Intervention de Thomas Piketty

Réunion du 13 mars 2013 à 8h45
Commission des affaires européennes

Thomas Piketty :

À mon sens, l'Assemblée nationale et sa Commission des affaires européennes doivent faire entendre leurs voix. Les propositions que vous ferez auront d'autant plus de poids qu'en souhaitant la création d'un parlement budgétaire de la zone euro, vous ferez comprendre à vos interlocuteurs, en particulier aux députés européens, que vous êtes prêts à des abandons de souveraineté et que ne vous contentez pas de défendre les prérogatives des parlements nationaux – c'est le risque quand on met en avant la conférence budgétaire.

On considère souvent qu'au sein des fédérations, une chambre représente les citoyens et l'autre les États ; le parlement budgétaire composé des parlementaires des États représenterait en quelque sorte les États nations. Cela dit, tout reste à construire et il serait vain de vouloir transposer un système déjà en vigueur. La proposition relative au bicaméralisme permet en tout cas d'exprimer ce que tout le monde sait sans jamais oser le dire : le Parlement européen, aussi estimable soit-il, ne se substituera jamais complètement aux parlements nationaux en matière budgétaire.

D'ailleurs, dans la première partie de son rapport, Mme Sylvie Goulard défend le fonds de rédemption sans même imaginer que le Parlement européen puisse décider du rythme de son désendettement. Elle pense, comme les cinq « sages » allemands, que les choses se feront en pilotage automatique. Mais on ne peut tout de même pas continuer de laisser des chefs d'État prendre des décisions à huis clos lors de réunions qui se terminent au milieu de la nuit ! À mon sens, la forte réaction du Parlement européen après la négociation budgétaire du Conseil européen du mois dernier s'explique en partie par le caractère lamentable du mode de gouvernance actuel. Cette situation n'est pas tenable.

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