Intervention de Antoine Bouvier

Réunion du 25 avril 2013 à 10h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Antoine Bouvier, président-directeur général de MBDA :

La coopération européenne est au coeur du modèle de MBDA, car elle permet la consolidation et l'intégration de l'industrie de défense. En effet, la coopération n'est pas un objectif en soi : c'est un moyen pour atteindre la taille critique, permettant ainsi d'assurer la pérennité de l'industrie de défense en Europe.

La question de la taille critique, c'est-à-dire de la capacité de l'entreprise à investir dans la technologie, dans le développement de la gamme de produits et dans la présence commerciale, est essentielle pour garantir notre position de leader mondial. Le chiffre d'affaires de chacun de nos deux concurrents américains – Raytheon et Lockheed Martin – est supérieur à l'ensemble des budgets missiles de l'ensemble des pays de l'Union européenne. L'intégration et l'exportation sont nécessaires aux industries européennes de défense – les budgets européens ne suffisant pas à maintenir leur taille critique, une notion essentielle si nous voulons conserver notre position de leader mondial non seulement face à nos concurrents américains, mais également, demain, face aux entreprises des pays émergents.

Cette notion de taille critique ne répond donc pas seulement à une préoccupation financière. Le chiffre d'affaires de MBDA s'élève à 3 milliards d'euros : il représente entre 20 % et 25 % du marché mondial. Si MBDA est légèrement plus petit que Raytheon et légèrement plus gros que Lockheed Martin, la différence essentielle entre nous et nos deux concurrents américains, c'est que, sans compter nos clients dans le reste du monde, nous avons, pour la seule Europe, autant de clients qu'il y a de pays européens, tandis que nos concurrents américains ont un client principal, le Pentagone. Alors que nos concurrents américains ont toute latitude pour optimiser leur base industrielle entre leurs différents sites sur le territoire américain, nous avons encore des progrès à réaliser en matière d'optimisation de notre base industrielle et d'intégration de nos activités dans les différents pays européens.

L'objectif de taille critique n'est donc pas seulement quantitatif : c'est aussi un objectif d'organisation industrielle et de consolidation de la demande. La taille critique pour MBDA ne peut être assurée qu'avec la mise en place de programmes en coopération au plan européen, ce qui implique de progresser dans l'intégration et l'optimisation de la base industrielle. Ces deux aspects sont directement liés.

Si MBDA est en avance en Europe en matière de spécialisation, d'intégration et de consolidation industrielle, nous sommes encore très défavorisés par rapport à nos concurrents américains sur la consolidation de la demande. C'est la raison pour laquelle les programmes en coopération sont aussi importants.

Je le répète, la coopération est un moyen avant d'être un objectif. En effet, pour les gouvernements européens, la coopération, c'est le moyen de partager des ressources rares : elle permet à chaque État de n'assumer qu'une part de ses dépenses de développement de nouveaux programmes tout en lui garantissant une plus grande efficacité grâce à des séries de production plus longues. Pour les États, la coopération est donc une réponse aux pressions qui s'exercent de manière de plus en plus forte sur les budgets de défense. Pour les industriels, la coopération entre les pays européens sur les programmes est le moyen d'obtenir la taille critique et de développer une position d'acteur global en utilisant au mieux des ressources financières qui se font de plus en plus rares. En effet, les budgets de défense européens étant de plus en plus contraints, MBDA n'a plus les moyens de développer des programmes concurrents en France et au Royaume-Uni : ce serait faire le plus mauvais usage des deniers publics. L'intérêt des États et celui de l'industrie sont donc soumis à la même problématique. Notre stratégie de champion européen et d'acteur global, qui vise à nous positionner sur le long terme face à nos concurrents américains, a donc besoin de programmes en coopération. Je le répète : rien ne serait plus inefficace que de dupliquer nos programmes pour nos différents clients européens.

Les conditions du succès des programmes européens en coopération sont au nombre de trois.

La première est liée à l'expression des besoins des forces armées en vue d'assurer la convergence des besoins opérationnels des différents pays qui décident de lancer une coopération. Pour rencontrer le succès, cette convergence doit être réalisée très en amont, l'industrie procédant à une analyse de la valeur, qui consiste dans un processus itératif permettant de chiffrer, sur le plan des risques techniques, des délais et des coûts, les évolutions des performances de l'équipement demandées par les forces armées. Ce processus permet d'obtenir une optimisation de la spécification et de l'expression des besoins capacitaires. Encore une fois, plus ces besoins sont exprimés en amont, plus le processus itératif se révélera efficace et plus la convergence sera réussie.

Je prends un exemple. Il paraît maintenant acquis que le programme antinavire léger (ANL) a fait l'objet d'une décision au plus haut niveau – je ne peux que m'en réjouir même si nous en attendons toujours l'annonce officielle. MBDA travaille sur ce programme franco-britannique depuis presque cinq ans. À l'origine, les besoins opérationnels exprimés par la Marine nationale et par la Royal Navy étaient très différents en matière de performances et de solutions techniques. Si l'industrie n'a aucune légitimité pour définir les besoins opérationnels, elle a en revanche un rôle essentiel à jouer dans la convergence de ces besoins en éclairant les deux marines sur les conséquences de leurs choix en termes de coûts, de risques techniques et de calendrier. C'est ce qu'elle a fait.

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