Intervention de Nicolas Decayeux

Réunion du 22 janvier 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Nicolas Decayeux, président de Decayeux :

Un grand merci. Je suis très touché par votre invitation. Pour la première fois, je peux m'adresser à vous directement, sans passer par les permanents des chambres de commerce et d'industrie et des chambres syndicales qui parfois privilégient leurs propres intérêts en oubliant notre message.

Le premier sentiment du chef d'entreprise, c'est la solitude. J'enfonce là des portes ouvertes.

Si je devais formuler une demande, ce serait celle de nous donner du temps. Cette notion est très importante. Dans un environnement très instable et soumis à la pression d'internet, nous n'avons pas le temps de travailler et de financer des projets. J'y parviens malgré tout grâce aux fonds propres qui sont le fruit du travail de cinq générations. Je fais évidemment appel aux banques et à la BPI mais nous sommes jugés sur l'année en cours ou au mieux les deux années à venir. Sans un retour sur investissement rapide, les chances de trouver des fonds sont minces.

Le CICE nous permet de rester dans la course. Après des années de matraquage, il est bienvenu mais il n'est pas suffisant.

Internet pour un fabricant de boîte aux lettres, ce n'est pas évident. Face à la diminution du courrier, nous nous sommes diversifiés en proposant des cases à colis. En effet, nous ne vendons pas nos produits sur Internet car, en nous rapprochant des clients, nous risquons de perdre des référencements chez nos distributeurs. Ce n'est pas le cas d'une start-up.

Le coût de production d'une boîte aux lettres en tôle peinte est le même à Feuquières-en-Vimeu et en Chine. En revanche, une boîte en inox fabriquée en Chine est moins chère. Pour quelle raison ? Parce que le Gouvernement chinois subventionne les exportations de produits en inox. C'est inadmissible. On se fait désosser. La stratégie chinoise est claire : désindustrialiser les pays occidentaux dans un premier temps pour ensuite pouvoir vendre les produits chinois.

Pour attirer les jeunes, faites quelque chose pour la province ! Je ne parviens pas à recruter des cadres. Il est vrai que la dépression nerveuse vous guette lorsque vous vous installez à Abbeville, qui offre peu de ressources et où les commerces ferment à l'heure du déjeuner et le soir à 19 heures…Je suis picard donc je peux en parler. Soyons plus attrayants !

Face aux Allemands, nous sommes très mauvais dans l'élaboration des normes. L'idée d'un crédit d'impôt normalisation est à cet égard intéressante. Cinq employés se consacrent à cette tâche dans l'entreprise. Si vous ne défendez pas les référentiels français, vous êtes morts ! Les Allemands ont réussi à imposer leur norme DIN pour les boîtes aux lettres au niveau européen. Nous sommes parvenus à maintenir la référence française mais nous nous sommes battus seuls, en l'absence de La Poste et des pouvoirs publics. Il faut insuffler la culture du lobbying et de la normalisation.

Je connais bien le sujet des fusions et acquisitions pour avoir fait ce métier au début de ma carrière. Nous sommes une proie, c'est évident. D'autant que les Français ne sont pas habitués à transmettre. Lorsque j'ai racheté l'entreprise allemande, le patron a dû se justifier car il ne la transmettait pas à son fils. La transmission est difficile en France pour des raisons culturelles mais aussi à cause du poids des droits de succession et de la taxation des plus-values – en Suède ou en Finlande, la plus-value peut être déduite de l'impôt sur les sociétés. Mais si vous êtes passionné par votre métier et que vous avez été élevé dans l'esprit de transmettre, il y a de grandes chances pour que vous transmettiez l'entreprise. C'est difficile pour nous. Écoutez-nous et nous pourrons faire un bout de chemin ensemble !

Une dernière chose, je recommande la création de masters en innovation et en entrepreneuriat qui nous aideraient à cultiver nos valeurs.

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