Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 27 mars 2013 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

La pollinisation joue un rôle crucial dans la reproduction des plantes et la protection de la biodiversité. Or, en quelques années, la mortalité des abeilles est passée de 5 à 30 %, voire 50 % dans certaines zones. Des études ont établi l'impact létal sur les abeilles de certains insecticides systémiques se trouvant dans les graines et les semences. En conséquence, des mesures nationales ont d'ores et déjà été prises. Ainsi la France a, en juillet 2012, retiré l'autorisation de mise sur le marché du Cruiser utilisé en traitement de semence de soja alors que les apiculteurs avaient obtenu le retrait du Regent et du Gaucho dès 1999. D'autres pays tels l'Italie ou l'Allemagne ont restreint l'usage de ces pesticides pour le maïs. Les Pays Bas ont ciblé les plantes butinées par les abeilles. La Slovénie a opté pour une interdiction généralisée.

Saisie par la Commission européenne des effets de trois insecticides de la catégorie des néonicotinoïdes, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) a rendu, le 16 janvier dernier, des conclusions inquiétantes. Leur toxicité est avérée, leur principal effet étant de désorienter les butineuses qui ne savent plus revenir à leurs ruches. Cela ne fait que confirmer ce que l'on sait depuis presque 20 ans !

En dépit des protestations attendues des deux grandes entreprises Bayer et Syngenta qui déclarent que leurs produits ne présentent « aucun risque inacceptable » et mettent en avant d'autres sources de mortalité des abeilles, le commissaire à la santé, M. Tonio Borg, a soumis au comité permanent de la chaîne alimentaire, un projet tendant à interdire trois molécules incriminées dans les semences, les granulés et les sprays. L'interdiction s'appliquerait au traitement des cultures qui attirent le plus les abeilles , le colza, le tournesol, le maïs et le coton. La Commission se réserverait le droit, après deux ans de suspension, de revoir la législation. Cette initiative permettait de mettre un terme à la disparité des législations au sein de l'Union européenne.

Lors du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale du 31 janvier, certains pays – Allemagne, Espagne et Grande Bretagne – se sont montrés réticents, demandant que les études se poursuivent. La Commission européenne a donc soumis cette proposition au vote le 14 mars. La majorité qualifiée de deux tiers n'a pas pu être atteinte. Treize pays ont voté pour – dont la France, l'Italie, l'Espagne et la Pologne –, neuf contre – République tchèque, Slovaquie, Roumanie, Irlande, Grèce, Lituanie, Autriche, Portugal et Hongrie – et cinq se sont abstenus. Deux pays – Allemagne et Royaume-Uni – qui ont le même nombre de voix que la France, soit 29, ne sont donc pas prononcés. Pour le Royaume-Uni et l'Allemagne, les données scientifiques de terrain manquent à l'appui d'une telle décision.

A quoi sert l'Agence européenne de sécurité des aliments – qui ne peut être soupçonnée d'avoir des positions trop soucieuses de l'environnement- si, lorsqu'elle produit un rapport clair et que la Commission la suit, les Etats membres n'en tiennent pas compte ?

La Commission européenne a annoncé qu'elle fera de nouvelles propositions de moratoire qui seront discutées en comité d'appel. L'Allemagne a indiqué qu'elle serait prête à se prononcer en faveur d'un tel moratoire si quelques ajustements étaient apportés.

Les gouvernements nationaux, avec l'appui des parlementaires, doivent se mobiliser pour qu'elles soient adoptées. Il sera ensuite indispensable de décliner au niveau national les objectifs de réexamen de la toxicité des pesticides et de leurs effets croisés, dans le cadre de la loi d'avenir agricole et du « plan abeille » qui sera lancé prochainement par le ministre de l'agriculture. Il est aussi de la plus haute importance que l'industrie se concentre sur la production d'autres produits phytopharmaceutiques.

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