Nous sommes très heureux de vous recevoir ce matin, Monsieur Piketty, au sein de notre commission, pour recueillir votre point de vue sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire (UEM). Les prochains choix budgétaires peuvent en effet renforcer ou, au contraire, fragiliser la démocratie européenne, dans le contexte d'une intégration budgétaire accrue.
Nous nous interrogeons sur la complémentarité des rôles des parlements nationaux et du Parlement européen en matière budgétaire pour éclairer, contester ou fortifier le travail de la Commission européenne et du Conseil. Le renforcement des règles européennes de discipline budgétaire – notamment au sein de la zone euro, avec le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), le Six-Pack et le Two-Pack – apparaît comme un corollaire nécessaire de la monnaie unique, partagée par dix-sept des vingt-sept États que compte l'Union européenne (UE). Comment assurer une meilleure coordination budgétaire dans la zone euro ? Une intégration budgétaire accrue limiterait l'autonomie des États en la matière, ce qui suscite des réticences… Quel est votre point de vue sur le sujet ?
Les parlements nationaux peuvent jouer un rôle positif pour assurer le caractère démocratique de cette intégration budgétaire. Représentants des citoyens, ils peuvent, avec le Parlement européen, se faire leurs porte-parole au sein de l'Union. Dans cet esprit, nous avons proposé la création d'une Conférence budgétaire rassemblant, à échéances régulières, des représentants des parlements nationaux et du Parlement européen. Cette conférence figure à présent dans le texte du TSCG. Notre collègue Christophe Caresche a proposé une résolution à ce propos, prenant appui sur l'article 13 du TSCG. Votée à l'unanimité par notre Commission, elle vise à décloisonner les débats budgétaires nationaux et européen, car il nous apparaît impossible d'en rester à la donne actuelle après l'adoption du TSCG, du Two-Pack et du Six-Pack.
Nous serions également heureux de connaître vos réflexions sur l'évolution de la gouvernance économique de l'UE et de la zone euro dans la crise. Quelles étapes nouvelles vous paraissent nécessaires pour renforcer l'UEM ? Nous avons pour notre part réfléchi à plusieurs options : mutualisation des dettes, institution d'un budget propre à la zone euro, harmonisation fiscale et sociale, désignation, suggérée par M. Jean-Claude Trichet, d'un ministre des finances de la zone euro… Un accroissement des pouvoirs de contrôle de l'UE sur les budgets nationaux vous paraît-il possible ? En d'autres termes, faut-il aller plus loin dans le partage de souveraineté en matière de politique économique et budgétaire ? Quelle forme devrait prendre, à terme, l'articulation entre la zone euro – dont l'intégration serait accrue – et le reste de l'UE – qui ne cesse d'accueillir de nouveaux membres, le prochain étant la Croatie en attendant les autres pays des Balkans ? Comment renforcer l'implication des parlements nationaux dans le contexte d'une intégration budgétaire plus étroite ? Cette dernière nécessite-t-elle la création d'un parlement de la zone euro ? Une telle mesure serait-elle utile économiquement ? Comment conjuguer efficacement la réduction des déficits avec le soutien à la croissance, sachant que les peuples – italien dans les urnes, espagnol et portugais dans les rues – ont manifesté leur rejet des politiques d'austérité ? Enfin, quelle appréciation portez-vous sur le compromis obtenu au Conseil européen des 7 et 8 février sur le cadre financier pluriannuel ?