Intervention de Philippe Wahl

Réunion du 5 février 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Philippe Wahl, président-directeur général du groupe la Poste :

Je vous remercie de votre invitation, qui me permet de vous présenter le plan « La Poste 2020 : conquérir l'avenir ».

Pour l'élaborer, nous avons écouté toutes les parties prenantes, en passant beaucoup de temps avec les élus. Nous avons d'ailleurs signé en début d'année avec l'État et l'AMF un accord triennal tripartite relatif au contrat de présence postale territoriale.

Nous avons également écouté les organisations syndicales. Dans le dialogue stratégique et social, j'ai innové en lançant avec chacune d'elles deux cycles de travail stratégique d'une demi-journée, soit un total de douze demi-journées, au cours desquelles nous avons mis tous les chiffres en commun et étudié la situation de l'entreprise.

Enfin, nous avons recueilli l'avis des clients, sélectionnés par l'IFOP, dans des conférences citoyennes.

Nous avons travaillé autour de deux diagnostics stratégiques.

Le premier concerne la divergence de notre modèle économique historique. La chute du volume du courrier, constatée au niveau mondial, nous a fait perdre 200 millions d'euros en résultat d'exploitation. Même si notre résultat net est bon, grâce au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), il faut construire un nouveau modèle économique.

Nous avons joué la carte de la lucidité et 2013 a été une année d'inflexion. Le résultat d'exploitation a décru, ce qui nous a imposé de nous endetter pour payer notre dividende. Nous ne pourrons pas recourir à ce procédé sur le long terme, même si la situation financière de La Poste reste satisfaisante.

Le second diagnostic stratégique concerne la transformation des postes, notamment en Europe, où émergent trois modèles. Le premier, propre à l'Europe du Nord, particulièrement à l'Allemagne, est purement logistique. Il consacre la disparition des bureaux de poste et des banques. La poste allemande a remplacé ses bureaux par des corners situés dans des magasins et vendu sa banque à la Deutsche Bank. Le modèle italien est spécifique, puisque la poste italienne est en fait une compagnie d'assurance et une banque, qui réalise quelques opérations de courrier et de colis. Celles-ci représentent seulement 5 milliards sur un chiffre d'affaires de 25 milliards, celui de La Poste, en France, étant de 22 milliards. En Suisse, en Belgique, au Japon et en France, la poste réunit trois métiers : la banque et l'assurance ; la distribution, avec un réseau de bureaux de poste ; la livraison de plis à domicile.

Après réflexion, nous avons décidé de conserver ce modèle multimétiers auquel les clients, la représentation nationale et les territoires sont très attachés, à condition toutefois qu'il soit soutenable, ce qui est l'enjeu de notre plan stratégique. Par ailleurs, nous croyons aux synergies entre les métiers. Dans la lettre de mission qu'ils m'ont adressée, le ministre de l'économie et des finances, le ministre du redressement productif et le directeur général de la Caisse des dépôts, qui sont mes actionnaires, présentent l'unité postale comme un enjeu majeur, ce qui rejoint la demande des 270 000 postiers. En outre, choisir un autre modèle serait prendre un risque stratégique à l'heure où le secteur de l'assurance et de la banque est en pleine transformation.

Nous avons décidé de donner la priorité au développement pendant les sept années à venir. Le nom de notre plan stratégique « La Poste 2020 : conquérir l'avenir » n'a pas été choisi par hasard. En visant l'horizon 2020, nous montrons qu'il ne s'agit pas d'un simple plan de compte. Ce qui est en cause, c'est la transformation profonde de notre modèle. Toutes les activités postales sont désormais plongées dans le monde de la concurrence, où l'avenir appartient à ceux qui le conquièrent, car on ne peut attendre aucune garantie d'un monopole, quel qu'il soit. À mon sens, c'est le message qu'attendaient les postiers : La Poste est une entreprise en mouvement, qui joue la concurrence et ne craint pas de nommer ses problèmes pour les affronter.

La conquête de l'avenir suppose celle de nouveaux territoires.

Les facteurs sont les premiers à sentir, au poids de leur sacoche, le déclin du courrier, qui est à l'origine de leur crise d'identité et de leur mal-être. Ils peuvent néanmoins rendre des services à domicile, domaine où La Poste peut devenir leader. Nous avons engagé un grand nombre d'expériences de ce type sur le territoire, pour trouver aux facteurs de nouvelles missions et développer notre chiffre d'affaires.

Le commerce électronique se traduit par une forte augmentation du colis, dont on attend qu'il soit livré en deux jours, voire en un jour. Nous pronostiquons que, dans les métropoles, une demande très forte s'exercera pour des livraisons le jour même, que nous devons nous préparer à satisfaire.

La Banque postale, en plein développement, doit devenir à l'horizon de 2020 la banque professionnelle des petits et très petits entrepreneurs de notre pays. Ceux-ci, qui fréquentent déjà les bureaux de poste et font appel aux services des colis et du courrier, trouveront en elle une banque de proximité. De plus, nous devons apporter le numérique dans notre réseau, pour augmenter sa fréquentation. À défaut, nous serons contraints de réduire les horaires d'ouverture.

Notre méthode vise à faire converger toutes les solutions permettant de redresser notre modèle économique. La priorité est le développement. Loin de nous borner à moderniser les quatre missions de service public que vous nous avez confiées, nous estimons que nous pouvons participer à trois nouvelles missions d'intérêt public concernant la transition énergétique, le rôle de tiers de confiance numérique et l'aide à la modernisation de l'administration sur les territoires.

Nous réduirons le coût manifestement trop élevé de nos cinq sièges – un pour le groupe, un par métier. Avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), nous négocierons de nouveaux tarifs postaux. Dans le cadre du dialogue stratégique, nous avons proposé aux organisations syndicales de bâtir un pacte social qui fasse des postiers les acteurs et les bénéficiaires du changement de notre groupe. Enfin, nous redéfinirons la gouvernance de celui-ci pour créer une plus grande synergie entre les métiers.

Le calendrier est clair. Les lignes stratégiques ont été posées le 28 janvier dernier. La gouvernance de La Poste sera redéfinie fin mars. Fin juin, nous préciserons les plans de réduction de charges, les plans d'accélération du développement, la trajectoire financière ainsi que les négociations avec l'État sur les missions de service public et leurs compensations.

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