Si le déclin européen dans le secteur numérique est réel et quantifié, il ne doit pas occulter les atouts de l'Union européenne, qu'il incombe à notre continent de mettre en avant dans la compétition économique et normative internationale : le niveau de formation et la qualité des infrastructures d'accueil, de production et de diffusion des services et des contenus numériques.
L'actualité nous montre chaque jour combien la thématique du numérique est importante, avec encore, aujourd'hui même, l'annonce par Alcatel de licenciement massifs. De nombreux sujets inscrivent la question numérique au coeur de l'actualité. C'est pourquoi nous avons souhaité rédiger un rapport d'information mais aussi formuler une proposition de résolution européenne à propos du numérique, ce qui constituerait une première. Si vous l'approuvez aujourd'hui, elle sera soumise, la semaine prochaine, à la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
L'ordre du jour de la prochaine session du Conseil européen comportant pour la première fois un point consacré à l'économie numérique, cela permettra de donner une impulsion politique forte aux initiatives européennes prises en ces domaines. Cela dit, l'ordre du jour a été remanié et la thématique du numérique s'y trouve finalement un peu noyée.
Nous approuvons l'ensemble des orientations de la contribution présentée par la France en vue de ce Conseil européen, tandis que les deux autres papiers dont nous avons eu connaissance, ceux de la Commission européenne et du Royaume-Uni, sont très orientés vers l'approfondissement du marché unique, c'est-à-dire une approche commerciale, nécessaire mais insuffisante.
Premièrement, nous préconisons que l'Union européenne définisse une véritable stratégie industrielle dans le secteur numérique, ce qui passe tout d'abord par un encouragement à l'investissement, grâce à une mobilisation plus effective des crédits des programmes-cadres de recherche et d'innovation, des fonds structurels et de la Banque européenne d'investissement. Il faut aussi faciliter l'accès au financement de l'innovation, en particulier via les outils de capital-risque, avec l'idée d'utiliser des fonds de fonds paneuropéens. Il est important de favoriser l'accès de nos PME aux marchés publics européens. Il convient de cibler l'effort stratégique d'investissement vers des expérimentations technologiques et commerciales à gros enjeu industriel, relatives, par exemple, à l'informatique en nuage, à la nanoélectronique, au stockage et au traitement des masses de données, aux objets connectés ou encore aux services sans contact, dans l'esprit des trente-quatre mesures mises en avant par le ministère du redressement productif.
Nous proposons que soient développés des pôles de recherche multidisciplinaires et des synergies européennes, dans le cadre de l'Espace européen de la recherche et de la mise en oeuvre d'Horizon 2020.
Les préoccupations environnementales et les objectifs de réduction des émissions de carbone, d'accessibilité et d'efficacité énergétiques doivent être intégrés dans cette politique industrielle, car le développement du secteur numérique s'accompagne d'une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
Deuxièmement, nous demandons que soit élaboré un régime de gouvernance et de régulation des services digitaux.
Les plateformes géantes de services digitaux doivent être soumises à des règles du jeu équitables pour lutter contre la constitution et la consolidation d'oligopoles numériques abusant de leur position dominante.
Nous avons souhaité rappeler l'importance des valeurs fondamentales de l'Union européenne – droits humains, promotion de la démocratie, confidentialité des données personnelles – ainsi que de la diversité des contenus culturels.
S'agissant des données personnelles – 315 milliards d'euros seraient en jeu –, il faut concilier protection des données et attractivité du territoire européen. Je suis convaincue que l'Europe protectrice des données peut offrir une plus-value par rapport aux autres zones du monde.
Cela implique une meilleure coopération entre les autorités nationales de régulation.
Ce Conseil européen doit être l'occasion de parler de la gouvernance de la gestion et de l'internationalisation des noms de domaine, très américaine et peu soucieuse de l'intérêt public.
Se pose aussi la question d'une fiscalité coordonnée, de nature à empêcher l'évasion fiscale et l'érosion des bases.
La lutte contre la cybercriminalité doit être améliorée, grâce, là aussi, à une meilleure coopération entre États membres.
Troisièmement, nous appelons à bâtir un environnement économique et culturel propice au développement de l'économie numérique. Cela passe par la sécurisation maximum des transactions commerciales et bancaires en ligne au sein du marché intérieur. L'Europe doit proposer aux jeunes Européens des formations qualifiantes adaptées au marché. Il importe d'inciter les femmes à opter pour les formations et les métiers du numérique.
Enfin, la réussite de la stratégie numérique européenne dépend de la capacité des citoyens à devenir des usagers autonomes et avertis de l'espace numérique.