Vous avez, monsieur le commissaire, l'un des pires mandats de commissaire puisque, dans chaque négociation, vous êtes surveillé par des États membres qui vous donnent des mandats différents. On peut convenir que la France est un pays frileux qui traîne un déficit extérieur depuis dix ans. Mais l'opinion publique a de l'Union européenne une image bien ternie, ce qui est préoccupant. Dans aucun État, la politique commerciale n'est déconnectée de la stratégie monétaire, la monnaie étant un outil essentiel. Dans les négociations avec la Chine, cette question est-elle soulevée, de même que celle de sa politique sociale consistant à maintenir les salaires très bas ? On ne peut pas parler d'un marché libre et non faussé face à des gens qui ont des réserves de change colossales et pratiquent une politique de sous-évaluation systématique de leur monnaie pour envahir le monde avec leurs produits. Ces aspects sont-ils mis sur la table ou continue-t-on à faire comme si tout cela n'existait pas, en traitant uniquement de politique commerciale et de marchés de biens ?
Pour être compétitif, il faut avoir une industrie puissante. Or, au niveau de l'Union européenne, la puissance de l'industrie est liée au dogme du marché intérieur. L'Europe n'a pas de politique industrielle, contrairement à d'autres pays. La Russie, par exemple, s'est dotée d'une politique hyperpuissante en matière d'énergie. De leur côté, les États-Unis ont fondé leur aéronautique sur le dualisme de l'économie, le Pentagone amortissant la recherche, par exemple des premiers moteurs d'avions, ce qui a permis, par la suite, de vendre très peu cher les avions de Boeing. L'Europe a fait la même chose avec des avances remboursables, mais c'est le seul exemple. Dans tous les autres domaines, y compris d'avenir comme la télématique, nous n'avons à opposer que des règles de marché alors qu'il faudrait définir une stratégie.