Le projet que voici rassemble les dispositions de nature législative qui ont été annoncées dans le cadre du pacte pour l'artisanat et du plan d'action pour le commerce et les commerçants. Il comprend également des mesures relatives à l'entreprenariat individuel.
Les entreprises de ces secteurs doivent faire l'objet de mesures spécifiques, car beaucoup d'entre elles sont petites, voire très petites. Elles sont pourtant indispensables aux territoires et à leur dynamisme, offrant des emplois de proximité qui irriguent l'ensemble du tissu économique et social. Alors qu'elles subissent frontalement la crise économique, l'État souhaite leur offrir des mesures plus cohérentes et des démarches simplifiées. Elles doivent être à même de participer pleinement au redressement économique du pays. Je veux agir rapidement pour trouver des solutions permettant de maintenir ce tissu économique indispensable.
Le premier volet du projet de loi vise à améliorer la situation locative des commerces en aménageant le régime des baux commerciaux.
Si la plupart des entreprises artisanales et commerciales sont titulaires d'un bail, celui-ci peut néanmoins évoluer au court du temps : il ne les protège donc pas de la pression concurrentielle autour des meilleurs emplacements. Il faut donc trouver un meilleur équilibre entre bailleurs et preneurs.
Le bail dérogatoire, qui permet aux entreprises démarrant leur activité de ne pas s'engager sur une période trop longue pourra être signé pour trois ans, durée plus adaptée à la montée en puissance des projets que les deux ans prévus jusqu'à ce jour.
Le projet de loi met aussi un terme à une évolution du prix du loyer qui n'est pas liée à la réalité économique vécue par les entreprises : l'article 2 consacre l'indice des loyers commerciaux (ILC) comme référence pour l'indexation des loyers car, contrairement à l'indice du coût de la construction, il reflète le contexte économique de la zone dans laquelle est implanté le commerce.
Par ailleurs, le texte limite à 10 % les réajustements qui peuvent être appliqués en cas d'exception au plafonnement des baux. Cette mesure permettra d'empêcher des hausses brutales qui peuvent pousser les commerces hors des centres-villes.
De plus, afin de rétablir une forme de symétrie entre locataire et propriétaire, l'état des lieux est rendu obligatoire, et il est prévu de lui annexer un inventaire précis des charges locatives ainsi que de leur répartition entre le preneur et le bailleur. Un droit de préférence est également reconnu au preneur lors de la vente du bien qu'il occupe.
Enfin, la compétence des commissions de conciliation est étendue aux litiges portant sur les charges et les travaux, afin de limiter autant que possible le recours au juge et d'éviter les contentieux trop longs.
Le projet de loi facilite également l'utilisation par les communes du droit de préemption commercial en ouvrant la possibilité de le déléguer à un établissement public, à une société d'économie mixte (SEM) ou à une intercommunalité. Il s'agit d'un outil indispensable qui permet aux élus de maintenir la diversité des TPE artisanales et commerciales dans les centres-villes. Un diagnostic complet du dispositif ayant été mené en concertation avec les élus pour identifier les freins à son usage, cette mesure sera complétée au cours de notre débat.
Deux amendements du Gouvernement vous sont proposés pour simplifier encore la procédure et faciliter la phase de reprise du fonds de commerce par un professionnel. Il s'agit d'une part d'allonger le délai imposé à la commune pour rétrocéder le fonds, à condition que celui-ci soit exploité en location-gérance, et, d'autre part, de permettre la délégation du droit de préemption, à une SEM, même en dehors d'une opération d'aménagement d'ensemble.
L'amélioration du régime des baux commerciaux et la facilitation de l'exercice du droit de préemption rendront plus aisé l'accès de nos petites entreprises artisanales et commerciales aux meilleurs emplacements et permettront leur développement.
Le deuxième volet du projet de loi simplifie les obligations administratives et comptables qui incombent aux artisans, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) et aux micro-entreprises.
Le droit permet aujourd'hui diverses formes d'exercice aux TPE, parmi lesquelles les entreprises commerciales et artisanales. Il est proposé d'en simplifier l'accès, d'alléger les formalités comptables de ces entités fragiles, et de poser les bases pour tendre vers un régime unique de la micro-entreprise.
Aujourd'hui les notions d'artisan, d'artisan qualifié et de maître artisan sont superposées dans un ensemble illisible. Le projet de loi revient sur la notion « d'artisan qualifié » dont l'existence même crée une ambiguïté puisque tous les artisans sont qualifiés. La qualité d'artisan sera donc réservée aux seuls détenteurs d'une qualification professionnelle pour le métier qu'ils exercent. La vérification de la qualification des artisans par les chambres de métiers et de l'artisanat, lorsqu'elle est obligatoire, est renforcée, qu'il s'agisse de l'entrepreneur lui-même ou d'un salarié.
Par ailleurs, parce que le nombre des salariés d'une entreprise ne change pas la façon dont est exercée son activité, il convient de supprimer la limite de dix salariés au-delà de laquelle les entreprises artisanales ne pouvaient plus rester immatriculées au registre des métiers. De même, les entreprises artisanales de plus de dix salariés qui font l'objet d'une cession ou d'une transmission resteront immatriculées.
L'objectif est bien de garantir la qualité mais aussi la sécurité du service aux consommateurs qui font appel à un artisan, quel que soit le régime de l'entreprise.
S'agissant de la réforme de l'entrepreneuriat individuel et des régimes de la micro-entreprise, celui de l'auto-entrepreneur a permis à de nombreuses personnes de lancer un projet de création d'entreprise ou de compléter leur revenu par une activité d'appoint. Cette facilité doit être préservée. Ce régime a cependant créé les conditions d'une concurrence inéquitable avec les entrepreneurs soumis au droit commun, et conduit à certains excès. Le Gouvernement souhaite donc corriger cela dans le sens d'une plus grande équité et d'un rapprochement avec le droit commun, tout en conservant la simplicité de déclaration et de paiement des charges sociales.
Parallèlement au dépôt du projet de loi, le Gouvernement a demandé au député Laurent Grandguillaume de réfléchir à la simplification des régimes juridiques, sociaux et fiscaux de l'entrepreneuriat individuel dans son ensemble. Je le remercie pour la qualité du rapport qu'il a remis au mois de décembre, Entreprises et entrepreneurs individuels. Passer du parcours du combattant au parcours de croissance. Ce rapport comporte diverses propositions visant à l'équité, la lisibilité et la simplicité du régime de l'entrepreneur individuel, organisé autour d'un régime simplifié de micro-entreprises.
Certaines préconisations de ce rapport, notamment pour les aspects relatifs au statut juridique de l'entreprise individuelle, doivent faire l'objet d'une expertise approfondie. Elles seront étudiées dans le cadre d'un groupe de travail qui remettra ses conclusions à la fin du printemps, en lien étroit avec la Chancellerie. D'autres mesures peuvent être mises en oeuvre sans attendre : sur plusieurs points, il vous est donc proposé de modifier la version initiale du projet de loi par amendements. Il s'agit de préserver la simplicité du régime de la micro-entreprise tout en réalisant une plus grande convergence entre ces dernières et les entreprises de droit commun.
Pour tous les entrepreneurs individuels relevant du régime social des indépendants (RSI), le régime micro-fiscal et le régime micro-social de paiement libératoire sur le chiffre d'affaires des cotisations et contributions sociales sont fusionnés, permettant ainsi la création du régime unifié de la micro-entreprise. Cette mesure se substitue nécessairement au seuil intermédiaire figurant dans le projet de loi initial, dès lors qu'il n'existera plus qu'un seul seuil.
En complément, les bénéficiaires de ce régime se verront ouvrir, sur option, la possibilité de compléter leurs cotisations sociales jusqu'au montant des cotisations minimales de droit commun, afin d'acquérir les droits à prestations correspondants.
Les cotisations des conjoints collaborateurs des entrepreneurs au régime de la micro-entreprise, dont le recouvrement n'est pas opérationnel aujourd'hui, pourront désormais être calculées et payées, comme celles du chef d'entreprise, par application d'un pourcentage sur le chiffre d'affaires, qui sera fixé par décret.
En contrepartie de ces avancées, tous les bénéficiaires du régime simplifié qui exercent une activité commerciale ou artisanale devront, à l'avenir, s'acquitter des taxes pour frais de chambres consulaires. Le maintien de l'exonération de ces taxes, envisagé initialement, doit être abandonné, dans une logique d'équité, mais aussi pour financer l'accompagnement des TPE par les réseaux consulaires. Cette mesure d'alignement sur le droit commun complétera la réforme de la cotisation foncière des entreprises (CFE), déjà réalisée dans le cadre de la loi de finances pour 2014, qui a supprimé l'exonération de CFE pour les auto-entrepreneurs au profit d'un mode de calcul plus favorable aux TPE et valable pour toutes, quels qu'en soient les formes et les statuts.
De même, les micro-entrepreneurs du secteur de l'artisanat ne seront plus dispensés du stage de préparation à l'installation (SPI) existant pour les artisans.
Cet ensemble de mesures rend plus simple, plus lisible et plus équitable le droit des très petites entreprises. L'alignement des différents régimes rendra plus aisé le passage des micro-entreprises à potentiel vers un régime au réel, encore facilité par les dispositifs d'accompagnement qui seront mis en place. Leur entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2015 afin de permettre l'adaptation des systèmes d'information et de gestion du RSI et d'informer les entrepreneurs sur ces nouvelles modalités,
De plus, les auto-entreprises actives dans les secteurs concernés devront s'immatriculer au répertoire des métiers, et les corps de contrôle seront compétents pour vérifier le respect des obligations d'assurance. Elles ne pourront bénéficier de la formation continue que si elles ont effectivement contribué au fonds de formation pendant l'année écoulée.
Le projet de loi permet par ailleurs au régime de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée de gagner en simplicité et en lisibilité. Il s'agit de le rendre plus attractif pour les TPE et les créateurs d'entreprises. Il permet en effet à son titulaire de limiter son exposition patrimoniale au risque professionnel sans le contraindre à créer une entité sociale distincte. Les modifications proposées simplifient en particulier les démarches comptables.
Le dernier volet du projet de loi renforce les leviers d'intervention de l'État que sont les procédures d'urbanisme commercial, le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (le FISAC), et les réseaux consulaires.
Le développement équilibré de toutes les formes de commerce justifie l'intervention régulatrice de la puissance publique. Sans procéder à un bouleversement global du dispositif, il est possible d'assurer une meilleure cohérence et une plus grande efficacité du régime de l'aménagement commercial. La réforme de l'urbanisme commercial proposée par le Gouvernement intervient dans le cadre de ce projet de loi pour plus de lisibilité. Seule figure dans le projet de loi « ALUR » la disposition concernant les drives, car il fallait intégrer au plus vite cette réalité dans le droit positif.
La réforme proposée, complétée par les amendements du Gouvernement permettra une meilleure articulation des procédures de permis de construire et d'autorisation d'exploitation commerciale. Les commissions rendront un avis conforme sur les projets afin d'assurer une simplification, un raccourcissement des délais, et une sécurisation des dispositifs. Une modification de la composition des commissions tendra à une professionnalisation de leurs membres et à plus de transparence. Les trois critères d'autorisation actuels maintenus seront précisés dans la loi sur la base de la jurisprudence du Conseil d'État.
Par ailleurs, afin d'améliorer l'efficience de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) pénalisée par les recours dilatoires, il est proposé d'empêcher le dépôt réitéré, sur un même terrain, d'un projet qui n'aurait pas subi de modifications importantes.
Dans le même souci de simplification, si le pétitionnaire indique l'enseigne qui sera implantée dans son projet, et si celle-ci change au cours de sa réalisation, l'autorisation pourra être conservée.
Une réforme du FISAC est enfin proposée, pour entrer dans une logique de projet plutôt que de guichet, et résorber le stock de dossiers. Les modalités d'attribution du FISAC réformé seront fixées par décret. Cette mesure est attendue des élus locaux. Je précise que le fonds a été abondé, et le sera de nouveau l'an prochain.