Intervention de Arnaud Leroy

Réunion du 21 janvier 2014 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Leroy :

Plusieurs d'entre vous craignent une inflation de normes supplémentaires. Conçu comme un catalogue de mesures, le 6e programme cadre a mis en difficulté tant la Commission européenne, qui s'est retrouvée engagée sur un programme législatif, que les États membres contraints, après avoir validé son approche, de mettre en place différentes mesures. Le corpus législatif étant déjà copieux, le 7e PAE ne propose pas de nouvelles normes. Il s'appuie sur l'existant, s'assure qu'il est mis en oeuvre et procède à quelques ajustements.

Je ne sais où en est le programme « Mieux légiférer », engagé par la Commission européenne pour faire le ménage parmi les réglementations existantes – directives et règlements. La démarche était intéressante, car certains programmes ont été développés sans tenir compte de l'existant, et que la mobilité des agents, au sein de la Commission, peut être contreproductive.

Loin de constituer un catalogue, le 7e programme cadre se présente comme un document stratégique, qui fixe des orientations et définit des priorités. Il n'établit pas de hiérarchie entre les neuf axes. Personnellement, je considère toutefois que le changement climatique doit être mis en avant, compte tenu des ressources allouées. En la matière, la politique européenne est forte, marquée, assumée, et presque tous les États membres se retrouvent derrière les institutions.

Comme l'a relevé la Cour des comptes européenne, il est difficile de savoir comment présenter les offres. Certains opérateurs renoncent, jugeant la procédure trop complexe. D'autre part, compte tenu du saupoudrage, il faut parfois consentir d'importants efforts pour obtenir peu d'aides, ce qui n'incite pas à multiplier les demandes. Enfin, il faut peut-être prévoir une étape supplémentaire, au niveau communautaire, pour vérifier la cohérence des projets subventionnés. Un inventaire et un suivi de ceux qui ont déjà été financés seraient bienvenus. Des zones « Natura 2000 », qui ont bénéficié d'un statut particulier, ont pu, au fil des années, être grignotées par des projets immobiliers. Peut-être devrait-on les sanctuariser.

Au-delà du PAE ou du programme LIFE, la France doit mieux organiser son action à Bruxelles en faveur des entreprises, des ONG ou de certaines politiques. En ce qui concerne la présence au Parlement européen, elle est tout juste dans les clous, ce qui est décevant, compte tenu du rôle moteur qu'elle a joué dans la construction européenne. Il existe une guerre des normes, dont l'enjeu économique est de plus en plus important. Rappelons-nous la bataille que se sont livrées, il y a quelques mois, la France et l'Allemagne sur l'émission de gaz carbonique par les véhicules légers. Alors que nous défendions une position ferme et innovante, en phase avec les intérêts de nos constructeurs, nous avons perdu face à l'Allemagne – signe qu'il faut repenser notre stratégie à Bruxelles.

J'ai demandé s'il existait un état des lieux des différents projets et obtenu à cet égard des informations partielles. Je suis convaincu de l'importance de défendre l'agriculture. La loi que nous avons votée la semaine dernière vise à concilier, dans le cadre des nouvelles orientations de la PAC, une ambition de production et le respect de l'environnement.

La question des compensations carbone est un enjeu majeur dans la compétition internationale, où le transport joue un rôle croissant. La présidente de la Commission des affaires européennes mène une réflexion à laquelle nous sommes associés, Pierre Lequiller et moi-même, en tant que rapporteurs. Peut-être faut-il instaurer une contribution carbone aux frontières de l'Europe.

Selon un article du Gardian, l'Europe a externalisé bon nombre d'activités productrices de gaz à effet de serre pour respecter ses ambitions internationales. On doit corriger cette logique. Délocalisations et importations, notamment de produits manufacturés et de textiles, ont un impact en termes d'emploi, mais en la matière il n'est pas question de protectionnisme : on ne parlait pas d'environnement dans les années vingt ou trente. Il s'agit seulement de s'adapter à la contrainte environnementale, qui est lourde de conséquences dans la compétition internationale.

La nouvelle mouture du programme LIFE vise à atténuer la complexité des procédures. Les régions seront plus à la manoeuvre pour gérer les fonds européens. D'ores et déjà, les opérateurs territoriaux les sollicitent davantage. La simplification doit être menée au niveau de l'Union. Malheureusement, la complexité est inhérente au fonctionnement de la Commission, contrainte de ménager des compromis entre les États.

Nous pourrons demander au ministre comment sont déclinés les programmes, mais je ne cherche pas particulièrement à populariser le programme LIFE ni à aider les élus locaux à se l'approprier. De tels documents stratégiques risquent plutôt de les faire fuir ! Si j'ai tenu à vous les présenter, c'est pour vous alerter sur les lignes qu'ils définissent. Quand on découvre une directive, il est généralement trop tard pour agir, puisqu'un objectif stratégique a déjà été fixé. J'ai établi un lien entre la commission des affaires européennes et la nôtre pour vous alerter sur certaines dispositions, notamment sur le fait que l'outre-mer pourra s'adresser aux services de l'État, qui se gardent souvent de toute publicité. Le rôle que je me suis assigné est celui d'un passeur.

Les jumelages entre États plus ou moins avancés permettraient de créer de véritables coopérations et de s'assurer que tous partagent le même diagnostic et interprètent les textes de la même manière. Pour le programme LIFE, il faut s'entendre sur le terme de conservation et harmoniser l'ambition de pays aussi différents que l'Espagne, l'Italie, la Grèce ou l'Allemagne. En 2004, la France avait aidé Malte, qui devait entrer dans l'Union, à se doter d'une véritable administration maritime. On pourrait adopter la même démarche envers certains États membres, afin qu'ils atteignent, en matière de protection de l'environnement, un niveau à déterminer.

On peut aussi envisager de créer une agence – une de plus ! – chargée du contrôle et de la mise en oeuvre du programme, à condition de compléter cette solution par une démarche des États membres. Pour mettre en oeuvre des textes certes complexes, mais visant à protéger ce bien commun qu'est la nature, il faut sortir de l'opposition entre instances européennes et États membres.

La représentation permanente, que j'ai rencontrée plusieurs fois, n'a pas signalé d'incompatibilité entre les textes européens et le Grenelle de l'environnement. D'ailleurs, l'application des directives ou des règlements n'a jamais posé problème. Je le répète : le 7e PAE n'est pas un catalogue de mesures ou de normes. Il propose un diagnostic sur les enjeux stratégiques, un état des lieux et des outils de cadrage.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion