Intervention de Bruno Tertrais

Réunion du 28 janvier 2014 à 17h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique :

M. Folliot, je diverge avec vous sur votre appréciation historique. Le général de Gaulle s'adressait clairement aux Russes lorsqu'il s'exprimait au sujet de la dissuasion nucléaire. En privé, il faisait même savoir que l'objectif de cette dernière était de pouvoir tuer 40 millions de Russes. C'était sa conception, très claire, de la notion de suffisance. Je vous remercie d'avoir rappelé le lien qui existe entre notre organisation constitutionnelle et la dissuasion. Nos institutions ont en effet été en partie façonnées par l'arme nucléaire et une des raisons du choix par le général de Gaulle de l'élection au suffrage universel direct du Président de la République était d'assurer la crédibilité de notre dissuasion. S'agissant de la défense antimissile, je dirai qu'il s'agit d'une question d'efficience et je trouve que celle-ci coûte assez cher pour une efficacité toujours limitée. Pour ce qui concerne le format de notre dissuasion nucléaire, il s'agit in fine de décisions et de jugements politiques, qui relèvent en dernier ressort du Président de la République, seul à même d'apprécier quels sont pour nous les dommages inacceptables. Quand on parle de réduction du format, j'estime que le diable est toujours dans les détails. En effet, je crois que nous nous trouvons au pire moment pour abandonner la composante aéroportée, qui « ne nous coûte pas cher et nous rapporte gros ». Dans deux, trois ans, nous disposerons d'une composante nucléaire aérienne totalement duale ; les exemples récents de nos opérations en Libye et au Mali montrent que la composante aérienne nucléaire peut également assurer sans contrainte des missions de type conventionnel. Le commandant des forces aériennes stratégiques vous confirmera certainement que l'entraînement aux missions nucléaires permet d'assurer dans les meilleures conditions des missions de longue durée, dans l'espace sub-saharien par exemple.

C'est une bonne chose de débattre de la dissuasion nucléaire mais il est essentiel d'examiner avec soin tous les arguments et surtout d'apprécier ce qu'elle nous rapporte au regard de ce qu'elle nous coûte.

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