Merci, madame, d'être venue devant notre commission pour porter le rapport « Agir contre le décrochage scolaire » réalisé par les deux inspections générales. Rendu au ministre en juin 2013, il analyse le phénomène de décrochage, décrit les dispositifs de prévention et propose une nouvelle orientation et des préconisations.
Le décrochage scolaire est un phénomène complexe, dont l'absentéisme est un des symptômes. Les causes sont diverses, avec des facteurs externes à l'institution comme l'âge, le sexe et les conditions économiques, la structure familiale, et des facteurs internes comme la mauvaise orientation, le décrochage cognitif, le passage d'un cycle ou d'un degré à un autre, les modalités d'évaluation ou le manque de sens des objets d'apprentissage.
Nul ne conteste que quitter le système éducatif sans qualification est dramatique pour le jeune comme pour la société. Le renforcement de la lutte contre le décrochage scolaire est d'ailleurs une promesse de campagne de François Hollande. Ce dernier s'est en effet engagé à réduire de moitié – à 70 000 – d'ici à 2017 le nombre de décrocheurs, c'est-à-dire des élèves de 16 à 25 ans qui quittent le système de formation initiale sans avoir obtenu de diplôme professionnel ou le baccalauréat. Lors de sa conférence de presse du 14 janvier dernier, il a parlé d'une réforme de l'éducation prioritaire d'une ampleur inédite. Cependant, force est de constater que les annonces faites sur le sujet par le ministre de l'éducation nationale portent sur un projet plus modeste et plus flou. D'ailleurs, nous ne connaîtrons la nouvelle carte des établissements relevant de l'éducation prioritaire qu'après les municipales.
La revalorisation annoncée des salaires des enseignants des ZEP (zones d'éducation prioritaires) – nouvellement REP (réseau d'éducation prioritaire) – va dans le bon sens. Mais quelles sont les marges réelles de manoeuvre du ministre ?
Les actions mises en place depuis de nombreuses années et tout au long de ces années permettent de mieux repérer les décrocheurs. Lorsque M. Vincent Peillon a présenté, début janvier, son bilan des actions de lutte contre le décrochage, il s'est félicité d'avoir pu raccrocher, en 2013, 23 000 jeunes sur les 140 000 qui quittent chaque année le système scolaire sans diplôme. Nous nous en réjouissons également, d'autant que ce succès couronne deux à trois années de travail de terrain, réalisé notamment autour des 360 plates-formes locales de lutte contre le décrochage généralisées en janvier 2011 par le précédent gouvernement – aujourd'hui réseaux FOQUALE (Formation Qualification Emploi) – dont la mission est de prendre en charge les jeunes décrocheurs. Une telle continuité dans le domaine de l'éducation nationale doit être soulignée, et on peut regretter qu'elle ne trouve pas d'application sur d'autres sujets.
Votre analyse des dispositifs vous conduit à proposer une démarche plus pédagogique qu'administrative et, en quelque sorte, de traiter les causes internes plutôt que les conséquences. Dans les axes majeurs d'avancée, vous évoquez le développement du tutorat, l'aide scolaire spécifique et surtout les alliances éducatives de tous les professionnels qui doivent prendre conscience de leur rôle dans la prévention du décrochage. On pourrait s'arrêter sur de nombreux points ; j'en ai retenu deux.
Premièrement, vous citez l'exemple d'une prise en charge pragmatique des jeunes en difficulté, celui de la fondation des Apprentis d'Auteuil, dont vous avez parlé dans votre exposé introductif. Parmi les principes qui fondent cette prise en charge, figure la coéducation : la famille doit être associée au parcours et à la formation du jeune. Cela nous renvoie au dialogue avec les parents qu'avait porté la loi « Ciotti », dont le bilan d'application a été publié en annexe de ce rapport, ainsi que nous l'avions réclamé. J'observe d'ailleurs que ce bilan, finalement, n'est pas si négatif que cela.
Deuxièmement, vous évoquez le décrochage cognitif, qui est un facteur interne de décrochage. Mais n'est-ce pas aussi un problème beaucoup plus général, qui mériterait d'être traité en priorité ? Un article du journal Le Monde indiquait hier que l'innumérisme s'installait doucement dans la jeunesse française et qu'après 1 500 heures de mathématiques, un quart des adolescents peinait à réaliser les opérations les plus simples ou à résoudre des problèmes auxquels la vie les confrontera.