Mon métier d'ingénieur agronome m'a conduit à animer la Bergerie de Villarceaux. Ce territoire rural de 650 hectares, propriété de la Fondation pour le progrès de l'homme, qui était à l'origine une grande ferme céréalière conventionnelle, est engagé depuis plus de 20 ans dans la transition agro-écologique.
L'engagement de ce territoire prouve qu'il est possible de passer d'une agriculture très dépendante du pétrole et des produits phytosanitaires à une agriculture autonome, plus économe en ressources non renouvelables, moins productrice de nuisances environnementales et qui offre aux populations un cadre de vie plus harmonieux.
L'histoire de ce territoire peut être reliée aux défis de l'agriculture, dont le cahier des charges, à l'aube du XXIe siècle, s'est extraordinairement complexifié puisqu'on lui demande de produire toujours plus tout en rendant des services environnementaux et en donnant aux habitants les moyens de mieux vivre ensemble.
Certes, pour protéger les espaces, limiter les pollutions, développer la biodiversité et réduire les émissions de gaz à effets de serre, nous disposons d'un certain nombre de lois, mais comment les mettre en cohérence ? En outre, ces lois contiennent peu de dispositions concernant le paysage et l'aménagement des espaces agricoles.
Pourtant, lors du processus de modernisation, dans les années 1960, il existait une vision connexe permettant de lier un projet technique visant à augmenter les rendements et un objectif d'aménagement du territoire, ce qui a permis de développer la mécanisation et d'agrandir les parcelles. Mais il sera très difficile, dans un cadre spatial aménagé pour une agriculture industrielle, reposant sur des apports massifs d'intrants, de mettre en place des pratiques agro-écologiques.
L'approche paysagère repose sur la connaissance fine d'un territoire, de sa géographie, de son histoire, des savoir-faire locaux et de leur inscription dans l'espace. Elle est nécessaire si nous voulons construire des projets qui revalorisent les atouts de chaque territoire, atouts qui, après la Révolution française, ont contribué à construire la France des 500 régions agricoles fondées sur des races, des terroirs et des noms géographiques, dans des paysages reflétant l'harmonie sociale. Ce souci de joindre l'utile à l'agréable a fait de la France un « pays de cocagne ». Comment retrouver cette démarche qui joint utilité technique et harmonie spatiale ?