Le taux de judiciarisation d’une société ne reflète pas forcément la bonne organisation de cette société. Ce qui reflète cette bonne organisation, c’est surtout la capacité à se mettre d’accord. Évidemment, une société démocratique et organisée est une société où chacun a le droit à un juge, et même parfois à deux juges. C’est fondamental et c’est ce que prévoit la loi : il ne pouvait en être autrement.
Mais je ne suis pas de ceux qui considèrent que plus l’on judiciarise, mieux c’est. C’est vrai pour le droit du travail comme pour le droit de la consommation ou beaucoup d’autres domaines du droit de la vie quotidienne. Il faut trouver des solutions respectueuses de chacun et je crois profondément à la force de l’organisation collective, et donc à la force et à la responsabilité des organisations syndicales. Le pouvoir qui est donné l’est aux organisations syndicales de salariés, avec ce que cela signifie en termes de responsabilité, de formation, de capacité à mener une discussion en pesant sur son résultat. Je crois beaucoup dans le droit qui a été donné de négocier et de conclure des accords. La faible judiciarisation est le corollaire du nombre des accords collectifs majoritaires signés dans les entreprises.
Je ne reviendrai pas sur des exemples que chacun a en tête. Ce n’est pas parce que pendant cinq ans, on va de tribunal en tribunal que des emplois auront été sauvés dans l’entreprise concernée – vous voyez peut-être à quelle entreprise je fais allusion. Et ce que je dis vaut pour les deux parties, et en particulier du côté patronal.
Par ailleurs, il faut faire attention de ne pas confondre deux articles de la loi, qui correspondent à deux situations différentes.
Il y a tout d’abord les PSE. Ils ont été nombreux, mais pas plus que d’habitude. C’est principalement dans ces cas que des accords collectifs majoritaires ont été signés. Ils aboutissent à des situations plus maîtrisées qu’autrefois, dans l’intérêt des salariés.
Ces PSE ne doivent pas être confondus avec les accords de maintien de l’emploi, erreur parfois commise. L’accord auquel vous faites allusion est un accord de maintien de l’emploi. Il y en a eu deux pour le moment. Je ne sais pas s’il faut que l’on juge les accords de maintien de l’emploi à partir de deux spécimens – dont l’un, en outre, a été signé par le plus grand nombre d’organisations syndicales possible puisqu’il a réuni 100 % d’entre elles.
Soyons donc attentifs à ne pas confondre ces deux procédures. J’ai cru comprendre que les interlocuteurs précédents insistaient beaucoup sur un des deux accords de maintien de l’emploi, et non pas sur l’ensemble des PSE.
Chacun doit donc ramener ces éléments à leur juste proportion. Cela ne signifie pas que le problème ne se pose pas ou que des situations personnelles préoccupantes n’existent pas, mais il faut les ramener à la rationalité des situations.