Intervention de Viviane Reding

Réunion du 21 novembre 2012 à 17h30
Commission des affaires européennes

Viviane Reding :

Comme la Bulgarie, la Roumanie relève encore du mécanisme de coopération et de vérification, qui ne concerne pas seulement le fonctionnement de la justice, mais aussi les questions liées à la corruption et aux minorités. La Commission européenne n'a pas voulu publier son rapport avant les élections législatives de décembre 2012, afin de ne pas interférer avec la campagne électorale, et le fera donc au début de 2013. Il y a encore beaucoup de choses qui ne vont pas.

Madame Guittet, vous avez relevé à juste titre que la mesure proposée en matière de droit à la vente n'est pas une mesure d'harmonisation, à la différence de la législation que j'ai élaborée pour la protection du consommateur. Le problème du droit à la vente ne vient pas, en effet, des différents droits nationaux, qui fonctionnent bien, mais de l'application du droit de la protection des consommateurs dans 27 législations nationales. J'ai donc résolu d'innover résolument – ce qui explique précisément pourquoi ce dispositif paraît quelque peu déstabilisant – en proposant un système qui peut s'appliquer, au choix des contractants, aux ventes au-delà des frontières et à elles seulement.

Il ne s'agit aucunement d'un recul pour le consommateur français, qui peut acheter, s'il le souhaite, sous droit français en France ou sous droit polonais en Pologne – avec les risques que cela comporte. Il s'agit désormais de permettre à ce consommateur de s'adresser à un tribunal français en cas de litige en Pologne. Ce texte représente donc une réelle avancée, qui s'est révélée particulièrement difficile du fait de la complexité du droit des contrats international, que peu d'avocats maîtrisent. J'étais très consciente, en abordant ce dossier, qu'il ne serait pas réglé en 9 mois. J'ai pu me fonder sur les travaux réalisés depuis vingt ans par les meilleurs avocats du droit des contrats européen : le travail intellectuel est fait, mais le travail politique est difficile.

Si ce projet aboutit, il pourrait inaugurer une nouvelle façon de faire du droit européen sans intervenir dans des processus qui fonctionnent bien au niveau national. On touche là à la subsidiarité, mais dans un sens positif. Cette question juridique intéressante a déjà donné lieu à la rédaction de doctorats. Certains experts français sont d'excellents connaisseurs de cette question, sur laquelle vous pourrez les consulter.

Madame Zimmermann, je vous remercie une fois encore pour votre engagement. Des réseaux extraordinaires se sont mis en place à travers toute l'Europe et ont très bien fonctionné. Le 12 décembre sera publiée la base de données des « board-ready women » réalisée par les écoles de commerce européennes, qui comporte 7 500 noms de femmes titulaires d'un MBA et ayant plusieurs dizaines d'années d'expérience professionnelle. Pour faire tomber l'argument selon lequel il n'existerait pas assez de femmes qualifiées pour siéger dans les conseils d'administration, aidez-nous à faire connaître ce réseau.

L'approbation du texte que je proposais par la Commission européenne est assurément un premier pas, mais un pas important : où en serions-nous s'il n'avait pas été fait ? Michel Barnier m'a réellement soutenue et le dossier a été cosigné par tous les commissaires masculins chargés d'un dossier économique important : MM. Michel Barnier, Olli Rehn, Antonio Tajani, en charge de l'industrie, László Andor, chargé du marché du travail, et Joaquín Almunia, chargé de la concurrence.

Le texte proposé est une directive, c'est-à-dire qu'il prévoit une harmonisation minimale : chaque État membre peut, s'il le souhaite, aller au-delà. La directive s'applique aussi aux entreprises publiques, pour lesquelles elle doit entrer en vigueur non en 2020, mais en 2018, car ces entreprises doivent donner l'exemple.

Le Conseil de l'Europe me semble pouvoir jouer surtout un rôle de réseau, car il ne peut pas légiférer.

Madame Dagoma, la situation des mineurs isolés est en effet une question très grave, qui a été soulevée lors de notre dernière réunion mondiale sur le droit des enfants et relève de ma collègue Cecilia Malmström, responsable du dossier sécurité. Les négociations de Dublin II font l'objet de discussions difficiles entre le Parlement et le Conseil, le premier privilégiant une approche fondée sur les droits, tandis que la majorité des États se préoccupent du coût des mesures adoptées. Il ne devrait pas y avoir lieu de discuter lorsqu'il s'agit des enfants – il en va de principes très graves et je suis de votre côté sur cette question.

Le mandat d'arrêt est un dispositif qui a été déterminé par les États membres avant le traité de Lisbonne, dans une perspective sécuritaire. La Commission européenne ne peut pas intervenir dans ce domaine avant que l'ensemble des textes antérieurs au traité de Lisbonne ne soient automatiquement « lisbonnisés », c'est-à-dire avant qu'ils ne basculent dans le droit européen normal. J'ai cependant rédigé en 2011 un rapport sur le fonctionnement du mandat d'arrêt, dont je soulignais la non-proportionnalité – la Pologne émettait ainsi presque systématiquement des mandats d'arrêts des délits mineurs, alors que cette procédure avait été conçue pour la grande criminalité.

Pour ce qui concerne l'éventualité d'un retrait du Royaume-Uni, je ne peux agir, en tant que gardienne des traités, que sur une demande formelle de sortie de l'une des 130 mesures relatives à la justice et à la sécurité. Je n'ai jusqu'à présent été saisie d'aucune demande de ce genre et je ne vois pas pourquoi je commencerais à négocier sur le fondement de déclarations prononcées dans des congrès politiques. Dès lors qu'un opt-out sera notifié, il faudra négocier au cas par cas. Si le Royaume-Uni souhaitait revenir ultérieurement, la procédure serait longue et je suppose que les responsables britanniques calculent actuellement les risques et les coûts d'un retrait. Il serait intéressant de savoir, par exemple, ce que coûterait au Royaume-Uni le fait de ne plus faire partie d'Europol. Nous verrons bien.

J'en viens aux langues minoritaires. Durant mon premier mandat de commissaire européenne, où j'étais chargée de la culture et de l'éducation, j'ai organisé l'année européenne des langues, sous la présidence française. La France avait alors un ministre de l'éducation extraordinaire, M. Jack Lang, qui s'est vu refuser par le Conseil d'État la possibilité d'autoriser des écoles à dispenser une éducation multilingue qui aurait pourtant suivi les programmes français, au motif que la langue des Français est le français. Une évolution dans ce domaine serait bienvenue, car la diversité culturelle est ce qu'il y a de plus beau en Europe. Pour moi, la plus belle langue du monde est le luxembourgeois, car c'est ma langue maternelle, mais c'est aussi une richesse extraordinaire que de pouvoir participer aux cultures des autres parce qu'on partage leur langue. Je serais très heureuse que l'Europe et la France puissent s'ouvrir aux langues.

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