Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 23 octobre 2012 à 16h15
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement :

Je suis très heureuse d'être parmi vous, après quelques mois passés à la tête d'un ministère dont la création a suscité beaucoup d'espoir. Avec votre présidente Catherine Coutelle, je participais hier au 60ème anniversaire du premier vote des femmes à une élection législative, et ensemble nous dressions un constat à la fois enthousiaste et désabusé sur la façon dont les droits des femmes ont évolué depuis soixante ans.

Je conçois la mission qui est la mienne comme le combat de la troisième génération en matière de droits des femmes. La première génération, au sortir de la deuxième guerre mondiale, avait assisté à la suppression dans la loi de toutes les discriminations faites aux femmes – interdiction de voter, d'être éligibles, d'ouvrir un compte sans l'autorisation de leur mari ; la deuxième génération, dans les décennies 1970 et 1980, s'est vu offrir des droits liés à la condition de femme – contraception, IVG. En 2012, les principes sont inscrits dans la loi mais le bilan est tel qu'il nous reste à faire l'essentiel, à savoir appliquer et faire appliquer la loi. Pour cela, il faut faire évoluer les mentalités.

Le Gouvernement l'a fait en présentant au Parlement le projet de loi sur le harcèlement sexuel avant tous les autres textes. Ce n'était pas uniquement pour combler le vide juridique laissé par la décision du Conseil constitutionnel que le Gouvernement paritaire de Jean-Marc Ayrault a pris cette décision, mais pour annoncer au pays que désormais la tolérance zéro s'appliquerait aux violences sexistes.

La prochaine étape sera la réunion, fin novembre, du Comité interministériel aux droits des femmes, qui ne s'était plus réuni depuis douze ans et dont le rôle sera de demander à l'ensemble des administrations et des ministères de continuer à faire évoluer positivement les droits des femmes et l'égalité entre les sexes. Nous préparons ce comité depuis le mois de septembre dans le cadre des conférences de l'égalité ; nous avons défini de nombreuses préconisations et mis en place en place un plan d'action qui sera présenté au Premier ministre à la fin du mois de novembre.

Le Gouvernement a souhaité rendre systématiques les études d'impact pour tous les projets de loi et les décrets que nous étudierons pour nous assurer qu'ils ne portent pas atteinte à l'égalité entre les sexes.

Dans un contexte contraint, le budget de mon ministère, inscrit au rang des priorités du Gouvernement, voit ses crédits progresser de près de 15 % avec 23,3 millions d'euros pour le programme 137, ce montant étant stabilisé pour les trois prochaines années. En outre, mon ministère disposera des moyens du Service d'information gouvernemental pour conduire des actions de communication et de sensibilisation, ainsi que d'une enveloppe de 12 millions d'euros du fonds social européen (FSE) destinée à mener à bien les expérimentations dans neuf régions – l'Aquitaine, la Bretagne, le Centre, l'Ile-de-France, Midi-Pyrénées, le Nord-Pas-de-Calais, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes et la Réunion – réputées pour leur excellence en matière d'égalité professionnelle.

Ce budget a pour objectif de soutenir diverses priorités.

La première d'entre elles est l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Les femmes qui choisissent le congé parental de trois ans se retrouvent durablement éloignées du marché du travail : nous allons leur apporter un accompagnement personnalisé et des formations spécifiques. Nous allons en outre accompagner les entreprises, notamment les PME qui n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre l'égalité professionnelle car elles ne disposent pas des ressources humaines suffisantes pour établir un diagnostic et rédiger le rapport de situation comparée.

Autre priorité de ce budget, le soutien aux dispositifs de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, qui relève également du programme 137, dont les crédits sont ainsi répartis : plus de 4 millions d'euros sont affectés au réseau des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), 1,37 million d'euros aux lieux d'accueil et d'écoute, 2,77 millions aux lieux d'accueil de jour et aux espaces neutres, 1,87 million à la lutte contre la prostitution et au soutien des femmes qui en sont victimes. Nous avons enfin réservé une enveloppe pour satisfaire deux engagements que j'avais pris devant vous lors de ma précédente audition : d'une part, la création d'une instance nationale dédiée aux violences faites aux femmes, qui verra le jour dans le courant de l'automne et aura pour mission de généraliser les dispositifs dont l'expérimentation s'est révélée concluante ; d'autre part, le soutien au lancement de l'enquête VIRAGE 2014, destinée à remplacer l'enquête Enveff de 1999.

La principale innovation de ce projet de budget est la création de l'action 14, qui traduit la volonté du Gouvernement d'introduire une véritable culture de l'expérimentation et de l'évaluation dans les politiques de soutien aux droits des femmes. Cette action est financée par un abondement de 3 millions d'euros et un transfert de crédits internes au programme, à hauteur de 3 millions d'euros. Ces moyens seront complétés par des crédits du FSE utilisés dans le cadre des conventions signées avec les collectivités régionales partenaires.

Les crédits qui avaient été accordés aux principales associations partenaires en 2012 sont maintenus. Plusieurs d'entre elles, comme le CNIDFF ou le Mouvement du Planning familial, verront, par le biais de conventions pluriannuelles d'objectifs, leur financement sécurisé sur trois ans. Pour l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) et le Collectif féministe contre le viol (CFCV), les engagements pluriannuels ont été reconduits.

Je compte aller plus loin et approfondir le suivi du partenariat entre mon ministère et le CNIDFF, qui a été trop longtemps négligé, afin de profiter de la connaissance qu'a tout le réseau des CIDFF des situations sur le terrain.

S'agissant des moyens en personnels, votre présidente Catherine Coutelle m'a indiqué que la Délégation souhaitait connaître l'impact de la RGPP sur le réseau des droits des femmes, dont les moyens ont été considérablement réduits au cours des dernières années puisqu'ils servaient de variable d'ajustement budgétaire. Le nombre de personnels dédiés à la politique des droits des femmes passera en 2013 de 184 à 189 emplois en équivalents temps plein. Cinq postes seront créés pour renforcer le Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes pour animer le réseau, créer le fonds d'expérimentation sociale et mettre en place les études d'impact.

Les moyens des services déconcentrés sont maintenus, y compris pour les emplois mis à disposition par d'autres ministères.

D'une façon plus générale, j'entends redonner au réseau du droit des femmes de la lisibilité et des orientations. Ce sera le sens de la circulaire que j'adresserai aux préfets après la tenue du Comité interministériel. Je souhaite que les personnels du réseau voient leur situation individuelle s'améliorer car un certain nombre de chargées de mission départementales et des déléguées régionales se trouvent dans des situations peu sécurisantes. Comme le prévoit la loi du 12 mars dernier, de nombreux contractuels peuvent prétendre à la titularisation.

Les travaux du Comité interministériel reposeront sur plusieurs priorités.

La première d'entre elles est la lutte contre les stéréotypes, car si nous voulons que les lois deviennent effectives, nous devons agir sur les mentalités. Or les stéréotypes et les représentations sexistes sont partout : à l'école, dans le sport, les associations, les médias, la publicité. Ces stéréotypes ont des conséquences à plus ou moins long terme : violences sexistes, différences de traitement en matière d'insertion professionnelle ou d'accès aux responsabilités.

Sa deuxième priorité est l'égalité professionnelle, conformément à la feuille de route issue de la Conférence sociale de juillet dernier qui avait débouché sur un accord entre les organisations syndicales, les organisations patronales et l'État. Cet accord portait sur la nécessité de s'attaquer aux causes structurelles des inégalités que sont les différences de temps de travail entre les hommes et les femmes, notamment le temps partiel subi, sur l'articulation entre vie personnelle et vie professionnelle, qui pèse particulièrement sur les femmes, et sur les stéréotypes, enfin, qui influent sur l'orientation des jeunes et lèsent les filles plus que les garçons.

Le coeur de notre action est de faire appliquer les lois. J'ai donc décidé de réviser le dispositif d'application de la sanction financière pour les entreprises qui ne s'impliquent pas en matière d'égalité professionnelle en agissant sur les conditions de mise en oeuvre de l'article 99 de la loi de novembre 2010, qui dispose que les entreprises de plus de 50 salariés peuvent être sanctionnées jusqu'à 1 % de leur base salariale. Mais cet article n'a jamais été appliqué. Nous avons donc, par décret, prévu de remplacer le contrôle sur place par un contrôle sur pièces – jusqu'à présent l'entreprise n'était menacée que lorsqu'un inspecteur du travail prenait l'initiative d'un contrôle, ce qui se produisait rarement. Désormais les entreprises seront invitées à adresser au ministère leur plan d'action et l'accord négocié avec les partenaires sociaux. Après un délai préalablement établi, celles qui ne nous auront pas adressé ce document verront s'enclencher le dispositif de sanction.

Nous avons récemment présenté le décret au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle qui rendra prochainement son avis. J'étudierai avec intérêt les conclusions du travail entrepris sur cette question par Mme Cécile Untermaier et ne manquerai pas de vous transmettre les conclusions du bilan réalisé par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Un autre aspect central de l'égalité professionnelle tient aux différences en matière de temps de travail, en particulier le temps partiel dans lequel les femmes sont surreprésentées. Sur ce sujet, comme sur celui du congé parental d'éducation, nous nous en remettrons à la négociation collective interprofessionnelle qui réunit les partenaires sociaux depuis le 21 septembre dernier et dont les conclusions nous seront transmises avant le 8 mars prochain. Sans attendre cette date, nous organiserons le 16 novembre une conférence nationale de progrès sur la question du temps partiel, en présence de représentants des secteurs particulièrement concernés. Cette conférence débouchera sur un certain nombre de préconisations en vue de mieux protéger les salariés à temps partiel, de faciliter leur passage du temps partiel au temps complet et d'inciter les entreprises et les branches concernées à adopter une organisation susceptible d'éviter le temps partiel et le morcellement des horaires, extrêmement préjudiciable pour les femmes.

La lutte contre les violences faites aux femmes est la troisième priorité du Comité interministériel. Lors de la discussion du projet de loi sur le harcèlement sexuel, j'avais pris l'engagement de créer un « observatoire national des violences faites aux femmes » et de réaliser des enquêtes sur ce thème. Cet engagement sera tenu. Nous lancerons une campagne de communication avant le 25 novembre, Journée nationale des violences faites aux femmes, car la loi ne suffit pas à rendre le harcèlement inacceptable. Nous investirons cette date, qui ne l'avait pas été jusqu'à présent, et nous en profiterons pour proposer une séance de formation pluridisciplinaire aux magistrats, personnels de police et assistants sociaux.

La loi de juillet 2010 est intéressante mais elle peut être améliorée, notamment en ce qui concerne les ordonnances de protection. Nous travaillons sur des pistes de réflexion pour le Comité interministériel afin de rendre leur délivrance plus rapide, prolonger leur validité et amplifier leur champ d'application.

La lutte contre les violences faites aux femmes doit également s'intéresser à l'hébergement des femmes qui désirent quitter le domicile conjugal – il convient à cet égard de faire mieux connaître la règle de l'éviction du conjoint violent. Pour celles qui choisissent de quitter le domicile, nous devons réserver des places dans les hébergements d'urgence et le parc social. Mes services y travaillent en liaison avec ceux de Mme Cécile Duflot.

La quatrième priorité du Comité interministériel porte sur le droit des femmes à disposer de leur corps. Le PLFSS pour 2013 prévoit le remboursement à 100 % de l'IVG et la revalorisation du tarif de l'acte, qui permettra d'accroître le nombre de professionnels disposés à le pratiquer. Mais cette avancée ne nous dispense pas d'une réflexion sur l'accessibilité géographique des centres d'IVG et l'amélioration de leur fonctionnement.

Nous avons trouvé un accord avec Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé, pour que soit inscrit dans le PLFSS le remboursement à 100 % des contraceptifs pour les mineures et la garantie de l'anonymat. À cet égard, la situation dans notre pays n'est pas réjouissante. Nous assistons à une augmentation des grossesses précoces et non désirées. Selon un rapport de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) de 2010, le taux de grossesses chez les Françaises de 15 à 19 ans est de 221000. Il est donc très supérieur à celui des Suissesses – 91000 – et des Néerlandaises – 121000.

Par ailleurs, le nombre d'IVG chez les jeunes femmes mineures n'a cessé d'augmenter. Entre 1990 et 2007, le recours à l'avortement est passé de 8 766 à 13 400. Ce chiffre traduit un manque d'information en matière de contraception qui doit nous alerter. Le passage de 65 à 100 % du remboursement des contraceptifs par l'assurance maladie facilitera l'accès des mineures à la contraception. La liste des contraceptifs concernés – qui bénéficient déjà d'un remboursement – fera l'objet d'un décret. La pilule de troisième génération, ne devant plus être remboursée, n'entrera pas dans ce cadre. Ce remboursement pourrait permettre potentiellement à plus d'un million de jeunes filles de réaliser une économie de 60 euros par an – de 40 euros pour la pose d'un implant.

Aussi important soit-il, ce remboursement n'épuise pas le sujet de l'accès à la contraception des plus jeunes, qui mérite une politique d'ensemble. L'éducation à la sexualité doit être dispensée à l'école. Mes services y travailleront, en liaison avec ceux de mon collègue en charge de l'Éducation nationale.

J'ai souhaité engager les discussions avec les régions pour tirer profit de leur expérience en ce qui concerne le « pass contraception » et définir les actions qu'elles pourraient entreprendre avec l'État pour informer les jeunes et prévenir les grossesses non désirées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion