Intervention de Christian Noyer

Réunion du 24 octobre 2012 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France :

Je note que les députés sont sensibles à l'avenir des BAI et que le recours aux CCAS est peut-être une fausse bonne idée.

La réorganisation ne réduira pas notre capacité d'accueil des particuliers et des entreprises dans chaque département. Je le répète : ce n'est pas nécessairement là où s'établit le contact avec le public et les autorités administratives que l'on traite le fond des dossiers. À certains égards, la réorganisation améliorera même le service. Aujourd'hui, quand une personne se rend à la Banque pour connaître l'avancement de son dossier, il faut un certain temps pour le sortir. Il arrive même qu'il ne soit pas disponible. En revanche, la succursale départementale pourra consulter à tout moment le dossier informatisé, même s'il est traité ailleurs. Elle pourra indiquer où en est la procédure et quels éléments peuvent éventuellement y manquer.

Nous avons été pragmatiques lors de la création des BAI accueillis tantôt par les administrations sociales, tantôt par les sous-préfectures, tantôt par des installations professionnelles privées comme les maisons de service public. Nous continuerons à travailler ainsi. Notre but est non de supprimer les contacts avec le public mais de démultiplier les capacités tout en assurant une meilleure information. Dès lors, les gens se sentiront mieux accueillis, orientés et accompagnés, ce qui ne peut être que bénéfique.

M. Fauré m'a interrogé sur les prêts toxiques. La Banque n'exerçait pas de devoir de surveillance avant que la loi Lagarde, qui a créé l'ACP, ne la charge d'une mission sur la commercialisation des produits financiers. J'espère que nous pourrons intervenir dans ce domaine. Au demeurant, je ne m'étendrai pas sur la question très complexe des produits toxiques, dont certains n'auraient jamais dû être conçus.

Nous avons rencontré avec GEODE des succès spectaculaires. Nous avons signé des contrats longs avec des PME et des entreprises de taille intermédiaire – ETI –, qui se sont montrées très satisfaites. Nous avons également fourni des prestations concernant certains secteurs d'activité. Le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales – GIFAS– prévoit de commander une actualisation annuelle. Enfin, nous avons réalisé des études pour des conseils régionaux sur des bassins d'emplois ou des filières professionnelles particulières. Pour établir cette analyse économique et financière de haut niveau, l'équipe est d'autant plus efficace qu'elle est regroupée.

En Seine-Saint-Denis, nous sommes installés à Saint-Denis et à Pantin. Or, pour l'accueil du public, les premiers locaux sont plus difficiles à utiliser que les seconds. Nous examinerons à nouveau le problème. Quoi qu'il en soit, nous ne nous désengageons pas de la Seine-Saint-Denis, puisque nous allons créer à La Courneuve le premier centre fiduciaire de France. En accord avec le département et la commune, nous allons racheter et viabiliser un ancien terrain industriel. Nous en céderons la moitié à la commune à des conditions avantageuses, pour qu'elle y construise des logements sociaux. L'usine de traitement des billets, sur le modèle de celles qu'on trouve aux États-Unis, au Japon et Singapour – et bientôt dans la Ruhr –, sera l'une des plus modernes du monde. Bientôt, nous en construirons une autre dans le Nord.

L'activité de caisse est globalement la même en France, en Italie et en Allemagne. Pour un territoire de la même taille que le nôtre mais pour une masse de billets deux fois plus importante, l'Allemagne possède quarante caisses contre soixante et onze chez nous. Son objectif est d'arriver à trente caisses et le nôtre à trente-deux. Une caisse traitera donc deux fois moins de billets en France qu'en Allemagne, mais elle couvrira quasiment le même territoire. Les autres activités de la Bundesbank sont moins développées. Le traitement du surendettement est une particularité française.

Le schéma pluriannuel de stratégie immobilière concerne les administrations et les personnes publiques soumises à la réglementation domaniale, ce qui n'est pas le cas de la Banque de France. Celle-ci, en tant que personne publique sui generis, bénéficie d'un statut indépendant, qui ne lui interdit pas d'élaborer une stratégie immobilière. Dans le réseau des succursales, nous avons systématiquement réétudié l'adéquation des locaux aux services. Dans certains cas, nous les avons vendus pour louer des bureaux plus modernes et resserrés. À Paris, nous avons entrepris une complète réorganisation de notre implantation.

Si l'ACP, située dans les locaux de l'ancienne Commission de contrôle des assurances et des mutuelles, est adossée à la Banque de France, l'AMF est indépendante et a son propre budget.

Dans la région Midi-Pyrénées, où le territoire permet une desserte facile, les flux se concentrent spontanément sur Toulouse. D'autres régions font apparaître deux centres très différents. En Bretagne, ils se situent chacun à une extrémité du territoire. Quoi qu'il en soit, l'activité de caisse est indépendante des frontières régionales et départementales. Les transporteurs de fonds ne considèrent pas que les billets distribués ou ramassés dans une région doivent être apportés à la Banque de France de cette région. L'irrigation du territoire obéit à des flux parfois surprenants.

Au cours de la négociation, nous revérifierons précisément avec nos interlocuteurs la couverture du territoire. Par exemple, nous avons maintenu la caisse de Gap ou les deux caisses de Corse, qui s'accommoderont d'équipements légers, compte tenu de leur petit volume, même si ces installations, comparables à celles de l'outre-mer, ne sont pas optimales en termes de sécurité ou de confort.

L'Union bancaire devrait reposer sur une organisation très décentralisée, de type fédéral, à l'instar des États-Unis qui combinent deux systèmes de supervision, le premier sous l'égide de la Fed qui contrôle les grandes banques, le second sous l'égide du FDIC, l'agence fédérale de garantie des dépôts, qui est chargé des petites banques. L'équipe centrale réunit environ 5 % de la force de travail, le reste, réparti localement, inspecte les établissements et analyse le reporting. Le niveau central intervient, lui, par sondage ou par thème. Concrètement, cela signifie pour nous que, sur les 700 personnes travaillant au contrôle des banques, il faudra peut-être en détacher 35 à Francfort. En revanche, l'Union bancaire changera sans doute beaucoup les méthodes de travail – nous serons amenés à participer à des inspections conjointes organisées par la BCE en cas de problème ponctuel, et à recevoir l'appui de collègues pour mener certaines missions – qui tendront à rendre le contrôle plus homogène.

S'agissant du financement bancaire de l'économie, je ne voudrais pas vous donner l'impression que nous défendons les banques ; nous leur avons mis souvent l'épée dans les reins ces dernières années. Nous exerçons notre vigilance et n'avons pas jusqu'à maintenant décelé les prémices d'un credit crunch. La croissance des crédits aux entreprises continue de ralentir – + 0,6 % en septembre sur un an, contre + 4,5 % un an plus tôt – mais elle reste positive. Par rapport à l'ensemble de la zone euro, nous sommes en deuxième position, juste derrière l'Allemagne, la moyenne de la zone euro étant négative : –1,3 %, sachant que ce taux tombe à –3 % au Royaume-Uni.

Cela étant, ce chiffre recouvre deux évolutions contrastées, mais rassurantes. Premièrement, les crédits consentis aux PME ont augmenté de 3,3 % alors que ceux des grandes entreprises ont baissé parce qu'elles ont profité des bonnes conditions pour aller sur le marché, à l'incitation parfois des banques elles-mêmes. Autrement dit, les PME s'en tirent relativement bien. Deuxièmement, les crédits d'investissement sont encore relativement dynamiques – +2,9 % en croissance annuelle – tandis que les crédits de trésorerie ont baissé de 5,3 % parce que les besoins en fonds de roulement ont diminué à cause soit du déstockage, soit d'une réduction de l'activité. Cette analyse doit être recoupée par d'autres données, ce qui me donne l'occasion de vous répondre à propos de la médiation du crédit.

Depuis 2008, la Banque de France a traité plus de 33 000 dossiers ; 27 000 ont abouti avec un taux de réussite de 62 %. Cela représente environ 15 000 entreprises et 259 000 emplois. Le nombre de dossiers déposés est un indicateur intéressant. Or, ce chiffre n'a pas augmenté depuis un an. Si nous examinons maintenant non pas nos enquêtes auprès des banques mais les résultats de la dernière enquête trimestrielle que nous menons depuis un an auprès de 4 000 PME de tous secteurs et de toutes localisations, ils montrent, comme le trimestre précédent, que plus de 90 % des demandes de crédit d'investissement sont satisfaites et 75 % des demandes de crédit de trésorerie. Nos chiffres se situent un peu au-dessus des chiffres allemands. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes individuels mais, au niveau macroéconomique, il n'y a pas de restriction de l'offre de crédit. C'est la demande qui se contracte.

L'évolution des crédits aux ménages suit une évolution comparable. La distribution de crédits à l'habitat reste en croissance même si le rythme se ralentit – + 3,5 % en septembre – et le ralentissement devrait se poursuivre ; tandis que les crédits à la consommation sont très peu dynamiques, puisqu'ils n'ont augmenté en septembre que de 0,9 %. Au sein de cette catégorie, le recul des crédits renouvelables est très sensible, conformément aux souhaits des pouvoirs publics compte tenu de leur rôle dans le surendettement, au profit du crédit classique remboursable.

L'encours des crédits aux collectivités locales, hors Dexia et Caisse des dépôts, est en progression de 5,2 % sur an. J'avais exprimé devant vous ma crainte de voir les autres banques chercher à se désengager mais ce n'est pas ce qui s'est passé.

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