C'est en effet une question fondamentale. Dans une région comme la Bavière, qui a beaucoup développé le photovoltaïque, la production peut être très abondante à des moments où l'on n'en a pas vraiment besoin et absente à des moments où l'on en a besoin. Cette énergie est très utile pour le système électrique européen, mais elle n'est pas sans conséquences sur l'équilibrage et les flux d'énergie. Cette année, à la fin du printemps et au début de l'automne – périodes où cette production est la plus importante –, on a constaté des productions photovoltaïques dans le Sud de l'Allemagne de l'ordre de 22 000 ou 23 000 MW vers 13 heures 30, ce qui a pour effet d'inverser les flux d'énergie entre la France et l'Allemagne avant qu'ils ne repartent dans l'autre sens le soir. Bref, si l'apport du photovoltaïque en énergie est important, on ne peut non plus ignorer la question de la synchronisation avec le besoin de puissance.
La deuxième évolution législative récente, à laquelle vous n'êtes pas étranger, monsieur le président, est la création d'un cadre juridique visant à développer les effacements de consommation. Ce terme d'« effacement », quelque peu restrictif, mérite explication : dans un monde qui, je l'espère, est derrière nous, l'équilibrage entre production et consommation se faisait en laissant libre cours à la consommation et en s'efforçant de produire exactement ce qu'il fallait pour l'alimenter ; on a désormais conscience qu'il faudra de plus en plus de souplesse et qu'un moyen d'égaliser en permanence la production et la consommation est de jouer aussi sur la consommation. Une grande partie des usages de l'électricité peuvent être différés de quelques minutes, de quelques heures ou de quelques jours. Sans doute pas l'éclairage de cette salle, mais son chauffage et sa climatisation pour quelques minutes. De même, un congélateur pourra fonctionner un peu plus entre quatre et cinq heures du matin en accumulant du froid, sans aucune perte de confort pour le consommateur et sans modification des coûts de production et du process pour l'industriel.
Cette adaptation de la consommation à la production est un facteur de souplesse considérable. Nous comptons bien l'utiliser pour limiter la progression de la puissance de pointe consommée et pour faciliter l'intégration de nouveaux mix énergétiques. En Allemagne et en Espagne, où l'on a développé très fortement les filières éolienne et photovoltaïque, cette intégration soulève de nouveaux défis. Ces énergies, qui dépendent de paramètres physiques tels que la vitesse du vent et l'ensoleillement, sont dites « fatales » : le volume de la production ne peut qu'être constaté en fonction des conditions météorologiques. Bien que ces conditions se prévoient assez bien, elles impliquent le développement de nouveaux mécanismes, notamment en matière de flexibilité. Pour reprendre l'exemple du photovoltaïque en Bavière, la production est nulle à huit heures du matin, elle peut atteindre 22 000 MW à 13 heures 30 pour revenir à zéro à 19 heures. Pour s'adapter à cette forte variabilité, il faut ménager de la souplesse. Historiquement, c'était un des rôles des centrales à gaz, mais des incertitudes pèsent aujourd'hui sur leur développement en Europe.