Je vous prie d'excuser le président du directoire de RTE, M. Dominique Maillard, qui préside ce matin à Bruxelles une réunion sur la coordination opérationnelle des opérateurs européens.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, RTE est un des opérateurs du système européen, dont il faut rappeler que c'est en réalité une immense machine qui s'étend de la frontière entre la Pologne et la Biélorussie jusqu'à la Tunisie. Il s'agit d'un seul ensemble physique que les différents opérateurs pilotent en se coordonnant : quand une centrale tombe en panne en Pologne, cela se répercute instantanément sur la prise de courant à Tunis !
Outre la forte coordination que cette configuration impose, la dimension de l'optimisation est très importante et suscite des échanges croissants entre pays.
La situation française a ses spécificités, certes, mais notre réseau est un morceau d'un ensemble plus important où les enjeux sont à la fois techniques – un incident à un endroit donné peut se propager et toucher tout le monde – et économiques – une électricité bon marché s'obtient en optimisant le mix énergétique à l'échelle d'un continent.
Selon les statistiques récemment publiées, le nucléaire représente 73,3 % de l'électricité produite en France en 2013. L'hydroélectricité arrive en deuxième position avec 13,8 %, puis viennent charbon avec 3,6 %, le gaz avec 3,5 %, l'éolien – qui continue sa croissance – avec un peu moins de 3 %. Le fioul représente 1 %, le photovoltaïque arrive juste derrière, et le dernier pourcent regroupe la cogénération et toutes les autres énergies renouvelables.
Il faut être bien conscient que la puissance instantanée est tout aussi importante que l'énergie annuelle consommée. Ce n'est pas parce que l'on dispose d'une capacité de production correspondant à la consommation moyenne en une année que l'on peut satisfaire les besoins en électricité à tout instant. L'équilibrage à chaque seconde est fondamental, particulièrement en France où la dynamique de consommation est supérieure au reste de l'Europe. Le seul pays européen comparable est la Norvège, où l'on constate aussi un fort usage du chauffage électrique, entraînant une plus grande sensibilité de la consommation à la température.
D'après les observations que nous avons réalisées ces dernières années, la puissance maximale appelée au coeur de l'hiver par des températures froides s'accroît en France deux fois plus vite que la consommation annuelle. Comme il faut équilibrer à chaque moment la puissance fournie et la consommation, cela se traduit par la nécessité d'investir – suivant la logique traditionnelle – dans des moyens supplémentaires de production en pointe comme les turbines à combustion. Or ces équipements sont coûteux et on n'a besoin de les faire fonctionner que peu de temps, si bien que peu d'opérateurs ont envie de les construire.
Cette situation est très préoccupante pour RTE mais les parlementaires s'en sont aussi souciés. Deux mesures législatives visent à corriger cet effet : l'une, dont les textes d'application sont en cours de finalisation, instaure un mécanisme de capacité permettant aux fournisseurs de se procurer en puissance ce qu'ils ont vendu à leurs clients pour un meilleur équilibrage de la consommation et de la production.