Intervention de Didier Quentin

Réunion du 12 mars 2013 à 16h45
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin, co-rapporteur :

Madame la Présidente, mes chers collègues, la réforme actuelle de la PCP est, vous le savez, l'objet de vifs débats au sein du Parlement européen et de négociations ardues dans le cadre du trilogue. De fait, il n'est pas simple de réformer une politique qui n'a pas, depuis sa mise en oeuvre, totalement porté ses fruits, notamment parce qu'elle a souvent oublié les pêcheurs.

Si la pêche n'est pas un secteur économique dominant de l'économie européenne, elle n'en demeure pas moins un secteur important tant sur les plans de l'aménagement des territoires littoraux, de l'emploi que de la sauvegarde des terroirs. La difficulté réside dans la nécessaire adéquation entre équilibre économique et social et équilibre d'une ressource fragile qu'il convient de pérenniser.

Mais malgré un relatif accord sur ce diagnostic, plusieurs aspects clés de la réforme font l'objet de profonds désaccords institutionnels ; il s'agit notamment de l'interdiction des rejets, de la question du rendement maximal durable et de la question, peut-être encore plus épineuse, de la distribution l'enveloppe consacrée à la pêche entre les différents États membres.

La raréfaction des ressources halieutiques est un phénomène mondial et européen. D'après la FAO, 29,9 % des stocks sont surexploités à l'échelle mondiale, 7% sont complètement épuisés et 57 % des stocks sont pleinement exploités. L'abondance des grands stocks à l'échelle mondiale a été divisée par 10 : le thon rouge, mais aussi la morue, sont emblématiques de cette évolution. La surpêche s'explique par plusieurs facteurs : l'augmentation de la demande en poissons, l'amélioration des techniques de pêche, et la méconnaissance de la réalité des stocks. Les désaccords sur cette question sont nombreux, et il n'y a pas de consensus, même au sein de la communauté scientifique. L'Europe n'échappe pas à la surexploitation des stocks halieutiques, même si ce diagnostic est parfois contesté par les pêcheurs, alors même que la production ne répond pas à la demande. À titre d'exemple, notre production nationale ne couvre qu'un quart de la demande française.

Cette situation implique une gestion raisonnée de la ressource - notamment par la promotion de techniques de pêche plus sélectives – gestion nécessaire à la sauvegarde de l'industrie de la pêche, qui se trouve fragilisée tant en France qu'en Europe. Le déclin tendanciel de la flotte au niveau européen et national a suivi celui de l'emploi. La capacité de la flotte européenne a diminué au cours des dernières années à un rythme annuel moyen de -2 % par an, le nombre d'entreprises de pêche diminuant de son côté de -15 % depuis 2006. En France, en dix ans, les débarquements ont diminué de 25% et les importations ont augmenté de 50 %. La pêche conserve toutefois un poids socioéconomique fort dans certaines régions littorales ; elle représentait ainsi en 2003 presque 4 % de l'emploi total dans la zone Quimper-Cornouaille. C'est dans ce contexte de fragilité qu'émerge actuellement des tentatives de structuration du secteur, notamment via la création de la filière « France Filière pêche » et de la « plateforme pêche artisanale » ; cette structuration est importante pour le renforcement de la filière pêche, pour l'instant encore peu intégrée et ne bénéficiant pas de labels.

Qu'en est-il de la PCP depuis ses origines ? Il apparaît clairement qu'elle n'a pas atteint tous ses objectifs. Historiquement liée à la PAC, la PCP s'est progressivement émancipée pour devenir une politique à part entière. Toutefois, il est vite apparu que celle-ci ne remplissait pas totalement ses objectifs, à savoir prévenir la surpêche, garantir aux pêcheurs des moyens d'existence pérennes, approvisionner les transformateurs et les consommateurs de manière régulière, améliorer la préservation et la gestion des ressources, et assurer un développement équilibré des territoires.

Une première réforme, intervenue en 1992, a cherché une meilleure adéquation entre la capacité de la flotte et la ressource halieutique. Elle n'a pas produit les effets escomptés, notamment parce que certains objectifs de la PCP sont rentrés en contradiction, tels que la modernisation des moyens de production et la limitation des efforts de pêche, ou le maintien de l'emploi et la réduction de la capacité de la flotte. Une nouvelle réforme est ainsi intervenue en 2002, faisant de la lutte contre la surcapacité de la flotte européenne un objectif prioritaire. Celle-ci, qui s'est traduite notamment par l'introduction de la notion « d'effort de pêche » et la remise à plat des totaux admissibles de capture (TAC) par zones de pêche n'a pas atteint son but. La mise en place de mesures de conservation, loin de préserver parfaitement la ressource halieutique, a abouti à exacerber la concurrence entre les pêcheurs et les pays de l'Union, et ce d'autant plus que selon le principe de la stabilité relative, les quotas de pêche ont été attribués sur la base de ce qui avait été pêché par le passé par zones et par espèces.

La Commission a ainsi proposé dès 2009 dans son Livre vert de reformer la PCP, et a présenté par la suite les 13 juillet et 2 décembre 2011 un ensemble de propositions de textes qui constituent la nouvelle réforme de la PCP.

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