Intervention de Philippe Noguès

Réunion du 29 janvier 2014 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Noguès, rapporteur pour avis :

Les chiffres sont connus, mais il n'est pas inutile de les rappeler : la France a consacré, en 2012, 0,45 % de son revenu national brut (RNB) à l'aide publique au développement, c'est-à-dire que la France se situait, à cette date, au deuxième rang des membres du G7 en matière d'effort rapporté à sa richesse nationale, immédiatement après le Royaume-Uni. Sur la période 2013-2014, l'effort français d'aide publique au développement (APD) s'inscrirait sur une trajectoire légèrement ascendante, représentant 0,47 % du RNB en 2013 et 0,48 % du RNB en 2014.

Si l'on prend maintenant des données en volume, on constate que la France demeure parmi les grands contributeurs mondiaux : avec 9,4 milliards d'euros d'APD nette, la France constituait en 2012 le quatrième contributeur mondial en volume, après les États-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, l'effort mérite d'être noté. Toutefois, nous n'avons pas encore atteint les 0,7 % d'APD par rapport au RNB, objectif pourtant fixé par la plupart des instances internationales – notamment l'OCDE, l'ONU et l'Union européenne – et auquel la France adhère. Il faut d'ailleurs, à ce titre, regretter l'absence de toute disposition budgétaire dans le texte. Je note toutefois que le Président de la République a pris l'engagement, en conclusion des Assises du développement, de renouer avec cet objectif de 0,7 % dès que notre pays aura retrouvé des marges de manoeuvre budgétaires.

Le Gouvernement a pris l'initiative d'organiser, entre les mois de novembre 2012 et mars 2013, des Assises du développement et de la solidarité internationale.

Ces assises ont constitué un moment important de réflexion collective aboutissant à une redéfinition des objectifs, des priorités et des moyens. Elles ont réuni l'ensemble des acteurs de la coopération – État, collectivités territoriales, parlementaires, organisations non gouvernementales (ONG), syndicats, entreprises, fondations, organismes de recherche – dans un dialogue d'une ampleur inédite depuis 1997.

Les travaux ont porté sur cinq thèmes : la vision du développement post-2015, la transparence et l'efficacité de l'aide, la cohérence des politiques publiques en faveur du développement, les partenariats avec les acteurs non-gouvernementaux, la recherche et les innovations technologiques et sociales en faveur du développement. Ces thèmes constituent précisément le socle de la nouvelle vision de la politique française de développement que le présent projet de loi entend porter.

Ces Assises ont été suivies d'une réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), qui s'est tenue le 31 juillet 2013. Le Gouvernement y a formalisé ses premières décisions, notamment en matière de priorités géographiques de la politique de développement et de solidarité internationale de la France.

En d'autres termes, le texte que nous nous apprêtons à examiner est l'aboutissement d'un travail de concertation de quinze mois. Conformément à l'engagement pris par le Président de la République le 31 mars 2013, lors de la clôture des Assises, le présent projet de loi est appelé à devenir la première loi de programmation de la politique de développement et de solidarité internationale de l'histoire de la Ve République. C'est d'ailleurs là l'un des principaux intérêts du texte : nous passons d'une politique de coopération, monopole de l'exécutif, à une politique de développement et de solidarité placée sous le contrôle relatif du Parlement. Le cadre commun est désormais défini par la loi : j'y vois l'amorce de ce changement profond de conception dont notre pays avait besoin.

Le titre Ier du projet de loi décrit les orientations de la politique de développement et de solidarité internationale de la France.

Les titres II, III et IV décrivent l'organisation institutionnelle de la politique de développement et de solidarité internationale, et reconnaissent l'action des acteurs centraux de cette politique que sont : le Gouvernement, qui définit et actualise régulièrement les orientations de cette politique tout en veillant à la cohérence des composantes bilatérale et multilatérale dans le cadre des priorités géographiques et sectorielles qui ont été arrêtées ; les opérateurs de l'expertise technique internationale qui, bien qu'intervenant dans des domaines très divers, doivent veiller à inscrire leur action dans le cadre commun défini par la loi ; les collectivités territoriales, dont l'action extérieure prend des formes de plus en plus diverses et dont le régime est, ici, clarifié et renforcé.

Le titre V organise quant à lui les conditions dans lesquelles le Gouvernement rendra compte plus régulièrement et plus complètement des résultats de sa politique de développement, afin de donner aux contribuables et aux parlementaires davantage d'informations pour apprécier la bonne utilisation des moyens qui y sont consacrés.

Les auditions auxquelles j'ai procédé conjointement avec notre collègue Dominique Potier, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, m'ont convaincu de sa pertinence. Ce qui, jusqu'à présent, relevait essentiellement de pratiques et de décisions plus ou moins formalisées, se trouve désormais placé dans un cadre législatif qui assurera plus de cohérence et plus de lisibilité… mais qui imposera également, tous les deux ans, au Gouvernement de se livrer à un exercice salutaire de transparence et de responsabilité devant le Parlement.

Je me félicite que l'environnement, le développement durable et la lutte contre le changement climatique aient une place de choix dans ce texte et je ne doute pas que notre commission y sera sensible. Je tiens également à souligner l'importance qui est accordée aux droits de l'homme, une dimension centrale du développement qui est fermement réaffirmée.

Il m'est néanmoins apparu que ce projet pouvait être amendé et amélioré sur certains points. Je vous proposerai ainsi de le compléter par des amendements portant sur trois grands axes.

En premier lieu, la responsabilité sociale et environnementale (RSE) – un thème qui m'est cher, puisque je préside le groupe d'études de notre Assemblée sur la RSE et que je suis membre de la plateforme nationale d'actions globales pour la RSE. Tout en reconnaissant l'importance de la responsabilité sociale et environnementale, le projet de loi ne précise pas les modalités de participation des entreprises à la politique de développement et de solidarité internationale. Je vous proposerai donc de préciser cette question, notamment sous l'angle de la responsabilité sociale des maisons-mères vis-à-vis de leurs filiales à l'étranger, en complémentarité des travaux de la Commission des affaires économiques également saisie pour avis. Plus généralement, je vous proposerai de reconnaître que les entreprises s'imposent comme des acteurs cruciaux du développement.

Ensuite, il me semble important de valoriser le rôle des syndicats comme acteurs du développement.

En troisième lieu, plusieurs amendements viendront au soutien de l'idée selon laquelle les questions fiscales constituent une dimension centrale du développement.

Le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis comporte un certain nombre d'avancées, qui tiennent moins à l'introduction dans notre droit de concepts ou d'instruments totalement nouveaux qu'au souci de donner à l'ensemble des acteurs un cadre de référence stable et cohérent. Il me semble que le projet de loi répond bien à cet objectif et, sous le bénéfice de quelques modifications, je vous inviterai donc à l'adopter.

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