Intervention de Geneviève Gaillard

Réunion du 29 janvier 2014 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gaillard :

L'aide au développement et la solidarité internationale représentent des enjeux de taille, qui se résument en un impératif majeur : adopter un regard différent sur le développement économique.

Les Européens sont de moins en moins influents dans les grandes négociations internationales, non seulement parce qu'ils sont moins compétitifs, mais également parce qu'un certain nombre de pays ont bien compris que, contrairement à eux, nous n'avions pas de ressources naturelles et qu'ils disposaient de la plus grande part de ces ressources et de la biodiversité. Ces pays estiment que, si nous insistons tant sur l'économie des ressources, c'est parce que nous n'en avons pas. Si nous souhaitons l'adoption de nouveaux concepts comme le développement durable, l'économie verte ou le changement des modes de production et de consommation – voire la responsabilité sociale et environnementale des entreprises – ou si nous poussons au développement du commerce équitable, ce serait pour essayer de prendre le contrôle de leurs propres ressources ou pour écrêter leur compétitivité.

Dans ce contexte, la probabilité de voir apparaître des conflits face à ces nouveaux enjeux est très forte. Le risque est encore accru du fait du changement climatique, paradoxalement lié au développement économique et industriel irraisonné que les pays du nord n'ont cessé d'alimenter.

Les changements climatiques constituent une menace à long terme, susceptible de compromettre les efforts et les objectifs en matière de développement international. Continuer à faire du développement « comme avant » pourrait bien contribuer à la fragilité climatique, si le développement n'intègre pas et n'anticipe pas les bouleversements écologiques et les risques naturels. L'adaptation climatique devrait être intégrée dans les stratégies de développement courantes.

Comme le soulignent tous les rapports publiés dans ce domaine, les effets du réchauffement climatique se font d'ores et déjà sentir, avec des gagnants – par exemple, les pays qui se préparent à accéder aux ressources libérées par le recul de la banquise – et aussi des perdants. Or cette situation ne peut qu'exacerber les égoïsmes : pourquoi les premiers feraient-ils le moindre effort pour limiter leurs émissions ? Comment convaincre les seconds de continuer à coopérer, plutôt, par exemple, que de tenter l'expérience à haut risque de la géo-ingénierie ?

La France, sur la scène internationale, est un bailleur de fonds majeur qui aide les pays en développement à réduire leurs émissions et à s'adapter aux impacts du changement climatique.

Ne pensez-vous pas, chers collègues, que la seule issue possible est de garantir que les coûts du changement climatique – qu'il s'agisse d'atténuation, d'adaptation ou de compensation des dégâts – seront portés équitablement par l'ensemble de la communauté internationale et qu'ils entreront dans les programmes d'aide au développement ?

Sans changement de cap, le risque de conflits majeurs augmentera, sur fond de rivalités internationales pour capter les ressources disponibles. La rareté affectera peut-être tout d'abord l'énergie, mais la liste des ressources minérales rares et non renouvelables s'allonge de jour en jour.

Par ailleurs, la croissance démographique, dont l'ampleur pourrait également déclencher un conflit, n'est toujours pas prise en compte dans les négociations internationales – c'est d'ailleurs un sujet sur lequel aucun consensus ne prévaut au sein même de l'Union européenne.

Pour réduire le risque potentiel de conflit, il faut donc rechercher de nouveaux modes de production et de consommation, qui permettront de produire des quantités plus importantes qu'aujourd'hui avec des ressources beaucoup plus rares. Il faut aussi permettre à une fraction de plus en plus grande de la population mondiale de sortir de la pauvreté et d'amorcer la transition démographique.

C'est le propre d'une aide au développement éclairée et d'une solidarité internationale. C'est également l'objet du texte que nous examinons aujourd'hui. Je me félicite du rappel des enjeux environnementaux comme un aspect déterminant de la géopolitique et de l'économie mondiale. Mais les paramètres environnementaux, s'ils jouissent d'une reconnaissance symbolique, ne me semblent pas suffisamment soulignés et intégrés dans leur dimension pratique et concrète. J'aurai donc l'occasion de soumettre, en séance publique, un certain nombre d'amendements en ce sens.

Si la portée normative du projet de loi apparaît limitée, comme l'a indiqué le rapporteur, il peut néanmoins nous permettre de repositionner nos priorités et de contribuer ainsi à la réduction des risques de conflit.

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