Intervention de Laurence Abeille

Réunion du 5 février 2014 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille :

Permettez-moi d'abord de remercier nos collègues Philippe Noguès et Danielle Auroi pour le travail qu'ils ont accompli sur ce thème de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

La proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd'hui a été adoptée à l'unanimité de la commission des affaires européennes, et l'on ne peut que s'en réjouir. Elle s'inscrit dans un contexte assez dense, marqué, d'un côté, par le projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, défendu par Pascal Canfin, sur lequel les écologistes déposeront des amendements pour renforcer la RSE et qui sera examiné en séance publique la semaine prochaine, et de l'autre côté, par la volonté de développer une « diplomatie économique » et d'éviter tout ce qui pourrait freiner le développement à l'export de nos entreprises.

Je ne pense pas que la compétitivité de nos entreprises pâtirait du fait que la France soit en première ligne sur ce sujet, puisque les règles dont nous souhaitons l'adoption ont vocation à s'appliquer à tous, outre qu'elles contribueront à la transition écologique dont nous nous sommes entretenus hier avec Nicolas Hulot.

Concernant le cinquième point de la proposition de résolution, le groupe écologiste soutient fermement les propositions de la Commission européenne, qui visent à rendre contraignantes les règles sur la transparence des entreprises. Souhaitant même aller plus loin, nous déplorons que le Conseil de l'Union européenne, sous la présidence lituanienne, ait vidé de leur sens ces propositions. Nous déplorons notamment l'introduction d'une disposition dite de safe harbor ou « règle refuge », qui permettrait à une entreprise de ne pas publier certaines informations susceptibles, selon elle, de porter préjudice à ses intérêts commerciaux. Je tiens à rappeler qu'actuellement, seules 2 500 des 42 000 grandes entreprises actives dans l'Union européenne publient des rapports sur la RSE ou la durabilité.

Le groupe écologiste soutient avec une égale fermeté le huitième point de cette proposition. Les bonnes pratiques sont trop souvent insuffisantes et il est nécessaire d'instaurer un devoir de vigilance des entreprises vis-à-vis de leurs activités, directes ou indirectes. La RSE ne peut plus se contenter d'autorégulation, de soft law et de règles non contraignantes. Il est important de disposer d'outils permettant de contrôler sur place les sous-traitants des grands groupes. Nous voyons bien que les limites de l'autorégulation sont rapidement atteintes, notamment lorsqu'est prise en compte la réalité de la chaîne d'approvisionnement. Les bonnes pratiques, le reporting et la certification sont certes essentiels mais ne suffisent pas pour permettre aux victimes d'accéder à la justice, qu'il s'agisse de violation des droits humains ou d'atteinte à l'environnement.

Les entreprises donneuses d'ordre exercent une influence souvent déterminante sur leurs sous-traitants, mais, sans lien juridique clair, il est difficile voire impossible d'engager la responsabilité des sociétés mères. L'instauration d'un « devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre » est indispensable : c'est l'objet d'une proposition de loi déposée par le groupe écologiste et par le groupe SRC à la fin de l'année dernière. La mondialisation de l'économie doit s'accompagner de la mondialisation du droit, à laquelle les multinationales essaient d'échapper depuis trente ans.

Rappelons que l'Union européenne a, depuis le Conseil européen de Lisbonne de 2000, inscrit la RSE au rang de ses priorités politiques. Il faut désormais en assurer une mise en oeuvre réelle et contraignante, et il est indispensable que ce devoir de vigilance des multinationales soit clairement acté.

C'est dans ce but que le groupe écologiste soutient fermement cette proposition de résolution européenne.

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