Intervention de Dominique Potier

Réunion du 22 janvier 2014 à 17h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur pour avis :

Proposé par Pascal Canfin afin de préciser et rénover les objectifs et l'organisation de la politique française de développement, le présent projet de loi a été préparé dans le cadre des Assises du développement et de la solidarité internationale qui se sont tenues de novembre 2012 à mars 2013, associant des parlementaires français et européens, des représentants d'organisations non gouvernementales (ONG) et de syndicats, des élus locaux, des établissements d'enseignement et de recherche, des entreprises, des fondations et l'administration.

Texte de programmation visant à assigner des objectifs à l'action de l'État, le projet de loi ne comprend pas de dispositions qui soient directement normatives. Il met l'accent sur la promotion du développement durable, la responsabilité sociale et environnementale et la nécessité de partenariats différenciés selon le niveau de développement des pays concernés. Il assigne en outre des priorités géographiques à notre politique de développement.

Notre commission s'est quant à elle saisie du titre Ier, qui porte sur les questions économiques, et donc du rapport qui lui est annexé, auquel fait référence l'article 2. Essentiellement déclaratif, ce titre Ier définit les objectifs de notre politique de développement.

L'article 1er fixe comme objectif général la promotion du développement durable dans ses composantes économique, sociale et environnementale. Il prévoit en particulier que la politique de développement contribue à la préservation des biens publics mondiaux et à la lutte contre le changement climatique, et qu'elle promeut la responsabilité sociale et environnementale.

L'article 2 approuve un rapport annexé au projet de loi qui fixe les orientations de notre politique de développement. Ce rapport énonce deux priorités transversales : la promotion du rôle des femmes dans le processus de développement et la nécessité de maintenir le lien intrinsèque entre la lutte contre le changement climatique et le développement économique et social. Dix priorités sectorielles sont également identifiées : la santé et la protection sociale ; l'agriculture et la sécurité alimentaire ; l'éducation ; le secteur privé et la responsabilité sociale et environnementale ; le développement des territoires ; l'environnement et l'énergie ; l'eau ; la bonne gouvernance ; la politique migratoire ; enfin, le commerce et l'intégration régionale. Le texte fixe également les priorités géographiques que sont l'Afrique subsaharienne, les pays du sud et de l'est de la Méditerranée, et les pays les plus pauvres. Il prévoit d'autre part des partenariats différenciés selon le niveau de développement et le contexte géographique et culturel des territoires concernés.

L'article 3 instaure une obligation de mise en cohérence entre la politique de développement et les autres politiques publiques qui y contribuent.

L'article 4 a trait aux partenariats différenciés et prévoit une concentration géographique et sectorielle de l'aide au développement, la prise en compte des capacités d'absorption de cette aide par les pays qui en sont récipiendaires et la coordination de celle-ci entre les différents pays de l'Union européenne, de même qu'avec les autres bailleurs bilatéraux et multilatéraux.

L'article 5 évoque enfin la responsabilité sociale et environnementale de façon très générale : nous proposerons d'amender cet article afin d'y faire figurer celles de nos propositions qui concernent le monde de l'entreprise.

Les titres II, III et IV, dont nous ne sommes pas saisis, tendent à préciser les conditions dans lesquelles doivent se développer les coopérations bilatérales et multilatérales, évoquent la participation des collectivités territoriales et leur confèrent un cadre juridique pour agir en matière de coopération décentralisée. Le Titre V définit les modalités d'évaluation de la politique de développement – à laquelle le Parlement sera associé puisqu'un rapport devra être remis tous les deux ans aux commissions permanentes compétentes des deux assemblées.

Également saisie pour avis, la commission du développement durable se réunira le 29 janvier prochain pour examiner le rapport de Philippe Noguès. Saisie au fond, la commission des affaires étrangères, qui a désigné comme rapporteur notre collègue Jean-Pierre Dufau, se réunira quant à elle le 4 février. Nous devrions ensuite examiner le texte en séance publique dans le courant du mois de février.

S'il a été préparé dans un temps très réduit, notre rapport s'est néanmoins appuyé sur les travaux de plusieurs parlementaires, notamment sur la proposition de loi adoptée par les groupes socialiste, républicain et citoyen (SRC) et écologiste, portant sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Nous avons également réuni hier trois tables rondes : la première, avec le patronat, réunissait l'Association française des entreprises privées (AFEP) et le MEDEF ; la deuxième, avec les ONG les plus investies en matière de RSE, le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), Sherpa, Amnesty International et les Amis de la terre ; la dernière avec les principales centrales syndicales ouvrières.

Forts de ces travaux, nous avons pu estimer que ce texte revêt de nombreux mérites : il redonne en effet un sens et une orientation claire à la politique française de développement tout en la ciblant géographiquement afin d'éviter la dispersion de nos actions dans le monde. Si la France doit jouer un rôle économique et partenarial en matière de croissance verte dans les pays émergents d'Asie et d'Amérique latine, elle concentrera son aide publique au développement sur les pays d'Afrique subsaharienne et de la Méditerranée.

Le projet de loi offre également un cadre nouveau et clarifié aux collectivités territoriales et des éléments de transparence précieux, permettant de vérifier que chaque euro investi ne sera pas détourné de son objectif initial, mais constituera un véritable levier pour lutter contre la misère. Celle-ci touche en effet encore 1,3 milliard d'habitants sur la planète : si des centaines de millions de personnes en sont sorties grâce à la croissance qu'ont connue les pays émergents, il demeure des poches de pauvreté et des continents oubliés, vers lesquels la France se tournera de façon prioritaire.

Je soulignerai à cet égard deux éléments-clefs du projet de loi : d'une part, la volonté de mettre en cohérence notre discours, notre politique et notre action en Afrique et en Méditerranée avec nos politiques sectorielles – notamment avec notre commerce extérieur et notre agriculture ; d'autre part, la volonté d'intégrer notre action dans un pôle européen de coopération vers la Méditerranée et l'Afrique.

Enfin, je rappellerai deux chiffres significatifs en matière d'aide mondiale au développement dans les secteurs public et privé : si les pays de l'OCDE apportent un total de 133 milliards de dollars d'aide publique, le secteur privé de ces pays offre quant à lui des financements cinq fois plus importants. Autrement dit, toute action tendant à réguler, à moraliser et à augmenter l'effet de levier de l'aide privée dans les pays tiers aura un effet au moins aussi important que l'aide publique en tant que telle. C'est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements visant à réparer des oublis importants de la loi en ce domaine. Il reviendra aux autres commissions de notre assemblée de combler certaines lacunes du texte – qui n'évoque qu'à la marge le rôle des ONG et aucunement le partenariat avec le monde syndical. Fidèles à la priorité que nous accordons aux questions économiques, nous avons insisté sur les questions de responsabilité sociale des entreprises, de moralisation des marchés financiers et d'évolution des marchés publics. L'examen de ce projet de loi par la commission des affaires économiques offre en tout état de cause l'occasion d'en faire un texte plus fort et plus ancré dans les réalités socio-économiques.

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