Intervention de Bruno Tertrais

Réunion du 28 janvier 2014 à 17h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique :

Concernant la défense antimissile balistique, il y a toute une gradation envisageable entre un système de théâtre et une couverture stratégique au sens propre. D'ailleurs, si l'on considère que notre territoire métropolitain a vocation à être couvert par le système de défense antimissile de l'OTAN alors que ce n'est pas le cas de nos territoires ultramarins – sur lesquels il est vrai la menace balistique est limitée ! – il faut admettre que l'on fait d'ores et déjà une différence entre différentes zones du territoire. En outre, ce qui peut être vu comme tactique par les uns peut être considéré comme stratégique par les autres : par exemple, que des roquettes rudimentaires puissent être tirées de Gaza sur Sdérot peut être vu par les Israéliens comme un enjeu « stratégique » tant sont inacceptables les pertes civiles que cela peut causer, alors que ce sont des moyens « tactiques ».

Concernant Abou Dhabi, l'accord qui lie la France aux Émirats arabes unis est le seul véritable accord d'engagement de défense matérialisé par une présence permanente que nous ayons conclu avec un État qui n'est pas membre de l'OTAN. Même si l'accord n'a été assorti d'aucune déclaration de garantie nucléaire, il n'est peut-être pas anodin, en termes d'effet dissuasif, que l'État qui s'engage ainsi à en défendre un autre soit une puissance nucléaire… La crise syrienne a d'ailleurs modifié la perception des élites des pays du Golfe en la matière : elle a montré la différence entre des États-Unis parfois vacillants, et une France prête à s'engager avec une parole présidentielle a du poids.

Pour ce qui est de la permanence à la mer, je suis sceptique quant à l'idée que l'on pourrait mettre en sommeil notre outil de dissuasion. Une dissuasion « en pointillés » risquerait à mon avis de perdre sa crédibilité du point de vue technique, comme du point de vue humain – tant il est vrai qu'elle n'est crédible que si nos hommes sont parfaitement entraînés et motivés. Je crois que l'efficacité de notre outil de dissuasion tient précisément à sa permanence. Mais le débat est légitime : la question a été beaucoup discutée au Royaume-Uni, et il n'est pas mauvais que le débat ait lieu en France également.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion