L'Europe de la défense est un enjeu majeur qui recouvre trois aspects : la gouvernance et la gestion ; la capacité basique, notamment en avions ravitailleurs, drones et autres, qui confère la crédibilité et crée un ciment essentiel ; l'industrie. Cette vision n'étant pas partagée, cela complique les choses. On peut dire aujourd'hui que seuls quelques pays – la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne – font l'effort de défense pour les autres. Sur ces trois volets, il faut avancer. On travaille beaucoup sur les questions industrielles. Le président Barroso va présenter une communication de la Commission au mois de juin sur ces aspects industriels. La France a élaboré un non-papier qui a été piloté par le SGAE et diffusé à Bruxelles, et qui indique notre vision dans le domaine. On a fait passer beaucoup de messages aussi sur le sujet capacitaire, la gouvernance étant le sujet le moins difficile à traiter. La difficulté, effectivement, c'est que quelques pays seulement portent cet enjeu d'Europe de la défense, ce qui va poser assez rapidement la question de savoir si c'est un sujet qu'on continue à porter à vingt-sept ou dans un format de coopération renforcée plus limité.
S'agissant des 3 %, d'une façon générale, je ne crois pas qu'en sortir une catégorie de dépense ait la moindre chance d'aboutir dans les discussions européennes, quelle que soit la catégorie concernée. Qui plus est, ce serait perçu comme une façon de desserrer une contrainte, de s'endetter de façon encore plus importante. Reste qu'est ainsi posée – et je m'exprime là à titre purement personnel – la question d'une application relativement uniforme du critère de 3 % à des pays dont la participation au financement des biens publics européens n'est pas du tout la même. Sur le seul exemple de la défense, notre effort est supérieur de 0,45 point de PIB à celui de l'Allemagne. Mécaniquement, cela creuse donc notre déficit d'autant, ce qui n'est pas négligeable. Vis-à-vis des Pays-Bas, le rapport est quasiment du double. On pourrait également mettre en avant l'aide publique au développement, les investissements publics européens. Alors que notre part dans le financement de ces biens collectifs est très supérieure à celle d'autres pays, nous sommes traités de la même façon à travers ce critère. À titre personnel, je reconnais que cela pose question. Ce type de traitement ne peut qu'inciter les pays en difficulté budgétaire qui participent au financement des biens collectifs à remettre en cause leur financement et aboutit donc au résultat aberrant d'un moindre financement des biens publics européens. Plutôt que sortir une catégorie du critère de 3 %, peut-être pourrait-on obtenir une différenciation par une meilleure prise en compte de la situation de chaque pays. Je rappelle qu'il s'agit là d'un propos personnel et pas d'une position gouvernementale.
La convergence sociale et fiscale est un enjeu majeur. Au SGAE, j'ai lancé des groupes de réflexion stratégique interministérielle sur tous les grands sujets. Nous travaillons sur la question des convergences sociales avec pour objectif de produire de la doctrine française et des documents de stratégie. D'abord parce que, effectivement, nous n'aurons pas de convergence économique avec des divergences sociales qui se développeraient. Ensuite, parce qu'il y a des liens très étroits entre situation sociale et situation économique.
Le SGAE n'est pas impliqué directement dans les positions à adopter face à des situations comme celle qui existe en Hongrie, qui relèvent plutôt du ministère des affaires étrangères et de l'Élysée. C'est une vraie question qui est peut-être révélatrice de la situation actuelle de l'Europe.
S'agissant du budget rectificatif no 2 présenté par la Commission, sur les 11,2 milliards, 9 milliards seraient consacrés aux fonds structurels, au titre desquels la France a une facture impayée de 1,1 milliard. Elle aurait donc un intérêt dans l'opération en même temps toutefois qu'une difficulté en devant augmenter de 1,8 milliard le prélèvement sur recettes (PSR). La question n'est pas tant celle du montant que celle de l'imputation – tout sur 2013 ou plutôt un étalement ? Les pays ne se sont pas exprimés officiellement sur le sujet. Ce qui rend l'option 2013 compliquée, c'est que les budgets ont déjà été arrêtés, les prévisions déjà faites. Cependant, l'étalement n'est pas admissible juridiquement : cela reviendrait à mettre de la flexibilité entre deux cadres financiers pluriannuels alors que ce n'est possible qu'à l'intérieur d'un même CFP. Seule une disposition particulière dans l'accord interinstitutionnel pourrait le permettre. Pour l'instant, nous examinons toutes les options, nous avons des discussions informelles. Nous sommes bien conscients de l'enjeu, notamment du potentiel des fonds structurels comme instruments de croissance. Après tout, cela permettrait d'injecter 9 milliards de plus dans l'économie européenne et d'obtenir pour la France un remboursement de 1,1 milliard, très important pour les régions.
Le pacte pour la croissance et l'emploi comporte un volet financier mais aussi toute une série de mesures dont nous pourrions vous communiquer l'état d'avancement sous forme de tableau. Il s'agit de mesures structurelles de moyen terme dont le financement est assuré à travers la Banque européenne d'investissement (BEI) et les fonds structurels. L'augmentation de capital de la BEI devait se faire par dotations supplémentaires des États, à verser avant le 31 mars. Elle vient donc seulement d'avoir lieu. L'augmentation de 10 milliards permettra de financer 60 milliards de prêts BEI supplémentaires. La BEI finançant la plupart des projets à 50 %, ce sont 120 milliards d'euros de projets supplémentaires qui pourraient être engagés. Toutefois, des tracasseries de calendrier et de retour contrarient quelque peu cette perspective. Outre qu'il y a des délais d'instruction des projets par la BEI, encore faut-il être en mesure d'en présenter. À cette fin, nous avons mis en place tout un dispositif qui permettra, au mieux, de présenter les premiers projets à la fin de 2013 ou au début de 2014, quelques-uns pouvant peut-être bénéficier d'une procédure accélérée dans les mois qui viennent. Le processus prend un peu de temps. Bien que le terme de « retour » soit récusé par de nombreux responsables de la BEI – on n'a pas droit à un retour de la part d'une banque –, le président de la BEI a annoncé à l'Assemblée nationale que la France recevrait, en moyenne annuelle, sur les trois ans qui viennent, 7 milliards de retour sous forme de prêts, contre moins de 4 précédemment. Avec ce quasi-doublement de l'enveloppe, l'enjeu majeur est de développer des projets. Dans cette optique, la BEI restructure sa représentation en France afin de mieux se faire connaître des collectivités locales et des entreprises. Des textes sont en préparation entre Bercy, l'intérieur et Matignon sur le sujet. Au SGAE, j'ai lancé un comité de suivi qui se réunit tous les mois pour identifier d'éventuels points de blocage. Ont notamment été pointées les capacités d'endettement des hôpitaux ou des universités. Enfin, il faut également développer un autre type de relation entre les porteurs de projets et la BEI.
L'enjeu majeur aujourd'hui est donc d'être en mesure de présenter des projets. La France souffre de quelques difficultés structurelles liées à la taille de certaines collectivités locales qui ne leur permet pas de présenter des projets à la hauteur des minima souhaités d'environ 50 millions d'euros. Il faudra donc travailler autrement, mettre en place des collaborations, présenter des plans globaux, comme l'a fait la région PACA pour les lycées. La BEI a été très présente sur certains sujets, il faudra donc avoir le réflexe de la solliciter pour des projets similaires. Savoir, par exemple, que la moitié des tramways de France a bénéficié de financements BEI, pourrait ouvrir une perspective pour le Grand Paris. Autre projet envisageable, la rénovation des équipements universitaires, pour laquelle il faudra sans doute aussi inventer d'autres modes de collaboration et de fonctionnement, nombre de nos universités accusant un déficit de taille par rapport à celles d'autres pays. Enfin, et rapidement, d'autres pistes peuvent consister en une meilleure articulation de la BEI et de la Caisse des dépôts et consignations, avec éventuellement des procédures d'instruction commune, et une bonne articulation également de la BEI avec la BPI. Nous disposons d'une liste des projets concernés par la réorientation des fonds structurels. En cette dernière année de période programmation, l'opération est un peu compliquée. On nous a laissé entendre qu'il y aurait 2,5 milliards d'euros pour la France. Même si ce sont de simples indications à prendre avec prudence, nous avons bon espoir.
Dans la négociation sur l'accord Union européenne-États-Unis, nous avons une position assez dure, la plus dure même au sein du Conseil. Nous n'avons pas dit que nous ne voulions pas de l'accord, car nous aurions été bien seuls. La décision étant prise à la majorité qualifiée, nous n'avions pas de possibilité de blocage mais nous avons fait la demande de maints préalables, études et autres. Ensuite, dans le cadre de l'élaboration du mandat de la Commission, nous nous sommes battus pour obtenir des exclusions : culture et audiovisuel, préférences collectives en matière d'OGM, marchés publics de défense. Le Président de la République a appelé M. Barroso, il y a eu beaucoup d'interventions. La Commission s'est montrée inflexible, mais nous allons continuer de nous battre pendant les négociations. Nous n'avons cessé de dire que ces lignes rouges étaient majeures. Nous avons encore rendu un arbitrage en ce sens, il y a deux jours, avec une position très dure. Peut-être avez-vous entendu une expression moins inflexible, mais la position adoptée est bien celle-là.
Je finirai en vous proposant de vous communiquer un point sur la subsidiarité.
J'espère ne pas avoir oublié de question majeure. En voulant faire vite, j'ai été forcément elliptique. Pardonnez-moi.