Certaines interrogations subsistent quant au respect des droits et des libertés. J'exprimerai donc certaines convictions qui me conduisent à soutenir cet indispensable projet de loi.
La première est que la mise en oeuvre d'un cadre légal ne peut, par principe, être plus attentatoire à notre État de droit et à notre démocratie que l'absence ou l'insuffisance de règles autour d'une pratique existante, car ce vide est générateur de dérives et d'abus et il fait peser une instabilité et une fragilité juridiques sur les procédures engagées. En définissant strictement les conditions du recours aux techniques de géolocalisation, qui ne repose actuellement sur aucun fondement clair, ce projet de loi ne fait pas reculer le droit à la vie privée ; il apporte, au contraire, les garanties nécessaires au respect des libertés individuelles.
Ma deuxième conviction est que notre devoir de législateur nous oblige à bâtir des lois aussi adaptées que possible aux réalités de notre temps. Force est de constater qu'en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité, il nous faut sans cesse mettre notre droit en conformité avec des méthodes de plus en plus sophistiquées. Ce projet de loi y concourt. C'est donc un texte de cohérence, de complément, dont la vocation première est de donner aux forces de l'ordre les moyens de mieux protéger les Français, dans la droite ligne de toutes les lois que nous avons adoptées depuis le début de la législature dans le domaine de la sécurité.
Je ne doute pas que nous saurons conforter le juste équilibre entre l'indispensable protection des droits de nos concitoyens et le nécessaire approfondissement des moyens d'investigation à disposition des autorités, à partir de la version améliorée par le Sénat et sur laquelle le groupe SRC propose deux amendements similaires à ceux du rapporteur.
Il faut en effet revenir à la version initiale proposée par le Gouvernement, ainsi que le font apparaître les nombreuses auditions réalisées et la convergence des interventions d'acteurs issus d'horizons divers : mieux vaut fixer le délai à quinze jours plutôt qu'à huit et prendre en compte les délits sanctionnés par trois ans de prison plutôt que se limiter à ceux qui font encourir une peine de cinq ans.
Sans esprit de polémique et sans faire de « jurisprudence-fiction », monsieur Larrivé, je regrette moins les arrêts de la Cour de cassation que la position de votre groupe sur le projet de réforme constitutionnelle relatif à l'indépendance judiciaire : si nous avions pu faire adopter cette réforme, il n'y aurait probablement pas eu matière à ce que la Cour de cassation prenne la décision qu'elle a prise.
Alain Tourret. Je m'interroge sur le contenu de ce texte et ai été séduit par l'argumentation d'Axelle Lemaire. Il faut trouver un équilibre entre les besoins des forces de police et de gendarmerie et la protection des droits et libertés individuels. Or, je crains que chaque fois qu'il y a des techniques nouvelles, on ne les utilise au détriment de ces derniers et de la vie privée.
Je souhaite que le fragile équilibre trouvé au Sénat soit préservé. L'utilisation de techniques telles que la géolocalisation doit être limitée à tout ce qui concerne la criminalité. J'ai du mal à comprendre qu'on y recoure pour des vols simples.
Nous avons un bloc de protection assurée par la chambre criminelle de la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l'homme ; nous ferions bien de nous en inspirer et ne pas encourir des risques d'inconstitutionnalité. Ce débat rejoint celui que nous avons eu sur la garde à vue la semaine dernière. Je ne suis pas sûr que même pour les délits commis en bande organisée, nous évitions de tels risques, selon les entretiens que j'ai eus avec la Chancellerie. Je vous appelle donc à faire le maximum pour respecter les libertés individuelles et la vie privée et ne pas faire droit systématiquement aux revendications des forces de police et de gendarmerie.