Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 28 janvier 2014 à 17h00
Commission des affaires économiques

Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme :

Je ne reviendrai pas sur les propos de M. Laurent Grandguillaume, dont le rapport, de grande qualité, a permis de rapprocher les différentes parties prenantes afin de déboucher sur des solutions équilibrées permettant notamment de simplifier l'ensemble des régimes d'entreprise individuelle – tel était l'objet de sa mission.

Je le répète : pour parvenir à l'application de toutes les préconisations du rapport sur le statut unique de l'entreprise individuelle, il est nécessaire que mon ministère et la Chancellerie approfondissent, ensemble, la question du statut juridique des intéressés ainsi que les aspects qui relèvent du droit communautaire. M. Grandguillaume a du reste lui-même souligné, lors de la remise du rapport, que certaines mesures peuvent être plus aisément adoptées que d'autres. Les propositions relatives à la fusion des régimes des auto-entrepreneurs et micro-fiscal, au contrôle des qualifications, au stage préparatoire à l'installation ou à la suppression de la dispense d'immatriculation figurent désormais dans les amendements déposés par le Gouvernement.

Je tiens à remercier M. Frédéric Roig et le groupe socialiste de leur volonté d'enrichir le texte au cours de son examen. Je suis sensible à leur soutien sur la question des baux commerciaux ou sur celle de la qualité d'artisan, que les auditions ont souvent évoquées.

Monsieur Fasquelle, en ce qui concerne le calendrier, nous avons voulu, à la suite du projet de loi que j'avais présenté au mois d'août en conseil des ministres, mener une concertation approfondie sur la simplification de l'entreprise individuelle. M. Laurent Grandguillaume, à qui nous avions confié cette mission, a rendu son rapport à la fin du mois de décembre : le Gouvernement, en dépit d'un délai aussi court pour mener les expertises techniques nécessaires, a préféré intégrer dans ce projet de loi les préconisations qu'il jugeait immédiatement utiles, de peur de devoir les reporter ou de ne jamais les mettre en oeuvre. Je pense que vous nous faites un mauvais procès.

À mon arrivée au ministère, toutes les organisations professionnelles ont regretté que des propositions concrètes attendent depuis trop longtemps leur mise en oeuvre. Tel est l'objet du texte : traduire dans la loi les feuilles de route que j'ai élaborées en collaboration avec les professionnels des secteurs concernés. Vous le savez bien, nous pourrons réaliser de nouveaux progrès dans le cadre des partenariats ou des conventions d'objectifs et de performance en vue de développer les entreprises artisanales et commerciales.

Je suis par ailleurs étonnée de votre remarque relative au débat sur l'urbanisme commercial, puisque celui-ci a déjà eu lieu, conformément au souhait de votre président, dans le cadre du projet de loi ALUR, porté par Mme Cécile Duflot. Nous avions conduit à cette occasion un travail étroit avec les parlementaires.

Je suis également surprise que vous regrettiez que le texte n'aille pas suffisamment loin sur la question des baux, alors que, si de nombreux rapports ont été produits sur le sujet en dix ans, nous prenons, nous, des mesures visant à améliorer la situation. Les professionnels soulignent des avancées que vous ne soutenez pas : je le regrette tout en espérant vous convaincre à la faveur des débats.

Il n'est pas possible d'affirmer, monsieur Cinieri, que le texte jette le discrédit sur les auto-entrepreneurs, alors que le Gouvernement souhaite au contraire réconcilier des acteurs qui ne se parlaient plus. Le rapport de M. Grandguillaume a permis de parvenir à des solutions équilibrées.

Monsieur Benoit, je vous remercie de vos propos sur les dispositions du texte que vous jugez intéressantes. Les amendements du Gouvernement vont dans le sens que vous souhaitez en termes de simplification ou de fusion fiscale. Je partage votre préoccupation quant au rôle essentiel des buralistes en termes de proximité dans les territoires. C'est pourquoi, en vue d'accompagner la mutation profonde à laquelle ils sont confrontés, M. Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, et moi-même avons engagé avec eux une réflexion sur la diversification de leurs activités. Si ce texte est le fruit des travaux que j'ai menés avec l'ensemble des organisations professionnelles et des élus depuis dix-huit mois – je pense aussi au bâtiment –, je tiens à rappeler que toutes les mesures ne sont pas d'ordre législatif – il en est ainsi des mesures d'accompagnement des buralistes.

Madame Bonneton, vous avez regretté que le texte prévoie une simple limitation à 10 % du réajustement des loyers et non leur encadrement, comme c'est le cas des baux d'habitation : c'est que les baux commerciaux répondent à une autre logique, où la liberté contractuelle prévaut, même si on doit veiller au respect d'un certain équilibre en évitant toute hausse brutale des loyers. Tel est l'objet de la mesure équilibrée inscrite dans le projet de loi et à laquelle les commerçants sont sensibles. Il ne faudrait pas qu'un encadrement strict décourage les investissements dans l'immobilier commercial.

Je partage votre préoccupation relative à l'obtention d'un prêt si le locataire use de son droit de préférence en cas de vente du local commercial : la question fera l'objet d'un amendement du rapporteur.

En ce qui concerne les auto-entrepreneurs, le Gouvernement a fait le choix, je le répète, d'intégrer les propositions de M. Grandguillaume. C'est pourquoi des articles du texte initial ont disparu – cela devrait vous satisfaire, s'agissant des seuils, de l'accompagnement et du contrôle des qualifications.

Vous avez regretté que les professionnels ne puissent siéger au sein des commissions départementales et de la Commission nationale d'aménagement commercial – CDAC et CNAC. C'est qu'on ne peut être juge et partie : la France a d'ailleurs transposé la directive Services, qui prévoit que les acteurs économiques d'un secteur ne peuvent intervenir dans la délivrance d'autorisations administratives.

Madame Dubié, je vous remercie d'avoir souligné la méthode du Gouvernement tout au long de ces mois : préparer et élaborer le texte dans la concertation en vue d'agir concrètement et efficacement pour les entreprises concernées. Le débat nous permettra de revenir sur certaines dispositions qui vous tiennent particulièrement à coeur, qu'il s'agisse de l'urbanisme commercial, déjà traité dans le cadre du projet de loi ALUR, des CDAC ou des baux commerciaux. Vous avez regretté que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée : c'est qu'il a jugé que ce texte, qui a déjà vu son examen retardé à plusieurs reprises en raison d'un agenda parlementaire contraint, ne pouvait plus attendre.

Monsieur Chassaigne, vous avez raison, il convient de répondre concrètement aux difficultés des très petites entreprises qui ne disposent pas des mêmes armes que les PME ou les grandes entreprises. Elles doivent pouvoir disposer d'outils adaptés. Il en est de même des collectivités territoriales – je pense notamment aux communes les plus petites : jusqu'à présent, leurs maires n'avaient pas toujours les moyens humains ou financiers de se lancer dans les procédures de préemption, qui ne pouvaient pas être déléguées. Je partage également votre volonté d'instaurer un véritable parcours entrepreneurial simplifié, protecteur du consommateur et qui garantisse la qualité et le savoir-faire de l'artisanat français. Tels sont les objectifs du pacte pour l'artisanat. Je suis certaine que le débat nous permettra d'approfondir les points que vous avez fort justement évoqués.

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