Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 25 octobre 2012 à 15h15
Commission des affaires économiques

Victorin Lurel, ministre des outre-mer :

Je remercie M. Letchimy, pour la présentation de cette mission, ainsi que l'ensemble des rapporteurs.

Je tiens également à remercier M. le président de la commission des Affaires économiques et Mme la rapporteure Ericka Bareigts pour le vote de la loi portant régulation économique outre-mer – sans oublier M. Letchimy qui intervenait au nom du groupe SRC sur ce texte. J'associe également à ces remerciements M. le président de la commission des Lois et M. Bernard Lesterlin, rapporteur pour avis de ce texte. C'est notamment grâce à eux qu'un texte de qualité a été adopté ce matin en commission mixte paritaire – et j'espère qu'il sera promulgué le plus rapidement possible. Bref, je remercie tous ceux qui ont oeuvré pour que ce texte aboutisse.

En ce qui concerne la part dédiée à l'habitat indigne, je ne peux vous indiquer un montant, mais le Gouvernement sera très vigilant. J'attends la publication du décret. L'arrêté fixant le barème de l'aide financière pose difficulté car si les plafonds sont maintenus, le dispositif ne sera pas attractif et la loi perdra de son efficacité. Nous souhaitions un plafond d'aide rehaussé à 40 000 euros pour les personnes physiques et à 20 000 euros pour les personnes exerçant une activité commerciale – au lieu, respectivement, de 25 000 et 12 500 euros actuellement. L'opération devrait coûter, me dit-on, entre 20 et 25 millions d'euros sur la base d'une tranche opérationnelle de 400 logements en 2013. Une réunion interministérielle devrait nous permettre d'obtenir une réponse le plus tôt possible : je ne désespère pas de convaincre mes collègues de Bercy sur la nécessité de relever le défi du logement dans nos régions, où plus de 100 000 habitations doivent être construits. Avant ma nomination au ministère, je me suis battu avec vous sur ces bancs pour obtenir la sanctuarisation de la LBU. Ce sont les députés de La Réunion, et je les en remercie, qui ont appelé à l'urgence de ne pas toucher à la défiscalisation du logement social, dont l'efficacité a été démontrée, comme le mentionne le rapport Doligé-Patient. La sanctuarisation de la LBU fait donc partie de nos objectifs. En réunion interministérielle hier, il a été décidé que la loi dite Duflot comporterait un dispositif outre-mer. Ainsi, le principe est acquis qu'un dispositif Duflot remplacera le Scellier outre-mer et le Scellier intermédiaire.

Le « SMA 6 000 » ne sera effectif qu'en 2015 car nous n'avons pas pu intégrer dans le budget de fonctionnement toutes les formations que nous souhaitions. En revanche, en termes d'investissement, les autorisations d'engagement, même si elles sont en diminution, permettront de financer l'ensemble des engagements contractés. En outre, nous avons inscrit de nouvelles autorisations d'engagement pour financer des opérations de modernisation des infrastructures. J'ajoute qu'un programme géré par Bercy prévoit d'affecter une somme de 3,5 millions d'euros au SMA.

S'agissant du fonds exceptionnel d'investissement (FEI), Bercy nous proposait, sur la base de l'engagement du président de la République de 500 millions sur cinq ans, rien en 2013 et une accélération en 2014. J'ai préféré, et le Premier ministre a tranché dans ce sens, l'inscription de 50 millions dans ce budget. Certes, la loi de programmation ne traduit pas encore l'ensemble de cet effort, mais nous sommes d'accord sur le volontarisme qu'il faut y imprimer.

Ce scénario démontre le retour de l'État. Souvenez-vous : face aux émeutes sociales, aux grèves insurrectionnelles, l'État est resté l'arme au pied, inerte, en raison de contraintes juridiques qui ont empêché le déclenchement d'une action publique pour lutter contre la vie chère. Je ne veux pas que cette situation se reproduise, et j'espère que la belle loi votée en commission mixte paritaire donnera à l'État les moyens de ses ambitions.

S'agissant de l'aide au fret et à la rénovation hôtelière, 9,5 millions d'euros ont été inscrits. Cette somme est, hélas, conforme au niveau de consommation des crédits, car jamais les 17 millions inscrits depuis plusieurs années n'ont pu être consommés – 6 millions le seront cette année. Nous nous sommes donc donné une marge de manoeuvre. Il faudra, j'en conviens, alléger les procédures permettant d'obtenir cette aide.

J'aurai du mal à vous répondre sur la tarification du solaire photovoltaïque. Dans ce secteur dynamique, la défiscalisation, le crédit d'impôt pour les ménages et les entreprises, la tarification du raccordement au réseau public pendant vingt ans, toutes ces mesures ont été « cassées ». Certes, il convenait de corriger les effets d'aubaine de ces mesures, mais ce coup d'arrêt a fait perdre à nos territoires des milliers d'emplois. Nous avions demandé à l'époque au ministre de l'Économie et des finances, M. Baroin, la mise en place d'une commission ad hoc, dont le rapport n'a jamais été rendu public. Avant de changer un dispositif qui a prouvé son efficacité, prenons le temps de l'évaluation.

En ce qui concerne la loi sur la régulation économique, nous avons pris des engagements pour la production locale. Je viens d'annoncer à des fédérations d'entreprises et d'entrepreneurs que la prochaine étape sera la loi de modernisation agricole. J'espère également que nous pourrons mener ensemble la réforme de l'octroi de mer, pour rendre le dispositif plus efficace et moins inflationniste.

Monsieur le député Marie-Jeanne, Christiane Taubira serait mieux à même de vous répondre sur l'accès au droit et l'aide aux victimes. C'est vrai, il y a des difficultés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte s'agissant des conseils départementaux de l'accès au droit. Il faudra y remédier. Je ne vous cache pas que les groupements d'intérêt public (GIP) fonctionnent mal, certains partenaires membres de GIP gérant les conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD) ne respectant pas toujours leurs engagements.

Il faudrait certainement s'adresser aux barreaux pour leur demander, notamment à Mayotte, pourquoi les avocats refusent l'aide juridictionnelle. C'est un vrai sujet. Je demanderai à mes services d'étudier cette question. L'absence d'avocats à Saint-Laurent-du-Maroni impose de trouver un dispositif incitatif, qu'il nous faudra sans doute élaborer en lien avec le barreau de la Guyane.

En ce qui concerne la carte judiciaire, les choses se passent plutôt bien – c'est le cas en Guadeloupe –, mais nous allons examiner le problème de l'allongement des délais qui résulte de l'absorption du tribunal d'instance du Lamentin par celui de Fort-de-France, en Martinique. Je ne vous cache pas que la révision dans la précipitation des différentes cartes – judiciaire, militaire, scolaire… –, placée sous le label « RGPP », a été une manière astucieuse de cacher le retrait de l'État ; chez moi, tout cela a été qualifié du joli nom de « développement endogène » .

Monsieur Dosière, pour la Nouvelle-Calédonie, les transferts de compétences sont opérés dans le respect des échéances, soit avant juillet 2013 – les derniers sont prévus dans la loi portant régulation économique outre-mer. Nous attendons que la Nouvelle-Calédonie demande à exercer de nouvelles compétences – je crois que c'est notamment le cas en matière d'enseignement supérieur.

Le comité des signataires abordera la question de la vie chère, à la demande de certains parlementaires et du président Harold Martin. Je serai présent en Nouvelle-Calédonie lors de sa réunion du 6 décembre, qui sera présidée par le Premier ministre.

Tous les transferts de compétences se feront, certes à marche forcée car un grand nombre d'ordonnances doivent être prises, mais les services sont très mobilisés sur ces questions.

S'agissant de la Polynésie, il faut donner à l'INSEE – qui reste compétent pour le recensement démographique et pour toutes les autres données statistiques – les moyens nécessaires pour aider l'institut statistique de la Polynésie. Lors de la discussion de la loi contre la vie chère, vous vous êtes heurtés à un défaut d'information, les comptes des entreprises n'étant pas publiés dans les outre-mer. Cette méconnaissance statistique de la réalité économique et sociale est un vrai problème, qui se pose d'ailleurs dans tous les outre-mer et qui devra être résolu. Moi-même, avant d'être ministre, j'avais passé des contrats avec l'INSEE pour avoir une meilleure connaissance des filières.

Le Premier ministre a tranché pour les élections territoriales : le premier tour aura lieu le dimanche 21 avril et le deuxième tour, le dimanche 5 mai 2013. Ces dates tiennent compte du calendrier des vacances scolaires, mais la loi organique est respectée.

Pour les besoins d'investissement en Polynésie française, nous avons débloqué 16 millions sur les 50 millions de la loi de finances initiale pour 2011. Le 29 octobre, nous rencontrerons le président Oscar Temaru et l'Assemblée pour, je l'espère, solenniser un accord de redressement. La situation économique est difficile, mais je ne veux pas montrer du doigt les responsables, même si les mesures qui ont été prises avant mon arrivée au ministère sont lourdes de conséquences. Nous avons décidé de reprendre le dialogue avec les autorités polynésiennes et de demander à l'AFD d'autoriser un nouveau prêt de 50 millions d'euros.

Je ne vous cache pas que la dotation globale pour le développement économique (DGDE), qui s'élève à 151 millions et dont la dernière tranche s'intitule « le troisième instrument » me pose problème ! L'État, en voulant gêner des élus, a créé la morosité et a été fauteur de crise. À Wallis-et-Futuna, l'électricité est six fois plus chère que dans l'Hexagone ! Il faut trouver une solution, car nous ne pouvons pas abandonner les 13 500 Français qui sont victimes de décisions politiques. Ce sera la même chose pour Saint-Martin. Il y aura un retour de l'État dans ces territoires.

Monsieur Fruteau, je partage votre avis, la défiscalisation n'est pas un cadeau, un outil d'évasion fiscale, elle est un outil de financement de l'investissement. Il faut mettre à profit cette période de transition pour évaluer le dispositif. J'espère que vos collègues de la commission des Finances le comprendront. Christian Eckert a raison : nous devons faire preuve de courage politique. Mais il nous faut aussi trouver une solution dans le sens des intérêts des territoires, où je ne veux pas voir le chômage et la déshérence augmenter davantage.

Monsieur Verchère, les textes relatifs aux évolutions institutionnelles de la Martinique et de la Guyane seront appliquées. J'ai d'ores et déjà écrit à l'ensemble des parlementaires et aux présidents des collectivités pour les informer que les municipales devraient être maintenues en 2014 et que les cantonales et les régionales devraient être repoussées en 2015, mais j'ai engagé une consultation pour connaître la position des uns et des autres.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion