Intervention de Yves Fromion

Réunion du 6 février 2013 à 8h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Fromion, rapporteur :

Monsieur l'ambassadeur, votre exposé était particulièrement clair et parfois décapant.

Le Mali ne doit pas figurer sur la liste des échecs de l'Union européenne, avez-vous dit. Permettez-moi d'être un peu plus nuancé, car l'opération a été déclenchée dans les conditions que l'on sait pour aller secourir 6 000 ressortissants français vivant à Bamako. Or la France n'est pas la seule à avoir des ressortissants coopérants dans le monde entier, d'autres pays européens y ont des représentants. Si l'Union européenne n'est pas capable, dans un laps de temps très court, de déclencher une opération pour porter secours et assistance à ses propres ressortissants, alors que cela figure dans nos traités, il y a de quoi s'inquiéter. La France n'avait même pas reçu mandat de l'Union européenne pour aller à Bamako, c'est de sa propre initiative qu'elle est allée secourir ses ressortissants, ce que tout gouvernement de gauche comme de droite se doit de faire. Ce n'était d'ailleurs pas le cas en Libye, où nous sommes allés au secours de gens qui se battaient contre une dictature. L'affaire malienne a donc révélé une carence très forte de l'Union européenne, qui s'est montrée incapable de réagir assez rapidement. Toutefois, n'accablons pas trop cette dernière, car l'OTAN n'aurait pas été plus rapide compte tenu de ses mécanismes décisionnels. C'est malheureusement une lourdeur qui semble affecter toutes les organisations internationales.

La paralysie de l'Europe de la défense tient au traité de Lisbonne lui-même qui interdit l'utilisation d'argent européen pour des actions de défense. Néanmoins, une de ses dispositions relative aux activités préparatoires pourrait laisser une capacité de réagir. Une opération portée par l'Union européenne ou ayant reçu son aval suppose d'avoir des moyens. Se référer à ces activités préparatoires permettrait de mobiliser des financements européens en aval, par exemple pour disposer d'avions de transport, de drones ou d'autres moyens militaires ou civils, comme des antennes médicales. Pensez-vous qu'une utilisation intelligente des dispositions du traité de Lisbonne permettrait d'avancer dans ce domaine des capacités ?

L'Eurocorps est aujourd'hui une structure qui ne sert pas à grand-chose. Six États y sont déjà impliqués, et la Pologne frappe à la porte pour y entrer. Ces États s'engagent à apporter des moyens qui ressemblent assez à de la coopération structurelle permanente, puisqu'il y a des groupements tactiques, de la logistique, un état-major. Plutôt que de laisser tout ce petit monde se battre les flancs, ne pourrait-on pas envisager de faire de l'Eurocorps le point de départ de la coopération structurelle permanente ?

La multiplicité des structures donne une image assez pathétique de ce qui se passe au niveau européen : il y a le COPS, qu'on ne remet pas en cause, la représentation permanente et militaire, le comité militaire de l'Union européenne, le groupe politico-militaire, le comité chargé de la gestion des crises, la direction de la planification et de la gestion des crises, la capacité civile de planification et de conduite, la cellule de veille et d'analyse, le département de réponse aux crises… Tous ces organismes existent et des experts les font fonctionner. Si l'on y ajoute l'état-major, le centre d'opérations et d'autres, on finit par penser que l'Union européenne croit répondre aux crises en inventant des structures qui ne servent pas forcément à grand-chose, comme si une armée mexicaine avait été déployée sur l'Europe. Et en plus, ces experts sont très compétents !

Nous sommes allés visiter le Centre satellitaire de l'Union européenne, implanté à Torrejón en Espagne. C'est un superbe centre qui me fait penser à la direction du renseignement militaire de la base de Creil, avec des analystes. Or l'Europe n'ayant pas de satellite, le mot « satellitaire » ne veut rien dire. En fait, ce centre achète des photos et fait de l'information comme le ferait une agence. La situation est quelque peu ubuesque : à quoi peut bien servir cette superbe structure ? Redonnez-moi le moral, monsieur l'ambassadeur !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion