Ce rapport arrive à un moment crucial. La future politique commune de la pêche est à élaborer maintenant. Si nous prenons de mauvaises décisions, nos marins-pêcheurs auront à en supporter les conséquences pendant plusieurs années… Nous avons déjà discuté de cette question à Bruxelles mais il est tout-à-fait utile de revenir sur le sujet.
Je formulerai trois remarques générales :
- tout d'abord, Bruxelles est dans une attitude de défiance vis-à-vis des marins-pêcheurs et c'est dommage. Il faut en effet construire avec eux, et non contre eux, les bases d'une politique de pêche durable. Les marins souhaitent respecter les ressources. La défiance de l'Europe vis-à-vis des marins entraîne leur défiance vis-à-vis de l'Europe ;
- les marins-pêcheurs sont rendus responsables de la diminution de certains stocks. Or, ils ne sont pas les seuls, loin de là, à intervenir dans l'espace marin ou à influer sur lui. À titre d'exemple, le réchauffement climatique entraîne une évolution de certaines espèces de poissons. D'autres phénomènes scientifiques sont mal maîtrisés : les scientifiques auraient tout intérêt à travailler en concertation avec les pêcheurs, qui sont constamment et depuis des années sur le terrain, qui ont pu faire certaines constatations, pour mener à bien leurs analyses scientifiques. Si ces dernières ne sont pas bonnes, elles entraîneront derrière elles de mauvaises décisions !
- certains choix politiques ne sont pas faits. On peut pêcher les mêmes quantités de poissons en maintenant beaucoup de bateaux et d'emplois. Cette décision n'est pas prise. Alors que dans le cadre de la politique agricole commune, on subventionne l'agriculture pour maintenir des emplois, on ne fait pas de même pour la pêche. Le résultat est que l'on va détruire la pêche artisanale au profit de la pêche capitalistique. Je peux le constater à Boulogne-sur-mer. Il y a là un vrai débat : une politique commune de la pêche ne sert à rien si elle ne fait qu'accompagner un phénomène qu'elle s'avère incapable de maîtriser.
J'exprimerai par ailleurs très brièvement trois inquiétudes. La première concerne l'objectif de rendement maximal durable (RMD) en 2015 pour tous les stocks : c'est beaucoup trop rapide et l'on va détruire des filières. La seconde concerne l'interdiction des rejets : ce qui est proposé par la commission ne semble pas raisonnable. La troisième est relative aux concessions de pêche transférables.
Je ferai part enfin de trois idées. L'une est qu'il faudrait limiter la puissance des navires existants tout en autorisant la construction de nouveaux bateaux, le refus de les construire conduisant à la surpêche. L'autre est qu'il faudrait mieux organiser les filières, car les marins vendent trop peu cher. La dernière est qu'il faudrait régler certains problèmes de cohabitation, dus à l'arrivée intempestive de certaines flottilles de pêche : le résultat est en effet que ceux qui étaient là avant ne peuvent plus pêcher !
Mon constat final est qu'il existe encore des lacunes importantes que notre rapport pourrait contribuer à combler.