Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la contrefaçon n’est certes pas un phénomène nouveau de nos sociétés, mais celle que nous connaissons aujourd’hui est bien différente de celle qui se pratiquait dans l’Antiquité. Jadis artisanale et relativement localisée, elle est devenue un phénomène industriel et planétaire, aux conséquences négatives très lourdes.
En France comme ailleurs, la contrefaçon est aujourd’hui un fléau moderne, international et en pleine expansion.
C’est d’abord un fléau économique : au niveau international, selon l’OCDE, l’impact financier mondial de la contrefaçon s’élèverait à 250 milliards de dollars, soit autour de 30 % des revenus de la criminalité organisée.
Sur le plan national, ainsi que le souligne le rapport de la commission des lois, la contrefaçon provoquerait la destruction de 38 000 emplois et représenterait 6 milliards d’euros de manque à gagner pour l’économie française chaque année. La propriété intellectuelle constitue donc un véritable enjeu de compétitivité pour nos entreprises.
C’est aussi un fléau social et sanitaire : alors qu’elle concernait principalement les produits de luxe, elle s’étend désormais à la quasi-totalité des biens de consommation. Elle peut concerner aussi bien des jouets que des appareils domestiques, des pièces détachées automobiles ou des médicaments, voire des produits alimentaires. Elle porte donc directement atteinte à la santé et à la sécurité de nos concitoyens. Nous ne saurions rester indifférents devant ces constats probants et ces chiffres éloquents.
L’adoption, à l’unanimité de cette proposition de loi au Sénat, puis au sein de notre commission des lois, atteste du caractère consensuel de ce texte.
La dernière législation relative à la lutte contre la contrefaçon est assez récente puisqu’elle date de 2007. La loi du 29 octobre de cette année-là avait ainsi permis d’entreprendre une réforme en profondeur des dispositifs de protection des droits de propriété intellectuelle et de lutte contre la contrefaçon. Ce texte fut l’occasion d’améliorer la lutte contre la contrefaçon en spécialisant davantage les juridictions compétentes, en renforçant les prérogatives des services de douanes, ou encore en aggravant les sanctions pénales. Il a également permis de mieux protéger les usagers des méfaits de la contrefaçon, que ce soit en créant un droit à l’information ou en définissant des critères d’évaluation des préjudices subis par les titulaires de droits de propriété intellectuelle.
Pourtant, sept ans plus tard, le phénomène a déjà beaucoup évolué : davantage international, il s’est amplifié. Il s’est également diversifié, ne serait-ce que par le recours croissant à internet.
Les flux internationaux de contrefaçon semblent de plus de plus en lien avec des organisations criminelles transnationales, qui trouvent dans la contrefaçon un trafic plus rentable, moins risqué et moins poursuivi par les États.
Sans rendre indispensable un bouleversement total de la législation actuelle, ces évolutions démontrent la nécessité d’améliorer et d’harmoniser les mécanismes existants en la matière.
Par le débat d’aujourd’hui, nous reprenons la navette interrompue en 2011, après l’adoption par le Sénat d’une proposition de loi qui s’inspirait des recommandations contenues dans le rapport des sénateurs Laurent Béteille et Richard Yung. Ce rapport d’information avait mis en évidence la nécessité, d’une part, d’apporter certaines précisions ou clarifications souhaitées par les professionnels et, d’autre part, d’améliorer encore la protection de la propriété intellectuelle dans notre pays. Tels sont les objectifs que poursuit cette proposition de loi, auxquels le groupe UDI ne peut que souscrire.
Le texte aborde essentiellement quatre grands domaines : la spécialisation des tribunaux, le calcul et la détermination des dommages et intérêts, le droit à l’information, le droit de la preuve ainsi que le renforcement significatif du pouvoir de la douane.
Les améliorations apportées par le texte en ce qui concerne l’indemnisation des préjudices sont à souligner. Il importe que le préjudice subi par les personnes lésées dans leur droit de propriété intellectuelle puisse être convenablement réparé. Les trois éléments servant à l’analyse du préjudice subi – conséquences économiques négatives, préjudice moral, bénéfices réalisés par le contrefacteur – devraient désormais être pris en considération « distinctement » par la juridiction.
En outre, parmi les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits des victimes de la contrefaçon, le juge devrait désormais prendre en compte la perte subie par ces dernières.
L’un des autres apports importants de ce texte concerne les nouveaux moyens juridiques qu’il tend à attribuer à l’administration des douanes, dont le rôle est absolument déterminant dans la lutte contre la contrefaçon et contre les réseaux criminels. Les moyens dont elle dispose aujourd’hui sont insuffisants pour combattre efficacement la contrefaçon qui se développe, en particulier sur l’internet. Grâce à cette proposition de loi, les douanes bénéficieront désormais d’un dispositif juridique complet.
Par ailleurs, la commission des lois de notre Assemblée a fait évoluer positivement les différentes dispositions du texte. Elle a ainsi amélioré la procédure de la saisie-contrefaçon en permettant la saisie de tout document relatif à une prétendue contrefaçon lorsqu’il s’agit de logiciels ou de bases de données. Elle a également défini un dispositif de renforcement des moyens d’action des douanes en cohérence avec le cadre européen, en modifiant notamment la définition initiale de la notion d’atteinte portée à une indication géographique.
La présente proposition de loi est donc un complément indispensable à la loi du 29 octobre 2007, et nous nous félicitons qu’elle ait été rapidement inscrite à l’ordre du jour de notre Assemblée. N’oublions pas, néanmoins, que nous devrons veiller à l’avenir à renforcer les coopérations internationales, car la contrefaçon est avant tout un phénomène mondial, et c’est à l’échelle européenne et internationale qu’il faut lutter contre ce fléau.
Chers collègues, les nombreux enjeux que recouvre le phénomène croissant de la contrefaçon ne doivent donc pas être sous-estimés. Améliorer les moyens de lutte contre la contrefaçon, c’est non seulement assurer une meilleure protection aux consommateurs, mais c’est aussi, en cette période de crise, agir en faveur de l’emploi et de la compétitivité de nos entreprises, et conforter l’attractivité juridique de notre pays dans le domaine très concurrentiel de la propriété intellectuelle. Ainsi, le groupe UDI votera naturellement en faveur de cette proposition de loi.