L'industrie a documenté les différentes solutions techniques : que voit le tireur sur son écran, de quelles fonctionnalités dispose-t-il, quelles sont les interfaces hommemachine ? Ce processus a permis de faire converger très en amont les besoins opérationnels des marines française et britannique, afin d'optimiser les spécifications du produit.
La deuxième condition est d'avoir en face de soi un client solide. Rien n'est pire pour un industriel que d'avoir affaire à un client faible sur les plans technique ou contractuel, incapable de prendre des décisions. L'industriel a besoin d'un client fort, qui a une bonne expertise technique et qui est capable de prendre des décisions sans être contraint par un environnement ingérable sur les plans hiérarchique et réglementaire. Le client idéal doit donc avoir la délégation des différents pays, ce qui permet de garantir le processus de décision. Compétence technique, réactivité et capacité de décision : telles sont les caractéristiques du bon client, vu de l'industriel.
La troisième condition de la réussite consiste, pour le client, à avoir en face de lui un maître d'oeuvre industriel tout aussi solide. Pour des raisons structurelles de prise de décision, ce ne saurait être un groupement d'intérêt économique (GIE). Le maître d'oeuvre doit en effet avoir la capacité industrielle, technique et contractuelle de prendre les bonnes décisions et de maîtriser l'ensemble de ses programmes. C'est pourquoi le maître d'oeuvre le plus efficace ne peut être qu'une société européenne comme MBDA, qui, si je prends l'exemple du programme Meteor, est présent dans quatre des six pays que regroupe ce programme – France, Italie, Royaume-Uni et Allemagne –, possède une filiale espagnole spécifiquement dédiée à Meteor et entretient des relations de sous-traitance avec la Suède. La maîtrise d'oeuvre industrielle de ce programme est donc assurée par une entreprise européenne qui, étant maîtresse de son circuit de prise de décision, a la capacité de procéder en interne aux bons arbitrages.
En revanche, lorsque le maître d'oeuvre coopère avec des entreprises autonomes concurrentes sur les autres activités, le processus de décision est plus incertain. MBDA, dans le partage des tâches comme dans l'application et la mise en oeuvre des projets, a évidemment intérêt à ce que chaque pays contribue au programme européen par ce qu'il sait le mieux faire. Au contraire, en cas d'entreprises concurrentes, chacune essaie de se positionner par rapport à l'autre. Dans le cadre d'un programme comme Meteor, MBDA a cherché à atteindre la meilleure organisation industrielle possible. Le partage des tâches entre les différents pays doit consister dans l'addition de leurs forces et non dans celle de leurs faiblesses.
Les conditions qui sont valables pour les programmes en coopération le restent pour les programmes qui ne sont pas en coopération : travailler suffisamment en amont pour réduire les risques technologiques et permettre la meilleure spécification possible, disposer d'équipes compétentes et avoir des objectifs réalistes. Ces conditions sont génériques.