Le groupe RRDP tient à remercier les intervenants pour leurs exposés passionnants, et le président de notre Commission pour l'occasion qui nous est offerte d'engager une réflexion originale sur les paysages et la ruralité.
En tant qu'élu, je suis confronté aux problèmes particuliers que soulève le développement d'un territoire rural – le pays du Sud de l'Aisne – bordé par deux métropoles, Paris et Reims, dont il subit l'attraction. Votre vision de l'impact des transitions écologique et agricole sur les territoires dits interstitiels m'intéresse d'autant plus qu'elle semble suggérer que, pour une fois, la campagne pourrait être en avance sur la ville. À ce propos, je me félicite du soutien du Gouvernement à la candidature des paysages « Coteaux, maisons et caves de Champagne » à l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO. Leur succès constituerait un signe fort de reconnaissance de la valeur de notre patrimoine rural et de notre savoir-faire agro-viticole.
En effet, comme vous l'écrivez, madame Marcel, nos espaces de vie et nos territoires sont marqués de l'empreinte profonde du travail de façonnement et de configuration des hommes. Tous les temps s'y trouvent imprimés : le passé, à travers nos sites archéologiques et nos monuments – que nous retrouverons dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale –, le présent, par le biais du développement urbain issu des différentes révolutions industrielles, et l'avenir, simple esquisse soumise à l'incertitude.
Il apparaît impératif de repenser le lien entre le fait urbain et le fait rural. Madame Kempf, vous expliquez, avec Mme Lagadec, la dissociation entre les usages et les fonctions des espaces aménagés. Le développement économique de ces dernières années a promu l'habitat individuel, portant la dissonance au coeur de nos territoires ruraux et de nos paysages. Depuis plus de vingt ans, la France perd tous les sept ans l'équivalent d'un département de surface agricole ; pourtant, le débat autour de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a montré qu'il nous manquait toujours un million de logements. Le conflit entre urbanisme et agriculture est donc appelé à s'accentuer encore. Mais les questions relatives à l'écologie et à l'énergie – défis communs aux deux secteurs – devraient favoriser les points de convergence. Quelle serait, selon vous, la bonne méthode pour réussir à concilier ces deux impératifs autour de la transition écologique ?
Madame Marcel, vous écrivez que « l'espace qui a été construit par un groupe lui appartient » et que « les habitants font vivre le pays » ; pourtant, nos concitoyens se sentent de plus en plus dépossédés de ce qu'ils pensaient leur appartenir. Les changements nécessaires que vous appelez de vos voeux paraissent bien loin de leurs préoccupations immédiates. Comment articuler leurs aspirations et l'impératif de changer de modèle de développement ?
Je rejoins M. Giorgis lorsqu'il écrit que « le débat sur la transition énergétique ouvre la question de la transformation des paysages qui en accompagneront la mise en oeuvre ». J'adhère à l'idée de considérer la diversité des territoires comme induisant une diversité de potentiels, et d'y associer des gisements et des projets de production d'énergies renouvelables spécifiques, afin de relocaliser l'activité en promouvant les circuits courts, l'économie sociale et solidaire, l'échange circulaire.
Je suis également d'accord avec ce que M. Bayle appelle « la ville du contrat socio-agricole » ; celle de Château-Thierry s'emploie à suivre ce modèle. Comment envisagez-vous la mutation d'une agriculture conçue pour répondre à une demande tant nationale qu'internationale en une agriculture recentrée sur les objectifs de développement durable, qui permette aux agriculteurs de vivre de leur travail ? Sachez en tout cas que le Sud de l'Aisne – un territoire de lisière – est prêt à nourrir les Parisiens ! (Sourires)