Il y a évidemment une limite à démontrer l'efficacité de notre dissuasion, surtout si l'on parle de l'avenir.
Mais si l'on regarde sur les presque soixante-dix années écoulées depuis Hiroshima et Nagasaki, nous disposons d'une base de données solide. À mon sens, il est très difficile d'expliquer l'absence de conflit majeur entre grandes puissances au cours de cette période si l'on ne prend pas en compte la dissuasion nucléaire. Il n'y a pas eu non plus de conflit militaire direct entre États nucléaires au cours de ces années. Si on regarde l'Asie du sud, on constate par exemple qu'il n'y a pas eu de conflit militaire majeur entre l'Inde et le Pakistan depuis 1998.
La démonstration de la crédibilité de l'outil nucléaire est donc possible à travers l'histoire. Cette démonstration n'est pas purement mathématique, mais d'un point de vue statistique, on peut dire que l'arme nucléaire limite le risque de grave conflit militaire interétatique, notamment lorsque les deux protagonistes en sont dotés. Mais naturellement, il s'agit de politique et nous n'aurons jamais de certitude à 100 %.
Je n'aime pas l'expression « du fort au faible » car l'éventualité de l'usage de l'arme nucléaire se situerait forcément en cas de situation extrême. Cela signifierait que le « faible » a commis un acte irréparable, d'une telle violence que l'on envisage d'utiliser notre arme nucléaire. Je préfère que l'on parle plutôt d'asymétrie. Ce qui est en jeu, ce n'est pas la taille du pays mais bien le type d'agression qu'il est capable de commettre.