Dans le cadre de mes fonctions au CESE, j'ai en effet rédigé en 2012, avec Maryse Dumas, un rapport qui dresse le bilan de l'application des dispositifs promouvant l'égalité professionnelle entre femmes et hommes et aborde dans ce cadre l'accès à la formation professionnelle. Je suis par ailleurs chargée, au sein de l'ANDRH, de la commission emploi, compétences et formation, récemment réactivée. Enfin, ancienne directrice des affaires sociales du groupe Onet, j'ai conduit les négociations sur la formation professionnelle pour la branche propreté, dont les salariés sont majoritairement des femmes travaillant à temps partiel.
Au fil des études, et notamment à la lumière du rapport du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) sur la formation professionnelle, on constate des disparités d'accès à la formation. Ce sont elles, d'ailleurs, qui ont motivé la négociation de l'ANI et sa transcription dans la loi. Or les victimes de ces inégalités sont les salariés les moins qualifiés – particulièrement les ouvriers –, les salariés des plus petites entreprises et les femmes.
Si les hommes et les femmes accèdent globalement à la formation continue dans des proportions assez semblables – en 2009, 45 % des hommes et 43 % des femmes –, l'écart se creuse d'autant plus que la catégorie socioprofessionnelle est moins élevée. Ainsi, alors que, chez les cadres, 62 % d'hommes se forment contre 57 % de femmes, l'écart atteint 9 points parmi les ouvriers. En outre, il se creuse nettement lorsqu'une qualification ou un diplôme est en jeu, puisque les hommes déclarent que 21 % des formations qu'ils ont suivies visaient cet objectif, contre 13 % pour les femmes.
Par ailleurs, comme le souligne l'étude menée par Françoise Milewski au nom de la section du travail et de l'emploi du CESE, les salariés travaillant à temps partiel, très majoritairement des femmes, sont moins nombreux à se former – 37 % – que les salariés à temps complet – 45 %.
De plus, le fait d'avoir des enfants de moins de six ans freine considérablement l'accès à la formation des femmes, alors qu'il ne l'affecte quasiment pas chez les hommes.
Enfin, les salariés des plus petites entreprises ont, eux aussi, davantage de difficultés à se former.
L'étude du CEREQ montre également que l'espérance annuelle de formation est moins élevée chez les femmes que chez les hommes, surtout parmi les catégories socioprofessionnelles les moins qualifiées.
De ce point de vue, quels leviers l'ANI et le projet de loi permettent-ils de mobiliser ? Il convient tout d'abord d'être particulièrement attentif à l'utilisation du compte personnel de formation, qui peut être très intéressante à condition d'être suffisamment accompagnée. Car il est très difficile d'inciter des personnels non qualifiés à se former. Les femmes, en particulier, pourront accumuler des heures de formation, mais pour en faire quoi ? Il faudra donc mener des actions incitatives soutenues, surtout au niveau des branches professionnelles où les femmes sont majoritaires et travaillent essentiellement à temps partiel – propreté, commerce de détail, etc.
Il faudra également articuler les nouvelles dispositions aux accords sur l'égalité professionnelle, lesquels devront systématiquement inclure un volet sur la formation professionnelle, en particulier lorsqu'elle est qualifiante, voire diplômante, puisque c'est notamment là que le bât blesse. Les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) seront en première ligne car les branches ont un rôle essentiel à jouer dans ce domaine, même compte tenu de la réforme et de la réduction des financements.
L'entretien professionnel, que le texte systématise tous les deux ans ainsi qu'à l'issue d'un congé de maternité ou d'un congé parental, devra également insister sur cet aspect. Mais il est difficile à mettre en oeuvre dans certains secteurs. Il faudrait que, à tout le moins, les femmes – car ce sont elles qui prennent le plus souvent un congé parental, même si le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes doit inciter les hommes à y recourir davantage – restent en contact avec l'entreprise et ses actions de formation lorsqu'elles interrompent leur activité, afin de se mettre à jour plus facilement à leur retour. Car ce sont ces interruptions de leur parcours professionnel qui limitent ou ralentissent leur progression et leur accès aux postes les plus qualifiés.
N'oublions pas le cas des femmes seniors qui ont arrêté de travailler, parfois très longtemps, le plus souvent pour s'occuper de leurs enfants. J'en ai rencontré beaucoup lorsque j'étais, il y a peu encore, responsable de l'antenne marseillaise de l'association Force Femmes, qui favorise le retour à l'emploi des femmes de plus de 45 ans. Il convient de passer le relais à Pôle Emploi ainsi qu'au Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) afin d'abonder le compte personnel de formation de ces femmes, particulièrement touchées par le chômage et qui ont besoin de se former pour retrouver un emploi. Si j'ai créé, en partenariat avec Orange, des ateliers de remise à niveau en bureautique et numérique, c'est parce que Pôle Emploi ne proposait pas assez rapidement à ces femmes les formations requises pour postuler à des emplois à pourvoir immédiatement.
Il faut également inciter les employeurs à abonder le CPF, en lien avec les accords qu'ils concluent sur l'égalité professionnelle. Pourquoi ne le créditeraient-ils pas systématiquement de quelques heures après chaque congé de maternité ou congé parental ?
Il serait également intéressant de développer la formation à distance – elle aussi évoquée dans l'ANI – en recourant à un tutorat, afin d'éviter une coupure trop brutale aux femmes en congé parental, par exemple lorsqu'un nouveau logiciel de gestion est adopté par l'entreprise en leur absence.