Intervention de Jean-René Marsac

Réunion du 29 janvier 2014 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-René Marsac, rapporteur :

L'Entente qui nous est soumise a été signée le 8 décembre 2011. L'examen de ce projet de loi s'inscrit dans la suite du rapport de la mission d'information sur la francophonie, dont j'étais membre. L'Office franco-québécois pour la jeunesse est en effet un outil précieux de notre coopération avec le Québec mais aussi du développement de cette coopération dans le cadre de la francophonie. Nous avions d'ailleurs eu l'occasion de rencontrer le directeur de la section québécoise de l'Office, M. Alfred Pilon, lors du déplacement de la mission au Québec en août dernier, qui est très actif pour développer les activités de la section.

L'OFQJ a été créé par le Protocole du 9 février 1968, renouvelé le 23 mai 2003, soit seulement quelques années après la création à Paris en 1961 de la Maison du Québec, qui deviendra quelques années plus tard la Délégation générale du Québec, et au début donc de ce qu'il est convenu d'appeler la « relation directe et privilégiée » que nous entretenons avec la Province. Sa création fait suite à celle d'un organisme de même nature avec l'Allemagne : l'Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), fondé le 5 juillet 1963.

Cette relation franco-québécoise connaît un nouveau souffle avec le développement de la mobilité des jeunes, notamment le nombre croissant de Français partant étudier ou vivre au Québec, où il existe de nombreuses opportunités et un chômage plus faible que chez nous. 3 500 Français s'installent chaque année au Québec, 15 000 viennent soit y étudier, y faire un stage ou y travailler de façon temporaire. La relation économique franco-québécoise est très dynamique : la France y est le 2ème investisseur étranger au Québec et les entreprises françaises établies sur place, essentiellement des PME, emploient environ 30 000 salariés au sein de leurs 350 filiales. Plus de 140 entreprises québécoises sont établies en France, employant environ 11 000 personnes.

L'OFQJ joue un rôle dans cette dynamique. Organisme bi-gouvernemental, il est implanté en France et au Québec. Avec un budget d'environ 6 millions d'euros par an, il contribue au rapprochement des jeunesses française et québécoise par la mise en oeuvre de programmes de mobilité axés sur le développement et le perfectionnement professionnels, dans les secteurs économique, culturel, académique et social. Il conseille et soutient chaque année quelques 4 000 jeunes adultes de 18 à 35 ans dans leur projet de mobilité professionnelle outre-Atlantique. En tout, 20 000 jeunes sont informés et orientés par l'Office.

L'Office propose des stages (individuels ou en groupes) dont la caractéristique commune est de lier le séjour dans l'autre communauté à une formation qualifiante, à l'acquisition d'une compétence professionnelle, à l'accès à un emploi ou à la création d'entreprise. Il intervient au niveau de la préparation des projets, de leur réalisation (cofinancement et partenariat) et de leur évaluation. Trois axes stratégiques sont prioritairement encouragés :

– accroître l'employabilité des étudiants et des jeunes adultes par la réalisation de stages en milieu professionnel ;

– développer les réseaux de partenaires, les échanges d'expertises et de savoir-faire ;

– sensibiliser aux valeurs entrepreneuriales et favoriser l'internationalisation des TPE et PME.

Par ailleurs, la francophonie est une des priorités en développement important. Je donnerai quelques exemples. Chaque année, ce sont environ 25 jeunes francophones qui participent à des projets culturels développés par l'OFQJ, en France ou au Québec, y compris des jeunes de pays tiers ; ainsi au Festival TransAmériques de Montréal ou au Festival Off-courts de Trouville. 5 jeunes Français se sont rendus en 2013 à un séminaire de formation destiné à des artistes engagés de la scène urbaine organisé à Douala par le Centre de développement pour l'exercice de la citoyenneté (CDEC) réunissant aussi 4 Québécois et 10 Camerounais. En outre, de plus en plus de projets sont conduits par deux francophones de pays différents en direction d'un troisième. Par exemple, entre avril 2012 et août 2013, un appui a été apporté à plus de 4500 jeunes Québécois pour aller dans d'autres pays de la francophonie : la moitié en France, 20 % en Wallonie-Bruxelles et 16 % dans les autres pays francophones (la première destination choisie est le Sénégal).

Une initiative récente très intéressante mérite également d'être mentionnée : le programme Tandem, mis en place avec le ministère des Affaires étrangères. Expérimenté en 2012, il est conçu comme un dispositif de placement de stagiaires et volontaires français et québécois en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ces candidats ont été dans un premier temps accueilli dans les Alliances françaises. 13 missions ont eu lieu en 2012, l'objectif étant la consolidation mais aussi l'extension à d'autres territoires.

Par ailleurs, l'OFQJ apporte son appui à des évènements internationaux. Tout d'abord, en partenariat avec l'Organisation internationale de la francophonie et le ministère des Affaires étrangères, l'OFQJ France a permis à 100 jeunes de participer au premier Forum de la langue française qui s'est tenu à Québec en 2012, dont 39 francophones de pays tiers. Une délégation jeunesse internationale a été constituée pour participer au Forum mondial des femmes francophones qui s'est tenu le 21 mars 2013 à Paris : la délégation québécoise était composée de 14 Québécoises, de 2 journalistes et de 4 Africaines recrutées en collaboration avec l'Union africaine, et la délégation OFQJ France regroupait 10 Françaises et dix ressortissantes d'autres pays de la Francophonie. Ensuite, des délégations franco-québécoises sont de plus en plus souvent présentes dans des rendez-vous économiques ou des formations en entreprenariat, en cohérence avec ses missions en direction des jeunes professionnels. C'était le cas par exemple à Africallia à Ouagadougou (17 entreprises françaises).

Sur le plan de la gouvernance, l'Office est administré par un Conseil d'administration composé de huit membres français et de huit membres québécois, coprésidé par le ministre québécois des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur et par le ministre français chargé de la jeunesse. Il se réunit une fois par an, alternativement en France et au Québec. Chaque section est autonome et dirigée par un secrétaire général animant une équipe pluridisciplinaire d'une vingtaine de professionnels. Les deux sections fonctionnent avec une grande souplesse, y compris dans la définition des programmes et les modalités d'intervention.

La section québécoise de l'Office franco-québécois pour la jeunesse est désormais intégrée à un ensemble plus large : LOGIQ, Les Offices jeunesse internationaux du Québec, guichet unique de la mobilité internationale jeunesse du Québec. LOGIQ regroupe, outre la section québécoise de l'OFQJ, l'Office Québec Wallonie Bruxelles pour la jeunesse (OQWBJ), l'Office Québec-Amériques pour la jeunesse (OQAJ) et l'Office Québec-Monde pour la jeunesse (OQMJ) créé tout récemment, en 2009. Ce regroupement traduit, outre la volonté d'une rationalisation, une dynamique d'ouverture vers l'international.

C'est cette évolution qui a conduit à réfléchir à l'actualisation du Protocole de 2003, tant s'agissant des missions (actions en pays tiers notamment), que de l'affirmation de l'autonomie des deux sections.

Mais avant de présenter le contenu de l'Entente, je souhaite dire quelques mots des activités de la section française, auxquelles je consacre une section du rapport. Cette section s'est attachée, d'une part, à renouveler ses conventions avec les collectivités territoriales pour assurer un maillage efficient du territoire et, d'autre part, une attention particulière a été portée à la consolidation de l'efficacité des programmes proposés et à la modernisation de son centre de ressources. Les ateliers de préparation au départ organisés par ce dernier depuis octobre 2012 rencontrent ainsi un franc succès. Une plateforme d'information, de formation et de structuration du réseau d'anciens a également été mise sur pied. Le développement des activités de l'Office se double d'une réflexion sur la valorisation de l'expérience acquise par les jeunes professionnels. Un certificat de mobilité OFQJ leur est remis.

En 2012, 2530 participants ont bénéficié du soutien de l'OFQJ France, confirmant la progression de l'activité côté français et l'attractivité du Québec : 611 participants pour des emplois temporaires au Québec (Permis vacances travail, Jeune professionnel et Mobilité des Jeunes travailleurs), 703 dans la coopération professionnelle et culturelle, 739 dans les programmes de mobilité des étudiants et apprentis, 324 dans ceux de formation et emploi et 107 dans l'export. Si l'on analyse les effectifs par programme, la répartition aura été la suivante : 1634 pour des stages professionnels et emplois, 688 pour des rencontres professionnelles et des réseaux, 98 pour des études et formations de courte durée, 83 pour des prestations et productions artistiques, 14 pour des missions commerciales et 1 pour un projet d'insertion. Cette répartition actuelle se traduit par une diminution de la proportion d'étudiants (45 % en 2012 contre 63 % en 2010) au profit des demandeurs d'emplois (21 %, 936 personnes) et des jeunes actifs (32 %). Par ailleurs, 55 % des jeunes disposent d'un BAC +3.

En sus des programmes, toujours en 2012, 745 jeunes adultes ont été accueillis individuellement au Centre ressources dans le cadre de leur recherche de stage ou en réponse à des demandes de conseils pour leur projet ou de contacts pour une mise en réseau professionnelle. Si l'on ajoute les 2530 participants et les 4685 candidats accompagnés par courriels ou téléphone et non-inscrits, l'OFQJ France a accompagné au total 7972 jeunes en 2012.

Pour répondre à la demande de plus en plus forte et conforter son rôle d'instrument d'insertion ou de réinsertion professionnelle, la section française poursuit une politique de conventionnement avec les collectivités territoriales pourvoyeuses de financements. Après les conventions conclues avec plusieurs régions notamment, le 17 décembre dernier, une convention-cadre pour favoriser la mobilité des jeunes a été signée avec l'ARF, l'AMGVF et l'ADF.

S'agissant des demandeurs d'emplois, les stages de perfectionnement en entreprise au Québec connaissent un succès croissant et le programme de « déstabilisation positive » offrant une première mobilité professionnelle à des jeunes très éloignés de l'emploi (un petit groupe de 5 jeunes en stage) et offre un parcours de resocialisation. On peut citer le stage de quatre semaines proposé par la mission locale du Blanc Mesnil avec l'appui financier la Région et dont la gestion a été assurée par l'OFQJ (accompagnement sur place pendant 10 jours compris). 150 jeunes ont participé à ce programme en 2012. Au total 296 jeunes demandeurs d'emplois ont effectué un stage au Québec en 2012, ainsi que 29 volontaires en mission de Service civique. Je soulignerai que l'OFAJ s'est inspiré du programme « Emploi et insertion professionnelle » pour son programme « Praxes » lancé en janvier 2013. Un transfert d'expertise a aussi été apporté à l'Office franco-asiatique pour la jeunesse.

Sur un plan budgétaire, L'OFQJ, section française, bénéficie d'un budget de 2,5 millions d'euros, alimenté notamment par la contribution de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (2 millions d'euros environ). Il emploie quarante-trois personnes : vingt-trois à la section québécoise, vingt à la section française. Au cours des dix dernières années, le nombre de participants a doublé, augmentant le pourcentage de leur participation dans les recettes, de même que la part des dépenses affectée aux programmes.

J'en viens à l'Entente qui a pour double objet d'actualiser les missions de l'Office et de réformer sa gouvernance. Le titre 2 précise les missions de l'Office : il inscrit la relation bilatérale dans le cadre de la Francophonie, redéfinit les missions de l'Office en fonction des objectifs de la coopération franco-québécoise, développe l'orientation relative à l'employabilité à la capacité d'entreprendre des jeunes, et réaffirme la possibilité d'entreprendre des activités avec des pays tiers. L'expertise de l'office en matière de jeunesse est explicitement reconnue et son rôle de conseil et d'accompagnement auprès des jeunes, des collectivités territoriales et autres acteurs est encouragé.

S'agissant de la gouvernance, les principales dispositions concernent la création de conseils de sections, chacun responsable de son budget et de la mise en oeuvre des programmes, et la composition du Conseil d'administration, qui, sur les huit membres intègrera deux personnalités de moins de 35 ans et quatre de la société civile. Les administrateurs des conseils de section donnent les orientations et approuvent le budget de leur section. Le conseil d'administration conserve ses pouvoirs sur la personnalité juridique unique que constitue l'OFQJ ; il veille à la cohérence des actions des deux sections et à la mise en oeuvre d'actions conjointes. Je souligne que l'autonomie des sections a en pratique toujours existé et n'a pas empêché des orientations communes.

L'Entente prendra effet le premier jour du mois suivant la réception de la notification de son approbation par la France, étant précisé que le Sénat l'a déjà votée. Elle se substituera au protocole de 2003 en vigueur.

J'en terminerai par quelques considérations juridiques. Je veux préciser d'abord qu'une clause spéciale, dite « clause-parapluie », autorise la conclusion d'un accord avec la province du Québec dans des conditions de fond et de forme qui sont respectées par l'Entente. Ensuite, l'Entente n'aura en pratique aucun effet, notamment sur les finances publiques, et ne fait que formaliser les évolutions déjà intervenues. On peut donc s'étonner qu'elle nécessite une approbation. Le Conseil d'État a estimé (le 31 janvier 2013) que l'Entente, si elle ne produit pas en elle-même de charges, se substitue à un protocole qui produisait cet effet. Enfin, l'Entente, comme le Protocole en vigueur, prévoit seulement que l'OFQJ bénéficie d'une personnalité morale unique disposant de l'autonomie de gestion et d'administration. Il n'est pas expressément énoncé, comme c'est le cas pour l'Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), qu'il est un organisme international. En conséquence, il ne peut se prévaloir des immunités et privilèges associés, même s'il bénéficie en pratique d'une exonération fiscale. J'attire l'attention sur ce point en conclusion de mon rapport, car il serait souhaitable que le statut de cet organisme bi-gouvernemental puisse être clarifié d'une manière ou d'une autre, par exemple, s'agissant des questions fiscales, par avenant à l'Entente fiscale signée le 1er septembre 1987.

Ceci ne remet pas en cause l'opportunité de l'Entente et je vous propose donc d'adopter le projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion