Intervention de Kader Arif

Réunion du 21 janvier 2014 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la Défense, chargé des Anciens combattants :

Vous avez raison de rappeler que la commémoration de la Grande Guerre ne concerne pas que 1914. Mais, si nous ratons le centenaire de cette première année, nous ratons le cycle entier : c'est donc l'année 2014 qui va donner le la. En 2015, la France sera présente aux côtés des Néo-Zélandais pour commémorer la bataille des Dardanelles. Elle sera également présente à Auckland, à Wellington pour l'inauguration d'un mémorial qu'elle contribuera à financer. En 2016, nous commémorerons la bataille de la Somme avec nos amis britanniques ; c'est aussi l'année du centenaire de Verdun. L'année 2017 marquera l'anniversaire de l'arrivée des Américains dans nos ports, mais aussi de la création de l'US Air Force avec l'escadrille La Fayette. En 2018, nous évoquerons la bataille de la Meuse.

Je suis sensible à vos propos concernant les sifflets entendus le 11 novembre dernier, et je vous en remercie.

Il est important de rappeler l'engagement des troupes venues de notre empire colonial, tant pour le premier conflit mondial – avec plus de 400 000 soldats – que pour le second – avec quelque 270 000 soldats. Les deux guerres ont entraîné la mort de dizaines de milliers d'entre eux. C'est d'autant plus important que, pour une partie de notre jeunesse, dans les quartiers en particulier – et je ne veux stigmatiser personne –, se pose la question de l'appartenance à la nation. Rappeler à ces jeunes que leurs grands-parents ou leurs arrière-grands-parents sont venus se battre lors du premier ou du second conflit peut leur faire prendre conscience de leur appartenance à la nation à travers la mémoire de leurs aïeux. Nous devons construire ce discours ensemble, car il peut avoir un impact.

Quand j'ai proposé au Président de la République et au Premier ministre que les goumiers marocains soient invités à la commémoration de la libération de la Corse, nombreux sont ceux qui ont objecté qu'il s'agissait d'une opération risquée. Mais, en même temps que nous redonnions leur fierté à nos compatriotes corses en montrant que nous n'avions pas oublié que leur île avait été le premier département français libéré, nous établissions une sorte d'union entre les deux rives de la Méditerranée en leur rappelant qu'ils avaient bénéficié pour se libérer du concours des goumiers marocains. Nous devons répéter ce genre d'opérations. Dans cette perspective, nous espérons que la commémoration du débarquement du 15 août sera à la hauteur de celle du 6 juin ; sur les vingt-deux pays présents, vingt proviendront du continent africain.

Le Président de la République a décoré des anciens combattants tunisiens. J'ai moi-même remis au président malien le certificat de « mort pour la nation » de son arrière-grand-père qui avait combattu pendant la Première Guerre mondiale. Le président Keïta a été touché au-delà de ce que je pouvais imaginer. J'ai constaté la même émotion quand j'ai été reçu par le Président de la République du Sénégal. L'attente est réelle sur le continent africain.

D'autre part, on peut imaginer un partenariat entre les XV parlementaires néo-zélandais et français, un mini-tournoi qui rassemblerait les six nations concernées et des équipes de jeunes. On pourrait par ailleurs réunir les groupes d'amitié parlementaires. On pourrait également organiser – mon cabinet et celui de M. Bartolone y travaillent – une séance extraordinaire de l'Assemblée autour du thème de la démocratie pendant le premier conflit mondial : ce qui a fait la force de la France pendant cette période, c'est que la République tienne, que les parlementaires siègent et s'expriment. Enfin, je songe à un possible travail en relation avec le groupe d'études « Industrie aéronautique » autour de l'aviation française, de la création de l'US Air Force – nous devons nous féliciter que le plus grand as de l'aviation pour les deux conflits ait été le Français René Fonck.

Certains mots doivent résonner auprès de la jeunesse : il ne faut laisser personne s'approprier les notions de « patriotisme » et de « nation ». Le patriotisme a un sens, c'est, comme le disait Romain Gary, aimer les siens, quand le nationalisme, c'est détester les autres. Je suis patriote, je ne suis pas nationaliste. L'idée de nation n'en est pas moins importante. Au-delà du rappel des grandes dates, ce cycle commémoratif doit aussi être un moment fort de débat politique au bon sens du terme ; la noblesse de la politique c'est aussi, malgré ce qui peut diviser, de se montrer capable d'évoquer une vision commune autour de ces mots et de ces principes.

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