Intervention de Mgr Dieudonné Nzapalaïnga

Réunion du 22 janvier 2014 à 17h15
Commission des affaires étrangères

Mgr Dieudonné Nzapalaïnga :

Quand les Séléka sont arrivés, ils se disaient à 90 % musulmans et à 10 % chrétiens. À Bambari, où nous les avons rencontrés, beaucoup venaient du Tchad et ne parlaient ni français ni sango. Ils s'appuyaient donc sur la communauté musulmane qui parle arabe. Après avoir volé et pillé, ils ramenaient leur butin dans les familles qui les hébergeaient. Alors, les voisins ont cru qu'il y avait complicité entre eux et que les agressions visaient les chrétiens. En voyageant à l'intérieur du pays, nous avons rencontré aussi parmi les victimes, des familles musulmanes qui avaient perdu des boeufs, des véhicules. Beaucoup ne le savent pas. Pasteurs, imams, prêtres, nous avons considéré qu'il était temps de réunir les gens pour faire connaître les souffrances de part et d'autre, pour dissiper les malentendus, les a priori et les rumeurs qui se propageaient parce que les communautés ne se parlaient pas.

Quand les généraux sont arrivés à Bangui, ils ont exagéré. Pendant plus de huit mois, les pillages ont continué. Dans le Nord, il n'y a plus de boeufs parce qu'ils sont partis au Tchad, et ailleurs on emportait tout au Soudan. Ces vols ont fait naître dans le coeur des victimes un sentiment de haine à l'égard des étrangers. Les populations ont eu le sentiment de vivre sous occupation. La récupération politique de l'exaspération et de l'envie de vengeance était tentante. J'avais mis en garde les ministres de l'Intérieur et de la Sécurité, au retour d'une visite dans un village où j'avais vu les anti-Balaka chasser toute la communauté musulmane, contre un risque d'embrasement si rien n'était fait pour empêcher ces jeunes de violer et de tuer. Au départ, les anti-Balaka ne se réclamaient pas de Bozizé, ils se souciaient seulement de venger leurs parents et leur village mais il y a eu un glissement progressif et le mécontentement s'est cristallisé. Aucun pasteur, aucun prêtre n'est à leur tête et personne n'a donné de bénédiction aux combattants, contrairement à ce qu'on entend à propos de la LRA ou du Congo. Nous avons toujours proclamé qu'il ne fallait pas jouer avec la fibre religieuse et nous refusons de tomber dans le panneau.

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