les délais ont été raccourcis. Quant au comité d'entreprise, il est réputé avoir donné un avis même quand il s'est abstenu, notamment pour se donner le temps de vérifier la réalité du motif économique. Enfin, la loi n'a pas réglé le problème d'absence de motif au licenciement économique, alors que par son arrêt Viveo, la Cour de cassation appelait le législateur à dire si le juge devait annuler un PSE dans le cas où la cause économique du licenciement n'est pas établie.

La proposition de loi relative à la reprise de sites rentables est un signe de bonne volonté, même si elle ne traite pas la question de la reprise de sites industriels en général ni celle de la préservation de l'emploi en cas de transmission d'entreprise. En imposant aux dirigeants d'entreprise envisageant la fermeture d'un site de rechercher un repreneur, sous peine d'une pénalité, cette proposition de loi « visant à redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel » va dans le bon sens. Il serait cependant nécessaire de réformer le fonctionnement des tribunaux de commerce avant de légiférer sur cette question.

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